Correspondance particulière.
(Les passages entre parenthèses sont des extraits du rapport GCM)
La Gécamines vient de publier une réponse aux rapports rédigés par des ONG qui mettent en cause la gestion des ressources minières par les autorités de la RDC et en particulier la gestion de la GCM.
L’avant-propos du document, est un réquisitoire contre les ONG qui – dans un grand nombre de pays – luttent contre la corruption et la prédation des richesses au détriment des populations. Dans ce domaine, la RDC ne saurait échapper à l’attention de ces ONG. La RDC est un des pays les plus richement dotés en ressources minières, énergétiques et agricoles. Il est aussi bon dernier dans les classements du développement humain, en d’autres termes, l’immense majorité de la population croupit dans la misère. Il figure également, année après année, en tête des classements des pays les plus corrompus. Pour terminer le palmarès il est le pays qui, sans être en guerre, compte le plus grand nombre de victimes de violences et d’atteintes aux droits de l’homme. L’état de droit a disparu et toutes les institutions sont contrôlées et instrumentalisées par un petit groupe d’invendus.
Comme dans de nombreux autres états « kleptocrates », les membres de ce groupe utilisent les mêmes méthodes contre tous ceux qui remettent en question leurs pratiques. Les activistes nationaux sont embastillés ou tués comme l’a été notre compatriote Floribert Chebeya et les étrangers sont taxés de valets de l’impérialisme et des multinationales qui veulent s’ingérer dans les affaires d’un pays souverain afin de dépouiller les populations de leurs ressources.
Depuis que le PCA (président du conseil d’administration) de la GCM a rejoint le petit groupe qui dirige le pays il entonne la même chanson. Ayant déjà qualifié les ONG de « faux nez d’intérêts venus d’ailleurs… » lors de son message de nouvel an début 2018, il va cette fois plus loin en les accusant de vouloir « priver le pays de la souveraineté sur ses matières premières ». Les vraies responsables de la prédation des ressources du pays, des contrats léonins, de la déconfiture de la GCM et de la MIBA, des détournements massifs seraient donc les ONG et leurs patrons les multinationales. Véritables ennemis, elles ne seraient « que des créatures utilisées comme levier pour renverser des régimes politiques … »
Dans une démocratie, l’analyse et le cas échéant la critique de la gestion des ressources du pays est un exercice normal, dévolu aux institutions et plus particulièrement au parlement et à la cour des comptes. En 2005, l’Assemblée nationale a eu un dernier sursaut d’indépendance en mettant en place une commission spéciale de l’Assemblée nationale appelée commission Lutundula chargée d’examiner la gouvernance dans plusieurs secteurs et plus spécialement dans les ressources minières. La commission a analysé en profondeur la mauvaise gestion, le bradage des ressources et les contrats léonins, signés par les multinationales et la direction de la GCM qui a signé et validé ces états financiers au niveau des joint-ventures (JV). Leur rapport a révélé les pratiques prédatrices et nommé les responsables. Des proches du pouvoir étant mis en cause et particulièrement le sujet israélien Dan Gertler – devenu milliardaire depuis qu’il est l’éminence grise du pouvoir en matière de gestion des ressources minières – l’ami déclaré du patron des patrons, le rapport ne fut même pas discuté en séance plénière et hydrocarbures qui ont été mises au « frigo ».
La commission Lutundula serait-elle aussi le « faux nez » du capitalisme international?
Rappelons que le rapport de la commission spéciale a été précédé en 2000 des rapports du panel sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesses de la R.D.C, mis en place par le Conseil de sécurité de l’O.N.U. Encore un faux nez?
Et l’Africa Progress Panel (Rapport produit à l’instigation de Kofi Annan), qui dans son « Rapport 2013 sur les progrès en Afrique » dénonce la revente à prix cassés par la Gécamines de parts dans cinq projets miniers katangais (Kolwezi, Kabolela, Kipese, Mutanda et Kansuki) à des sociétés immatriculées aux îles Vierges britanniques liées au même sujet Israélien, encore un faux nez?
