Le message (très politique) du couple Kapend à Tshisekedi père et fils

A l’occasion de la « commémoration » du premier anniversaire de sa libération (8 janvier 2021), le colonel Eddy Kapend – qui a passé vingt années à la prison de Makala – s’est rendu, samedi 8 janvier 2022,  au mausolée de feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba, où il a déposé une gerbe de fleurs. Il en a profité pour écrire un message dans le registre des condoléances. Prénommée « Chantal », l’épouse Kapend, elle, avait précédé son mari. Dans un message vidéo, elle a présenté des vœux à l’actuel couple présidentiel renouvelant au passage « leur attachement » à la personne de l’actuel chef de l’Etat.

« Le 8 juin 2021, j’ai retrouvé la vie par cette liberté ». « Je rends hommage au père de celui qui m’a libéré de la prison ». « Je lui dis merci d’avoir légué à la République un enfant qui m’a sauvé la vie ». « Je dis à Etienne Tshisekedi, Felix Tshisekedi et à toute la famille qu’ils peuvent désormais nous compter, ma famille et moi, en son sein ». Ce sont les phrases que l’ancien aide de camp du président Laurent-Désiré Kabila a écrit dans le registre des condoléances ouvert au mausolée d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba.

Chantal Kapend

Près d’une semaine auparavant, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux. La locutrice s’appelle Chantal Kapend. Femme de foi, « Maman Chantal » a abondamment rendu grâce à Dieu pour l’avoir fortifiée durant les vingt années de détention de son mari. « J’étais comme une veuve. La veuve d’un mari vivant », a-t-elle lancé avant de demander « au Dieu que je sers de bénir » Felix et Denise Tshisekedi. Jusqu’au bout, la locutrice, qui serait fonctionnaire dans l’administration publique, a observé un strict « devoir de réserve ». Pas un mot de trop. Sauf pour renouveler « notre attachement » au chef de l’Etat. Femme d’ancien prisonnier, elle a exprimé sa compassion à l’endroit des « Mamans » dont les conjoints sont détenus à Makala.

Eddy Kapend n’est plus quelqu’un à présenter. Il est apparu à l’ombre de Mzee Kabila au lendemain de la prise du pouvoir par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL). C’était en mai 1997. Durant trois ans, le Colonel a joué un rôle comparable à celui de Jean Seti Yale, alors conseiller spécial du président Mobutu en matière de Sécurité.

Le 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila meurt dans des circonstances jamais élucidées à ce jour. Ce jour-là, le chef de l’Etat est en réunion dans son bureau avec son « dircaba » et conseiller économique Emile Mota Ndongo. A en croire ce dernier, un membre de la garde a fait irruption dans le local avant de tirer plusieurs balles sur le Président. Le nom du présumé assassin est aussitôt divulgué: Rachidi Mizele Kasereka ou Rachidi Mizele Mwenze. Selon divers témoins, le colonel Kapend aurait vidé le chargeur de son AK47 sur ce dernier en pleine fuite. Témoin oculaire autoproclamé, Mota est décédé en septembre 2021.

CAMPAGNE DE PROPAGANDE

L’opinion congolaise apprendra avec stupéfaction, dès le 17 janvier 2001, que le successeur de Mzee aurait été désigné par le « gouvernement ». Il s’agit d’un certain général-major « Joseph Kabila ». Un inconnu dont les origines ne cesseront de susciter la controverse. Dans son édition datée du 19 janvier 2001, le quotidien bruxellois « Le Soir » présente la dame Sifa Mahanya, la prétendue veuve de Mzee Kabila, « comme une Tutsi ». Dans son édition du 20 au 21 janvier 2001, le même organe de presse d’enfoncer le clou en présentant le successeur de « Papa Kabila » comme un Congolais « à moitié Tutsi ». Le journal de préciser, sous la signature de son « experte-maison », Colette Braeckman, que « de nombreux Kinois détestent les Tutsis, assimilés aux Rwandais agresseurs honnis au Congo ». Le 26 janvier de cette même année « Le Soir » fait du rétropédalage: « Les Congolais ont dû se rendre à l’évidence: Sifa Mahanya, la mère de leur nouveau Chef est bien congolaise, originaire de Bangu Bangu dans le Maniema ». L’auteur de ces articles a-t-il été morigéné par Louis Michel, alors ministre belge des Affaires étrangères, surnommé à l’époque « le Grand Chef Blanc »? Personne n’est dupe. « Joseph Kabila n’est pas un homme libre. Nous ne savons pas qui l’a mis au pouvoir ». Ces propos ont été tenus le 30 avril 2002 par le professeur Georges Nzongola. C’est bien cette situation énigmatique qui fait dire à de nombreux Congolais que leur pays est « occupé ».

Il importe d’ouvrir la parenthèse pour relever la campagne de propagande qui a suivi l’investiture de « Joseph Kabila ». But: démontrer que « Joseph » est bien le fils de Mzee Kabila. Le politologue Célestin Kabuya-Lumuna Sando sera le premier à publier, en mars 2002, un ouvrage intitulé « Histoire du Congo – Les Quatre premiers présidents », aux éditions Secco & Cedi. A la page 239, on peut lire: « (…). Pour des raisons évidentes de clandestinité, il [Joseph Kabila] s’est aussi appelé Kabange, Mtwale, Hyppolite. (…)« . Pour rendre cette campagne plus « crédible », des journalistes étrangers sont appelés à la rescousse. Dans le n°3 juillet/août de la « Revue pour l’Intelligence du monde », François Soudan, en collaboration avec Wilson Omanga, écrit à la page 37 que « Joseph et Jaynet (…) sont inscrits sous des noms d’emprunt (Kabange, puis Kanambe), dans un collège francophone de Dar es Salaam ». Un détail qui n’est nullement confirmé par « Jaynet ». Elle a fait ses études primaires au « Green Valley Primary School » en Ouganda. Elle a poursuivi les études secondaires en Tanzanie (Irambo Secondary School). Fermons la parenthèse.

Revenons à la mort de Mzee. Le 26 janvier 2001, « Joseph Kabila » est investi à la tête de l’Etat. « Je rassure le peuple congolais qu’une enquête judiciaire  est déjà ouverte afin que la lumière soit faite sur les circonstances de l’assassinat de l’illustre disparu », déclarait-il dans son discours d’investiture.

Dès ce mois de janvier, on assiste à des rafles des prétendus « suspects » dans l’assassinat du président LD Kabila. Ils sont au nombre de 135. Le 24 février 2001, coup de théâtre: le colonel Eddy Kapend est interpellé. Il est accusé non seulement d’avoir abattu le présumé assassin mais aussi tenté de s’emparer du pouvoir.

Un fait étrange sera remarqué lors du méga-procès ouvert en 2002: le huis clos était de rigueur chaque fois que certains prévenus étaient appelés à la barre. C’est le cas notamment d’Eddy Kapend, de Georges Leta Mangasa (ancien administrateur général de l’Agence nationale de renseignements) et de Constantin Nono Lutula (ancien conseiller spécial du défunt chef de l’Etat en matière de Sécurité). Le nouveau pouvoir avait-il quelque chose à cacher?

PROCÈS INIQUE

Eddy Kapend à la fin de son procès

En 2003, les condamnations de la Cour d’ordre militaire tombent. Kapend, Leta et Lutula sont au nombre des condamnés à mort. Il en est de même de John Bompengo, Yav Ditend, Mutindo Kitambala, Intongwa Ngirinda,Jean Chiribangula, Mukanirwa Jojo   Mukanirwa Jojo, Jean Chiribangula, Murhanzi Fils, Amisi Bakuka, Kibonge Mulumba. Et pourtant, cette juridiction d’exception n’a pas honoré la promesse de « Joseph Kabila ». Celle de « faire éclater la vérité sur les circonstances exactes » de son prédécesseur. A la surprise générale, le général Nawele Bakongo, président de cette juridiction d’exception, annonce la fin de ce procès inachevé en précisant que des enquêtes vont se poursuivre. Un parfait spécimen de procès inique!

Tout au long de son embastillement à la prison de Makala, le colonel Kapend ressemblait, à tort ou à raison, à ce personnage campé par l’acteur français Pierre Richard dans le film « Je sais tout mais je ne dirais rien ». Vous avez compris. L’ex-aide de camp semblait donner l’impression d’avoir conclu une sorte « d’Omerta ».

A l’occasion du 17ème anniversaire de la mort de Mzee Kabila, en janvier 2018, Kapend fait une apparition remarquée au cours d’une messe d’action de grâce célébrée dans l’enceinte de la prison. Le Colonel portait une tenue de camouflage toute neuve. Dans un speech d’un quart d’heure, il lance: « Tous les assassins de Kabila, les commanditaires de son assassinat, les traitres et tous ceux qui l’ont abandonné sont en liberté ». Des noms? Rien. L’orateur de poursuivre que « ne sont emprisonnés que les innocents. (…) Si nous étions des coupables, nous ne serions pas en prison. Les assassins sont dehors. Ils savent que nous savons qu’ils sont dehors ».

Le couple Kapend n’a pas tort d’exprimer sa gratitude vis-à-vis du président Felix Tshisekedi. L’ex-bras droit de Mzee est, sans doute, conscient que jusqu’en 2018, « Kabila » n’avait jamais envisagé de lui accorder la grâce présidentielle. Encore moins à tous ces « faux coupables » de l’assassinat de Mzee Kabila. « Nous avons considéré que les assassins d’un chef d’Etat ne rentrent pas dans la catégorie des personnes susceptibles d’être amnistiées. J’ai la conviction que ceux qui se trouvent à Makala ont bel et bien été dans le coup pour tuer Laurent-Désiré Kabila ». Qui parlait ainsi? C’est Alexis Thambwe Mwamba, alors ministre de la Justice…

 

Baudouin Amba Wetshi

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