Dans « Sanctions US: La CENI ‘rejette’ les ‘allégations’ du département d’Etat » (CIC-24 février 2019), Baudouin Amba Wetshi donne la parole à un juriste aux propos justes: « Les Américains savent que Félix Tshisekedi a été ‘mal élu’. Entre deux maux, ces derniers ont choisi le moindre en éludant la recherche de la vérité des urnes pour privilégier la paix civile. Les Américains viennent d’envoyer un message très clair à l’ancien président Kabila Kabange. A savoir qu’ils n’entendent pas revoir aux affaires ceux qui ont participé à la razzia de la RDC ». Il s’agit-là d’un soutien clair au bénéficiaire du vol électoral opéré par le despote Joseph Kabila. Car, coincé par sa propre trahison du peuple à travers le pacte secret conclu avec le voleur récidiviste des victoires électorales, Félix Tshisekedi ne sait à quel saint se vouer pour être en mesure de gouverner effectivement le pays.
La même analyse de la situation était déjà présente dans notre article intitulé « Félix Tshisekedi élu président par Joseph Kabila » (CIC-13 janvier 2019). Nous écrivions alors: « Martin Fayulu, vainqueur et ‘perdant’ de l’élection présidentielle, a déposé, à la Cour constitutionnelle, un recours en contestation des résultats provisoires de la présidentielle […] Si jamais [les juges] restaient toujours des marionnettes entre [les mains du despote], en validant son pacte secret avec Félix Tshisekedi, Martin Fayulu et les autres opposants devraient bien décoder le message de la communauté internationale afin d’éviter à notre peuple tant martyrisé les affres de nouvelles turbulences. En effet, la communauté internationale est consciente du pacte ci-dessus. Cependant, pour elle, cela constitue tout de même une avancée pour un pays aux élites sans boussole qui n’aura connu aucune alternative pacifique en près de six décennies d’indépendance ».
Concernant les sanctions US, il convient également de revenir sur un autre article, celui de Baudouin Amba Wetshi intitulé « Congo-Kinshasa: Y a-t-il deux présidents aux commandes? » (CIC-21 février 2019). Voyant rouge à la moindre critique à l’encontre du cinquième président de ce pays, le non autrement identifié Elombe croyait poser une question dont la réponse était connue d’avance par tous: « Sans être le conseiller de Tshisekedi, j’aimerais qu’on me dise ce qu’aurait fait le superman Fayulu si on l’avait déclaré vainqueur de cette élection dans ce même environnement politique? ». Ce fut l’occasion pour nous de le recadrer entre autres en ces termes: « Quelqu’un qui ne serait pas lié par un pacte secret avec le despote Kabila aurait les coudées franches pour se constituer une majorité parlementaire en recourant à tous les partis d’opposition d’hier et en débauchant certains dirigeants des partis du FCC. La capacité de nuisance de Kabila n’est un secret pour personne. Ce que vous semblez oublier, c’est qu’on peut lutter contre elle en ayant les puissants de ce monde comme partenaires ». Et au sujet d’un tel partenariat, nous écrivions déjà ce qui suit dans l’article « Amen! » (CIC-21 janvier 2019): « Si Félix Tshisekedi jouit de la reconnaissance internationale en dépit de la énième comédie électorale qui vient de se jouer sous le ciel congolais, ce qui est fort probable, ses chances de gouverner réellement seront certes très minces, mais cela ne signifie pas qu’il soit impossible de mitiger les nuisances de Joseph Kabila et l’hégémonie qu’il incarne. Pour ce faire, Tshisekedi n’aurait d’autre choix que de ratisser large dans la composition de son premier gouvernement; une entreprise difficile compte tenu des la culture de la ‘crasse politique’ congolaise et des plaies ouvertes par l’accord avorté de la candidature commune de l’opposition signé à Genève et surtout par le hold-up électoral en sa faveur. Il devrait également brader l’économie congolaise pour espérer un certain soutien des puissants de ce monde ».