Depuis la nomination du nouveau PCA de la GCM, Albert Yuma en 2011, la cession d’actifs à des sociétés situées dans des paradis fiscaux qui sont le plus souvent liées à son « ami » Dan Gertler n’a jamais cessée. Suite a ces manœuvres opaques, le FMI a suspendu son programme avec la RDC fin 2012 et cela prive le pays de ressources budgétaires ainsi que de nombreuses aides extérieures qui sont conditionnées à un programme avec le FMI. Par ailleurs, le gouvernement de la RDC se soustrait depuis six ans à une obligation institutionnelle comme membre du FMI qui l’oblige à se soumettre à une revue des politiques économiques au titre de l’article IV des statuts du FMI. En résumé, les « Kulunas » au pouvoir dans de ce pays considèrent le FMI comme « un empêcheur de voler en rond ».
En 2013, profitant de l’absence de contrôle du FMI, la GCM a tenté de transférer ses participations dans une société basée à l’Ile Maurice rendant l’opacité des cessions encore plus grande et permettant ainsi d’échapper aux impôts en RDC!
Depuis la nomination du nouveau PCA, la GCM se livre même à des opérations sans l’autorisation du gouvernement, sous prétexte qu’elle est devenue une société commerciale même si l’Etat est actionnaire à 100%. Ce gouvernement à l’époque étant dirigé par Matata Ponyo, ce dernier ne pouvait tolérer que le butin de la GCM lui échappe et on assiste ainsi à un combat entre deux grands prédateurs. Le premier ministre, mordant la poussière dans ce conflit doit se rabattre sur le maigre budget de l’Etat à travers de « petites » prédations comme Bukanga Lonzo qui n’ont coûté à l’Etat qu’environ 150 millions de dollars US. Le PCA de la GCM était déjà Albert Yuma lors de ces opérations de cessions douteuses, on peut se demander qui est le faux nez de qui?
UNE NOUVELLE VISION DE LA CORRUPTION PAR ALBERT YUMA
Non satisfait de traiter les ONG de valets des multinationales, le patron des patrons, probablement motivé par un objectif d’auto-justification tente de minimiser l’importance de la corruption et de la mauvaise gouvernance.
Contrairement à tous les économistes qui pensent que la corruption généralisée et la mauvaise gouvernance sont les moteurs principaux de la mauvaise allocation des ressources en faveur des décideurs « kleptocrates », Albert Yuma pense que ce raisonnement est faux. Dans l’introduction du rapport GCM il propose de « remettre en cause le postulat que ce ne sont pas les prétendus détournements qui sont la cause première du sous-développement du pays et incidemment que la corruption ne serait pas la cause ce de tous ces maux ». La « situation désastreuse du pays » serait plutôt due à des « raisons structurelles » dont la principale serait les multinationales et les ONG qualifiées « d’idiots utiles au profit du capitalisme mondial… »
L’objectif principal de ce rapport GCM n’est donc pas de mettre en cause les contrats léonins et autres actes de gestion catastrophique des ressources mais de nier la responsabilité de ceux qui décident et signent dont le PCA de la GCM, Albert Yuma. Si avant 2000 les circonstances et l’incompétence ont pu expliquer des erreurs et ont permis aux loups d’entrer dans la bergerie, depuis 2006, le régime détenant l’entièreté du pouvoir dans la gestion de la GCM doit assumer l’entièreté de la responsabilité de ces prédations organisées.
Aujourd’hui les ONG qui critiquent la mauvaise gouvernance sont visées, demain sans doute celles qui dénoncent les atteintes aux droits de l’homme qui selon cette division de la Monusco se monte à une moyenne mensuelle de 600 cas sur la dernière année dont près de la moitie sont attribues aux FARDC.
Outre la description des crimes économiques commis par les kulunas en col blanc, les rapports des ONG et centres de recherches établissent un lien direct entre l’exploitation illégale des ressources naturelles et la poursuite des violences dans ce pays. La responsabilité de ce petit groupe de kulunas, dans les violences et autres atteintes aux droits de l’homme est dès lors bien évidente.
Jean-Marie Lelo Diakese