Le corridor ferroviaire de Lobito va faciliter les exportations des minerais

Gaston Mutamba Lukusa

Le 4 juillet, les chefs d’État de l’Angola, de la République démocratique du Congo et de la Zambie se sont retrouvés en Angola pour une cérémonie officielle. Il s’agissait de parapher l’accord relatif à l’exploitation du chemin de fer du corridor de Lobito. Le consortium Lobito Atlantic Railway a été sélectionné pour exploiter le corridor ferroviaire. Le consortium comprend les sociétés Trafigura (trader suisse), Vecturis (opérateur ferroviaire belge) et Mota-Engil Engenharia e Construcao Africa SA (entreprise portugaise de travaux publics et ferroviaires).

Le projet porte sur l’exploitation, le fonctionnement et la maintenance du transport ferroviaire. Un contrat de concession de 30 ans, avec possibilité de prorogation de 20 ans, avait été attribué au consortium qui a objectif de relier Kolwezi en République démocratique du Congo au port de Lobito en Angola. Il permettra d’évacuer des produits des régions minières congolaises vers l’océan Atlantique.

Au terme de l’accord, la voie va être prolongée jusqu’en Zambie. Il s’agit non seulement du transport des minerais tels que le cuivre, le cobalt, le lithium mais aussi des produits agricoles et divers ainsi que des voyageurs. Le corridor ferroviaire s’étend actuellement sur une longueur de plus de 1.700 km, soit 1.340 km en Angola et près de 440 km en RD Congo.

En janvier, l’Angola avait signé un accord avec la RD Congo et la Zambie pour développer les infrastructures ferroviaires et portuaires liées au port angolais de Lobito. Ce projet va désenclaver le Congo et la Zambie qui exportent leurs produits via les ports d’Afrique du Sud (Durban) ou d’Afrique de l’Est (Dar Es-Salaam en Tanzanie et Beira au Mozambique).

Un trajet plus rapide et moins coûteux

Suivant un rapport de l’agence Bloomberg, daté de novembre 2022, sur la route vers l’Afrique australe, le poste frontière de Kasumbalesa (avant l’entrée en Zambie), constitue un goulet d’étranglement. C’est la voie la plus couramment empruntée par le cobalt congolais et l’ensemble des exportations du Copperbelt en Zambie. Les camions peuvent y rester bloqués jusqu’à deux semaines dans des embouteillages. L’ensemble de la traversée, de la mine ou de l’usine de traitement vers un port sud-africain peut prendre un mois. Outre la réduction des délais du trajet, les coûts logistiques vont aussi diminuer. Le consortium européen mené par le trader en matières premières Trafigura basé à Genève, espère ramener à moins de 36 heures le temps de trajet entre Kolwezi et Lobito, avec au moins six trains par jour d’ici les cinq prochaines années.

Pour ce faire, le consortium Lobito Atlantic Railways va investir 555 millions de dollars, en partie financé par les Etats-Unis, pour la rénovation et la modernisation du corridor. Un montant de 455 millions de dollars ira au chemin de fer de 1.344 kilomètres en Angola et environ 100 millions de dollars pour le chemin de fer de 400 kilomètres en RD Congo. Le gouvernement américain avait annoncé, le 22 mai, un investissement de 250 millions de dollars dans le développement des infrastructures du corridor de Lobito afin de connecter et développer l’activité commerciale et économique de l’Angola et du Congo. L’investissement sera réalisé via l’agence gouvernementale US International Development Finance Corporation (DFC). Suivant la radio Voix de l’Amérique, ce projet d’un coût de 555 millions de dollars devrait permettre de développer l’exportation entre autres de minerais de cuivre, le commerce régional et de resserrer les liens de l’Angola avec les pays occidentaux.

S’étendant sur environ 1.700 km, cette ligne de chemin de fer a été construite il y a 100 ans par des investisseurs britanniques. Mais la partie angolaise de la ligne a été fermée au plus fort de la guerre civile qui a ravagé le pays entre 1975 et 2002, et ensuite laissée à l’abandon. Reconstruite par une société chinoise, elle a rouvert en 2015. Mais le trafic n’a jamais vraiment repris, avec environ un train toutes les deux semaines selon Vecturis, l’opérateur belge qui la gère et qui fait aujourd’hui partie de la nouvelle concession. La partie congolaise qui remonte à l’époque coloniale a été peu entretenue par la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC). La voie connait en moyenne trois déraillements par jour en raison de la vétusté des voies ferrées et du manque d’entretien. Les locomotives roulent dans beaucoup d’endroits à seulement 2 km/h (deux kilomètre/heure).

Il faut s’attendre à des résistances

Il va sans dire que le corridor ferroviaire va permettre d’augmenter les recettes douanières, d’évacuer des produits agricoles et de favoriser le commerce transfrontalier. Mais plusieurs intérêts sont en jeu. La fraude documentaire, quantitative et qualitative va diminuer puisque le poste frontalier de Kasumbalesa ne sera plus seul concerné dans les expéditions de minerais. La maffia et les gangs qui gravitent autour des opérations de dédouanement seront mis hors circuit ainsi que tous ceux qui vivent de l’anarchie à Kasumbalesa.

La mise en œuvre du projet risque aussi de se heurter à d’autres intérêts. Le rail va concurrencer l’activité du transport routier des minerais. Beaucoup d’entreprises qui exploitent les camions, appelés communément trucks, risquent de fermer. Il en est de même des sociétés de péage sur la route qui verront leurs revenus diminuer. A ceci, il faut ajouter les travailleurs de la SNCC, une société anonyme unipersonnelle avec conseil d’administration. Il faudra que la SNCC puisse concéder au consortium Lobito Atlantic Railway, la gestion et l’exploitation du chemin de fer Sakania-Lubumbashi-Likasi-Tenke-Kolwezi-Dilolo. La SNCC utilise par ailleurs plusieurs milliers de travailleurs alors que Lobito Atlantic Railway prévoit de recruter et de former environ 1.600 personnes seulement.

Il faudra donc prévoir un volet social sous peine de se retrouver face à des revendications des syndicats des travailleurs. Il faudra compter sur l’expérience et l’expertise de la société belge VECTURIS. Elle avait signé, en juin 2008, un contrat d’assistance avec la SNCC. Les trois États (Angola, Congo, Zambie) qui sont aussi membres de la SADC (Southern African Development Community – Communauté de développement de l’Afrique australe), devront élaborer conjointement des lois, des politiques, des réglementations harmonisés pour développer le corridor ferroviaire de Lobito.

Gaston Mutamba Lukusa

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