Le samedi 7 octobre, Fatshi est allé déposer sa candidature à la présidentielle. Le général John Numbi choisit ce jour-là pour surgir de l’ombre. De réparateur de radio à Likasi, il est devenu général d’armées du jour au lendemain, sans aucun exploit sur les champs de bataille, sans user sa culotte sur les bancs d’une école de guerre. Dans une vidéo qui est devenue virale sur le net, il déclara urbi et orbi que Fatshi n’a pas respecté un accord signé avec le taiseux Joseph Kabila devant Dieu, des chefs d’Etat, des militaires et des hommes. Enfer et damnation! Il commanda à l’armée, à la police ainsi qu’à toutes les forces de défense du pays de renoncer à leur devoir d’obéissance. Stupeur et tremblements!
Comme si cela ne suffisait pas, il promit de barrer la route à Fatshi. Comme il est l’un de ceux qui ont cautionné l’accord, il déclara sans ambages que « seul le fabricant du monstre est capable de le détruire, autant nous lui avons donné le pouvoir, autant nous sommes capables de le reprendre de gré ou de force ». Stupeur et tremblements! « Alea jacta est » avait dit Jules César avant de franchir le Rubicon avec ses troupes! Cela rappelle le roman de Mary Shelley intitulé « Frankenstein ou le Prométhée moderne ». Dans ce roman, un savant du nom de Victor Frankenstein, parvient à donner la vie à un cadavre d’homme reconstitué à partir de chairs mortes. Horrifié par le monstre qu’il vient de créer, il préfère l’abandonner puis cherche à le détruire pour qu’il ne cause pas davantage de désastres. Finalement, il rend l’âme sous les yeux du monstre. Saperlipopette!
Les menaces de John Numbi doivent être prises au sérieux, d’autant que son parcours est jalonné du sang de ses victimes. Il a fait trucider moult Kasaïens au Katanga lors de l’épuration ethnique. Il a fait exécuter des centaines de militants de la secte mystico-religieuse de Bundu dia Kongo. Il a fait assassiner le défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya et son chauffeur Fidèle Bazana etc. Enfer et damnation!
Au fait, l’accord politique entre Fatshi et l’ex-Rais existe? L’ancien président de la CENI, Corneille Nangaa, subitement bavard, se vante d’être l’un des coauteurs du texte. Fatshi nie son existence. Suivant mon ami qui sait ce qui se passe dans tous les coins et recoins de Kinshasa la déglinguée, il est évident qu’un accord de partage du pouvoir a été signé en janvier 2019 entre les deux camps. Mais Zoé Kabila avait déclaré en son temps que « nous ne laisserons pas le pouvoir à n’importe qui ». Tout celui qui devait succéder à Kabila, devait donc négocier avec lui. De toute façon, c’est du passé. Les historiens diront un jour ce qu’il s’est réellement passé.
Ceci n’expliquant pas cela, en ces jours marqués par l’élection présidentielle, des sondages pullulent. Depuis les temps immémoriaux, nos ancêtres ont cherché à savoir à quelle sauce on va être mangé. D’après mon ami qui sait tout, ils recouraient aux féticheurs et aux rêves pour prédire l’avenir. Dans la Grèce antique, il y avait l’Oracle du temple d’Apollon à Delphes, appelé la Pythie. Chez les Romains, il y avait les augures. D’un œil vigilant, un prêtre était chargé d’interpréter les phénomènes naturels considérés comme des présages. Il scrutait le vol des oiseaux et la manière dont mangeaient les poulets sacrés, afin d’en tirer des présages. Et puis vint le calcul des probabilités et enfin le sondage qui est une enquête statistique réalisée sur une population donnée. Les sondages sont parfois manipulés. En Côte d’Ivoire, l’élection présidentielle devait se tenir en 2005. Elle fut repoussée à plusieurs reprises par le président Gbagbo par crainte d’être battu. Les services secrets français qui sont les meilleurs du monde seulement en Afrique de l’Ouest, le poussèrent à recourir à des instituts de sondages qu’ils contrôlaient. Ceux-ci publièrent des sondages dans lesquels il était favori. L’élection fut finalement organisée en 2010. Mal lui en prit. Il fut battu par Alasane Ouattara. Il ne reconnut pas les résultats et fut chassé du pouvoir le 11 avril 2011.
On dit chez nous qu’à ne pas surveiller ses paroles, on trouve le malheur.
GML