Les mauvaises habitudes ont la peau dure. Le procureur général de la République (PGR) Flory Kabange Numbi reste égal à lui-même. C’est-à-dire un magistrat aux ordres de l’oligarchie en place. Peu importe qu’il soit rattaché à la Cour suprême ou à la Cour de cassation. Impossible de faire du neuf avec du vieux. Dans un communiqué daté du 18 juin, le PGR annonce l’ouverture d’une information judiciaire à charge de l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe. Le texte est revêtu de la signature du 1er AGR (avocat général de la république) Joseph Nsabua Kapuku. En cause, l’affaire dite du « passeport semi-biométrique falsifié ».
Habitué à rester indifférent aux plaintes déposées à son office par des citoyens lambda (cas notamment de la famille de la défunte Thérèse Kapangala), le PGR Flory Kabange Numbi fait preuve d’une dextérité inhabituelle chaque fois qu’il s’agit des dossiers susceptibles de présenter un intérêt pour « Joseph Kabila » et sa mouvance.
Dans le communiqué cité précédemment, le 1er AGR « informe l’opinion » que le PGR qui fait office du procureur général près la Cour de cassation « ne pouvait pas rester indifférent face aux accablantes révélations faites par la presse internationale sur l’interpellation de Moïse Katumbi Chapwe à l’aéroport de Bruxelles (Zaventem) en possession d’un passeport congolais visiblement falsifié ». Le PGR vient donc d’ouvrir une « information judiciaire » contre Katumbi.
De retour d’un voyage, jeudi 14 juin, l’ancien gouverneur du Katanga qui vit en exil à Bruxelles a été interpellé par un membre de la police des frontières à l’aéroport de Zaventem. « Lors des vérifications d’usage (…), les services aéroportuaires ont constaté que bien que disposant de visas en cours de validité, le passeport semi-biométrique du président Moïse Katumbi avait été retiré du système », note le Bureau du principal intéressé dans un communiqué daté du 15 juin.
D’autres sources citées notamment par l’Agence France Presse feraient état d’une « fausse page » qui aurait été « rajoutée au passeport d’origine ». Une version que le Président de la coalition politique « Ensemble » conteste énergiquement. « Cet incident illustre l’acharnement continu du pouvoir » contre Katumbi, souligne le communiqué. Et d’ajouter que cette nouvelle péripétie « confirme aussi l’instrumentalisation des institutions de l’Etat par le régime de Kinshasa ».
Une source proche de la « DGM » (Direction générale de migrations) joint au téléphone à Kinshasa par l’auteur de ces lignes est formelle: « Le passeport de Moïse Katumbi a sans aucun doute été désactivé au niveau du serveur central qui se trouve au pays ». Notre interlocutrice d’ajouter dans un éclat de rire: « L’objectif est naturellement de couper les ailes à cet ancien gouverneur dont les déplacements n’ont pas peu contribué à l’isolement diplomatique du raïs et son régime ».
COMMISSION ROGATOIRE
On imagine que, dans les jours ou semaines à venir, Kabange Numbi va envoyer une commission rogatoire à Bruxelles afin d’exécuter l’acte d’instruction en examinant le passeport litigieux qualifié d’ores et déjà, par son office, de « passeport congolais falsifié ».
La mésaventure que vient de vivre Katumbi est loin d’être le premier du genre. En novembre 2017, l’ancien ministre des Affaires étrangères Antipas Mbusa Nyamwisi – qui a rompu les amarres avec la « majorité présidentielle » et rejoint les rangs de l’opposition – a été purement et simplement arrêté à l’aéroport d’Entebbe en Ouganda où opéreraient des agents congolais de l’ex-Demiap. « Mon passeport était complètement déconnecté », expliquait le président du RCD-K/ML dans une interview accordée à Congo Indépendant en décembre dernier.
Mbusa qui semble connaitre parfaitement « l’acteur et le système » de poursuivre: « Toutes les pages étaient devenues vierges. Une telle action n’est faisable qu’à partir du serveur central à Kinshasa ». Selon lui, l’objectif était de l’expédier, tel un colis, à Kinshasa. « C’est grâce à l’intervention des plus hautes autorités ougandaises que j’ai pu échapper à une extradition clandestine », concluait-il.
LE PASSEPORT CONGOLAIS DE JAMIL MUKULU
En mars 2015, l’Ougandais Jamil Mukulu – qui passe pour le leader des rebelles ADF qui sèment la mort et la terreur dans le Territoire de Beni au Nord Kivu – a été arrêté à la frontière entre la Tanzanie et le Kenya. L’homme était en possession de six passeports dont celui du Congo-Kinshasa.
Trois années après, les autorités congolaises restent muettes sur la question. Les observateurs attendent toujours que le très zélé PGR Kabange Numbi ouvre une information judiciaire sur… »Jamil ». Les mêmes observateurs se rappellent que sieur Mukulu est une vieille connaissance au général-major « Joseph Kabila ». Les deux compères ont vécu sous le même toit au numéro 55 de l’avenue Bocage au Quartier Ma Campagne à Kin…
B.A.W.