Crise à l’Est de la RD Congo: risque de détérioration de la situation économique

L’intensification de la guerre dans la partie Est de la RD Congo est un risque et un élément perturbateur pour l’économie nationale. L’état de guerre accapare des ressources tant humaines que financières qui auraient pu contribuer au développement du pays. C’est aussi devenu un élément déstabilisateur. Les 28 et 29 janvier 2025, des actes de pillage et de vandalisme ont été enregistrés à Kinshasa. Après la prise de la ville de Goma, les pillards protestaient contre certaines chancelleries occidentales (USA, France, Belgique …) qui tardaient à condamner et à prendre des sanctions contre le M23 et le Rwanda. L’immeuble qui était censé abriter l’ambassade du Rwanda fut pillé ainsi que les chancelleries du Kenya et de l’Ouganda, pays considérés comme complices des agresseurs. Au passage quelques habitations et des commerces furent aussi pillés par les manifestants. Tout indiquait que le mouvement allait se poursuivre à plus grande échelle le 30 janvier et même au-delà. Le gouvernement stoppa heureusement le mouvement.

Les pillages de 1991 et 1993 eurent un effet dévastateur sur l’économie

Ce qui s’est passé à Kinshasa les 28 et 29 janvier rappelle les pillages de 1991 et de 1993 qui détruisirent le tissu économique. Les pillages des commerces et des industries par l’armée et la population accélèrent la détérioration économique du pays. La fermeture de plusieurs entreprises qui en fut la conséquence accentua le chômage et les tensions sociales. Suivant les estimations du gouvernement, les pillages de 1991 et de 1993 avaient occasionné des pertes évaluées à  25% du PIB et la suppression de plus de cent mille emplois. Comme ces pillages ont aussi concerné la plupart des centres documentaires du pays, les archives nationales ainsi que les actes administratifs et civils furent détruits. L’année 1991 était la première année de transition politique. Elle fut marquée par des tensions de toutes sortes. Des militaires réclamaient une amélioration de leur solde. Mais confrontés au refus du gouvernement dont le budget ne permettait pas de faire face à une telle dépense, ils se mutinèrent et pillèrent les commerces et les industries. Ce mouvement qui fut déclenché à partir de Kinshasa s’étendit aux grandes villes de l’intérieur du pays. Les pillages eurent lieu les 21 et 22   septembre 1991. Une grande partie de la population y participa aussi. C’est grâce à l’intervention des troupes belges et françaises que les pillages cessèrent. Les soldats belges et français étaient intervenus sous prétexte d’évacuer les ressortissants étrangers. Le calme revint après ces journées folles. Quand l’ordre fut rétabli, les soldats pillards ne furent pas du tout sanctionnés. Au contraire, ils bénéficièrent même du pardon du maréchal Mobutu. Ce qui conduisit logiquement à de nouveaux pillages quinze mois plus tard. Le 28 janvier 1993, la solde des militaires fut liquidée en billets de 5 millions de zaïres, monnaie que la population refusait de consommer à la demande du Premier ministre Etienne Tshisekedi par crainte de poussées inflationnistes. Devant le refus des commerçants d’accepter dans leurs transactions les billets de banque litigieux, les militaires s’adonnèrent une nouvelle fois à des pillages des habitations, des commerces et des industries pendant trois jours. L’accalmie n’intervint qu’après l’arrivée des troupes belges et françaises pour évacuer les ressortissants européens. Partant de cette malheureuse expérience, il est recommandé aux pouvoirs publics de faire en sorte que des pillages ne se reproduisent plus. Il faut éviter que la confiance des chefs d’entreprise ne s’érode et que les entreprises étrangères ne quittent définitivement le pays.

Les équilibres macroéconomiques ne sont pas encore rompus

Selon la Note de conjoncture du 24 janvier 2025 de la Banque centrale du Congo, l’environnement économique national est caractérisé par une relative stabilité tant sur le marché des biens et services que sur celui des changes. Le taux de croissance du PIB réel pourrait s’établir à 6,0 % à fin 2024. Cette dynamique est principalement attribuée à la performance du secteur minier grâce à une bonne tenue des cours des principaux produits exportés. L’année passée, la balance des biens a connu une amélioration significative, caractérisée par une hausse des exportations et une diminution des importations. À fin novembre 2024, elle a débouché sur un excédent cumulé de 8.604,58 millions de dollars, représentant 10,36 % du PIB. Le prix de la tonne du cuivre s’est fixé à 9.321,00 dollars, soit une hausse de 1,72 % par rapport au 15 janvier 2025. Comparé à son niveau de fin décembre 2024, ce prix a augmenté de 6,05 %. Le prix de la tonne du cobalt s’est maintenu à son niveau de fin novembre 2024, soit 24.050,00 de dollars. L’once d’or s’est située à 2.752,83 dollars, enregistrant une hausse de 2,89 % par rapport au 15 janvier 2025. En effet, les tensions entre les grandes puissances en Asie et au Moyen-Orient incitent les investisseurs à se tourner vers l’or comme une assurance contre l’instabilité. Par rapport à son niveau de fin décembre 2024, le prix de l’once d’or a connu une hausse de 4,30 %. Les réserves internationales se sont situées à 6.260,54 millions de dollars au 22 janvier 2025, représentant 2,39 mois d’importations des biens et services. A noter cependant que le minimum recommandé des réserves de change est de six mois d’importation des biens et des services.  En 2024, la situation financière de l’Etat a affiché un déficit de 2.555,6 milliards de francs dans le plan de trésorerie de l’Etat. Les recettes de l’Etat ont totalisé 26.381,3 milliards de francs, dégageant un accroissement de 30,0 % par rapport à leur niveau de 2023. Les dépenses publiques se sont établies à 28.937,0 milliards de francs, soit une progression de 26,6 % comparativement à l’exercice précédent. On s’attend à ce que les recettes budgétaires puissent à s’accroître en 2025 grâce à des réformes en cours d’exécution. L’inflation diminue.  En glissement annuel, le taux d’inflation devrait atteindre en annualisé 11,08 % contre 12% en 2024 et 23,8% en 2023.  A fin décembre 2024, les dépôts bancaires de la clientèle se sont situés à 14.733,76 millions de dollars, soit une progression mensuelle de 5,77 %. Suivant la monnaie de constitution, les dépôts en devises ont progressé de 6,44 % contre une régression de ceux en monnaie nationale de 0,76 %. Les dépôts bancaires restent dominés par ceux en devises qui représentent 91,36 % du total. En décembre 2024, la confiance des chefs d’entreprise s’était consolidée, reflétant un regain d’optimisme qui caractérise l’opinion des entrepreneurs dans la quasi-totalité des secteurs d’activité économique. Cette consolidation de l’optimisme des entrepreneurs s’appuie principalement sur l’amélioration du climat conjoncturel dans les branches de l’industrie minière et manufacturière ainsi que dans les branches de la construction et des services. Néanmoins, une baisse de la confiance est relevée dans la branche de la production et de la distribution d’eau et d’électricité. Il reste encore à savoir si cette confiance s’est maintenue après les pillages de fin janvier.

Gaston Mutamba Lukusa

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