L’enfer des automobilistes de Kinshasa débute dès que les pneus foulent la voie publique. Les conducteurs sont aussitôt assaillis par une multitude de risques. Stupeur et tremblements! Des prédateurs rôdent outre la dégradation de la chaussée ainsi que les encombrants et intouchables conducteurs de taxi-motos! Comme si cela ne suffisait pas, des aveugles mendient alors qu’ils sont censés ne rien voir. Ils seraient peut-être dotés d’un troisième œil qui détecte les billets de banque. Ou bien, ils sentiraient l’odeur du fric! Qui disait encore que l’argent n’a pas d’odeur? Bref passons!
Il y a des chenapans qui arrachent les rétroviseurs des véhicules sans compter les sacs, perruques et bijoux des dames… Tout l’art consiste de savoir jouer à cache-cache avec les prédateurs. Enfer et damnation! Tout en haut de la chaine alimentaire trônent les policiers commis à la circulation routière, surnommés « Roulages ». Ils sont souvent joufflus, lippus, mamelus, poilus, ventrus, fessus. Ils palpent des magots tous les jours. Ils gagnent des sous en mettant en coupes réglées les automobilistes. D’après mon ami qui est devenu fou, il leur arrive de créer des embouteillages. Les conducteurs pressés s’arrangent avec eux pour leur verser des espèces sonnantes et trébuchantes afin de les sortir du traquenard. Il fut un temps où les policiers arrachaient avec dextérité les plaques d’immatriculation des véhicules des conducteurs récalcitrants. A une autre époque, il y avait des sabots pour immobiliser le véhicule avant de l’acheminer à la fourrière. Aujourd’hui, la police arrache la batterie. Le samedi, des policières se retrouvent sur les grandes artères et demandent des sous aux automobilistes avec un large sourire. Sapristi! Ils extorquent aussi de l’argent en inventant des infractions. Pour s’en sortir, il faut délester son portefeuille.
Mon ami qui sait ce qui se passe dans tous les coins et recoins de Kinshasa la déglinguée a fait encore les frais des tracasseries policières. Ceci expliquant cela, les policiers se sont postés en embuscade à une intersection routière comme les rares feux de signalisation sont souvent en panne. Malin comme un cancrelat, celui qui réglait la circulation changea brusquement de direction. Là, il faut avoir de bonnes réactions reflexes pour freiner. Malheureusement pour lui! Il fut aussitôt arrêté. Deux policiers se mirent devant son véhicule, un autre campa du côté conducteur. Ils lui demandèrent les papiers du véhicule: permis de conduire, carte rose, assurance etc. Tous les documents étaient en règle à leur grand ébahissement. Il s’enquit alors du motif de son interpellation. Ils lui dirent qu’il avait commis plusieurs infractions au code de la route: non-respect de distance entre deux véhicules, mauvais croisement, excès de vitesse, refus de céder le passage. Ils lui intimèrent l’ordre de payer 100 dollars sinon ils l’emmenaient au bureau pour être verbalisé. Ils lui soufflèrent que les amendes transactionnelles allaient être lourdes, car leur chef n’est pas commode. Ils lui conseillèrent de leur remettre l’argent. Comme il hésitait, un policier lui demanda d’ouvrir les portières. Deux agents s’engouffrèrent dans la voiture. Il démarra aussitôt. Ils lui demandèrent de s’arrêter plus loin pour tailler bavette. Il ne s’arrêta pas à l’endroit indiqué. Ils lui dirent qu’il était entrain de compliquer son cas. Il pourrait aussi être poursuivi pour menaces verbales et tentative d’enlèvements des agents de l’ordre en plein exercice de leurs fonctions. C’est la mort dans l’âme qu’il s’arrêta et remit la somme d’argent exigée. Enfer et damnation!
D’après mon ami qui sait tout, le jour où nos policiers arrêteront de quémander de l’argent, on pourra affirmer que le pays a connu des changements positifs. On dit chez nous que les problèmes ne cherchent pas les gens, ce sont les gens qui cherchent les problèmes.
GML