La Constitution boiteuse du pays aidant, Félix Tshisekedi piégé par le despote Joseph Kabila peut s’en sortir et piéger à son tour son prédécesseur. Il peut ne pas se soucier de la composition de son premier gouvernement. Dans ce cas, il aurait intérêt à composer le plus rapidement possible son cabinet au grand complet de manière à jouer temporairement le rôle du pouvoir exécutif. Notons que la signature d’un Accord portant sur la réouverture de la Maison Schengen a obéi à cette logique. Qui pourrait lui reprocher d’agir ainsi quand on sait qu’au Congo, d’autres instances dont la présidence de la république ont été hissées au rang de gouvernements parallèles surtout tout au long de la ‘Kabilie’?
Pendant ce temps et pour amorcer une rupture avec notre passé plus que sombre en matière de gouvernance, Félix Tshisekedi peut convoquer les états généraux des corps constitués de l’Etat que sont l’administration publique, la diplomatie, la police, l’armée et les services secrets. L’objectif de ces états généraux, qui pourraient bénéficier de l’expertise des Nations Unies à travers la MONUSCO, serait de mettre en place son administration à lui, tout en faisant miroiter à Joseph Kabila et son Front commun des cons (FCC) la composition du gouvernement de coalition. Et quand viendrait enfin le temps de former celui-ci, il pourrait appliquer à la lettre les leçons apprises de la « démocratie banania » sous l’ère Kabila, à savoir exiger de ce dernier de lui soumettre plusieurs candidats à chaque poste devant être occupé par le FCC et écarter d’emblée tout ‘Kabiliste’ de premier plan.
Notons au sujet de la formation d’un gouvernement de coalition que seul le pacte secret conclu avec son prédécesseur oblige Félix Tshisekedi à avoir le FCC comme interlocuteur. Cette coalition des partis n’a aucune existence légale et ne peut donc pas s’imposer à lui. Normalement, comme aucun parti ou groupement des partis légalement reconnu ne dispose de la majorité au parlement actuel, il devrait être aisé au président de la république de se constituer une majorité présidentielle d’autant plus que contrairement à la situation qui prévaut dans les démocraties occidentales, ses contacts avec divers leaders des partis présents à l’Assemblée nationale ne devraient concerner que le partage du gâteau et non la politique à mener ensemble. Ils sont légion les leaders des partis ou ‘ligablo’ qui piaffent d’impatience à l’idée de participer au prochain festin national.
Félix Tshisekedi peut jouer une autre carte pour s’émanciper de la camisole de force cousue par les intérêts égoïstes de son diabolique prédécesseur et de l’hégémonie ethnique camouflée qu’il a incarnée et continue d’incarner. En dix-huit années de pouvoir et en dépit de l’apport des casques bleus, le régime Kabila n’a pas été en mesure d’endiguer tous les foyers d’insécurité à travers le territoire national. Contrairement à certaines missions de maintien de la paix, la MONUSCO n’a pas bénéficié d’une opération militaire occidentale comme Sangaris en Centrafrique ou Serval puis Barkhane au Mali qui disposerait d’une grande puissance de feu et qui se passerait des règles d’engagement contraignant des casques bleus en appuyant ceux-ci. En demandant le déploiement d’une telle opération, de préférence américaine ou britannique ou les deux à la fois, Tshisekedi pourrait disposer d’une arme contre les menées subversives qui proviendraient de la prétendue autorité morale du FCC aussitôt que son devoir d’ingratitude se serait exprimé haut et fort.
Le despote Joseph Kabila vient de violer la Constitution pour la dernière fois. Comme le notent les constitutionalistes André Mbata et Jean-Louis Esambo dans leur « Leçons de la conférence de l’IDGPA sur la 13ème anniversaire de la Constitution » (CIC-24 février 2019), « avant leur entrée en fonction et à l’expiration de celle-ci, le Président de la République et les Membres de Gouvernement sont tenus de déposer devant la Cour constitutionnelle, la déclaration écrite de leur patrimoine familial »; obligation à laquelle Kabila, fort de son intouchabilité, s’est soustrait. Une fois piégé à son tour, il devrait être embastillé afin que la nation soit édifiée sur l’accroissement de son patrimoine, en partant de ses bottes en caoutchouc de rebelle AFDL à l’immense fortune qu’on lui attribue désormais, acquise sur le dos du peuple.
Par Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo