A quelques soixante-douze heures du meeting qu’organise l’Union pour la démocratie et le progrès social le 24 avril, les Congolais attendent de jauger les qualités de « Chef » – autrement dit de « conducteur du changement » – de Félix Tshisekedi Tshilombo, le tout nouveau président élu de cette formation politique dont l’histoire se confond avec celle de la restauration du pluralisme politique au Congo-Zaïre. L’association de défense des droits humains, »La Voix des Sans Voix pour les droits de l’Homme » invite les autorités compétentes à prévoir un dispositif pour encadrer cette manifestation politique.
Félix Tshisekedi Tshilombo s’adressera mardi 24 avril aux militants de l’UDPS et à travers eux à l’ensemble des citoyens congolais qui attendent depuis le mois de septembre 2016 d’aller aux urnes afin de choisir notamment leur nouveau Président de la République. Cette réunion politique aura lieu à la Place Sainte Thérèse dans la populeuse commune kinoise de Ndjili.
Le tout-Kinshasa politico-diplomatique suit attentivement la suite que le gouverneur de la ville de Kinshasa, le PPRD André Kimbuta Yango, réservera à la correspondance lui adressée à ce sujet par le successeur d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba.
Désigné secrétaire permanent du parti présidentiel le 27 février dernier, Emmanuel Ramazani Shadary a animé, le 2 avril, un meeting de cette organisation politique dominante. Une foule immense comprenant notamment des « militants » et des badauds s’était donnée rendez-vous à l’esplanade de la Fikin (Foire internationale de Kinshasa). L’histoire ne dit pas si l’ex-ministre de l’Intérieur s’était plié à l’obligation constitutionnelle d’informer « par écrit l’autorité administrative compétente ».
Notons que le public venu nombreux écouter ce cacique du PPRD est resté sur sa faim. Friand de la grandiloquence et des propos à l’emporte-pièce, « Shadary » s’est contenté de lancer des invectives à l’encontre des opposants dits « radicalisés » tout en annonçant une « victoire du PPRD à tous les niveaux ». L’homme est resté muet sur le bilan des « Cinq chantiers » (2006-2011) et la « Révolution de la modernité » (2011-2016).
Au nom de l’égalité des Congolais devant la loi (article 12 de la Constitution) – et à quelques huit mois de la date fixée pour les élections présidentielle, législatives et provinciales -, les observateurs comprendraient difficilement que le PPRD jouisse des « privilèges » dignes d’un parti-Etat. Ces observateurs ne comprendraient que les « autorités compétentes » refusent au principal parti de l’opposition ce qu’elles accordent au PPRD.
UN CLIN D’ŒIL A L’HISTOIRE
Dans un communiqué daté du vendredi 20 avril 2018, la « VSV » tire la sonnette d’alarme en exhortant les autorités à prendre les dispositions appropriées « en vue de sécuriser de manière responsable les manifestants audit meeting ». Les forces de l’ordre, elles, sont invitées à assumer « leur mission avec professionnalisme, (…), en faisant preuve de retenue et du sens de responsabilité ».
Le service d’ordre de l’UDPS n’est pas oublié. Selon la « VSV », les responsables de ce parti doivent « prévenir tout débordement ou dérapage », par un encadrement efficient des militants et sympathisants. « En définitive, conclut le communiqué, la VSV invite (…) les autorités rdcongolaises à prendre des dispositions utiles pour garantir un bon déroulement du meeting de l’UDPS ».
En choisissant la date du 24 avril pour organiser ce meeting, Félix Tshisekedi Tshilombo lance un clin d’œil à l’Histoire. C’est un 24 avril 1990 que le président Mobutu Sese Seko avait prononcé son discours annonçant la fin du parti-Etat et la restauration du pluralisme politique. Les Zaïrois d’alors avaient cru assister à l’avènement d’un nouvel ordre politique fondé sur la démocratie et le respect des droits et libertés.
Six années après la longue transition (1990-1996) qui a abouti à une impasse, Laurent-Désiré Kabila a fait son apparition « à la tête » de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre). Le Mzee et ses mentors ougandais et rwandais avaient appâté les Zaïro-Congolais en leur miroitant trois promesses. A savoir: abattre la dictature, relancer le processus démocratique et instaurer l’Etat de droit. Aucune de ces promesses n’a été tenue. Bien au contraire, un despote a succédé à un autre.
Le 16 janvier 2001, le Mzee est mort dans des circonstances non-élucidées à ce jour. L’avènement de « Joseph Kabila » à la tête de l’Etat le 26 janvier n’a apporté aucune embellie. Cela fait dix-sept ans que le pays ressemble à un navire sans boussole, piloté par un capitaine sourd, aveugle et muet. « Le pays va très mal », écrivaient les évêques de la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo) dans leur message daté du 23 juin 2017. « La situation est devenue pire », dit l’homme de la rue. L’arbitraire, le sectarisme, l’intolérance et la corruption font rage.
On espère que Tshisekedi Tshilombo mettra à profit cette manifestation non pas pour régler des vieux comptes avec ses ex-camarades qui ont suivi Bruno Tshibala Nzenzhe. Il devrait, au contraire, rappeler le chemin parcouru par le « processus démocratique » au cours de ces trois décennies. Il devrait également prendre de la hauteur pour démontrer qu’il n’est pas que « le fils de son père ». Et qu’il a des convictions fortes en des valeurs (réconciliation, démocratie, lutte contre les inégalités, progrès, liberté, justice sociale, bonne gouvernance, tolérance etc.) et surtout une vision d’une société congolaise de demain. Une société qui doit donner à chacun et à tous la meilleure vie possible…
Baudouin Amba Wetshi