La journée de ce mardi 16 janvier est fériée au Congo-Kinshasa. Plusieurs célébrations eucharistiques sont prévues en commémoration du dix-septième anniversaire de la disparition dans les conditions non-élucidées à ce jour du président Laurent-Désiré Kabila. Celui-ci aurait été assassiné le 16 janvier 2001 par un de ses gardes du corps. Le présumé assassin a été à son tour abattu emportant avec lui sa part de vérité. Depuis 2003, plusieurs membres de l’entourage du défunt chef de l’Etat croupissent dans des cellules miteuses de la prison centrale de Makala. D’autres sont morts en détention. Dix-sept années après, le successeur de Mzee n’a pas tenu sa promesse de « faire la lumière » sur les circonstances exactes de la mort de son prédécesseur et « père ». Dix-sept années après, le constat est là: le « crime » a profité principalement à « Joseph Kabila » et sa fratrie. Sans oublier les membres de la très nébuleuse « Buluba-i-Bukata », cette association « socio-culturelle » qui regroupe des Baluba du Nord-Katanga (Balubakat).
« Je rassure le peuple congolais qu’une enquête judiciaire est déjà ouverte afin que la lumière soit faite sur les circonstances de l’assassinat de l’illustre disparu ». Que reste-t-il de cette promesse solennelle faite par « Joseph Kabila » lors de son investiture à la tête de l’Etat congolais? C’était le 26 janvier 2001.
Dix-sept années après la disparition de Mzee, des questions restent sans réponses. Qui a commandité ce crime? Qui a abattu LD Kabila? Quel en est le mobile? Où est passé l’arme du crime?
Le 16 janvier 2001, « CNN » annonce aux alentours de 12h30 que le président Laurent-Désiré Kabila a été victime d’un « attentat ». L’attaque aurait eu lieu au moment où ce dernier était en conversation avec son directeur de cabinet adjoint Emile Mota Ndongo. Les deux hommes préparaient le voyage à Yaoundé, au Cameroun, à l’occasion du sommet France-Afrique.
Chef du protocole adjoint à la Présidence de la République au moment des faits, Eddy Musonda assure que le général zimbabwéen Chirundze – commandant des troupes zimbabwéennes au Congo – a été la première personnalité à débouler sur le lieu.
« LA SITUATION EST SOUS CONTRÔLE »
Après avoir « constaté » le décès, cet officier aurait téléphoné au président Robert Mugabe. Les deux hommes parlaient, selon Musonda, en langue Shona. Après leur conversation, Chirundze aurait téléphoné au général-major « Joseph Kabila » qui se trouvait à Lubumbashi. Il lui aurait dit en anglais de regagner Kinshasa. « La situation est sous contrôle ».
Médecin urgentiste à la Clinique Ngaliema, docteur Médard Kabunga Mutombo a reçu le corps sans vie de LD Kabila au début de l’après-midi de cette journée fatidique du 16 janvier 2001. Le « toubib » sera surpris de remarquer que le cadavre portait des impacts de balles. En revanche, le défunt ne baignait pas dans son sang. Une seule explication au plan scientifique: le décès doit être antérieur à « l’attaque ».
Lors du fameux procès des présumés assassins de Mzee, ce médecin sera le seul accusé poursuivi pour « vol ». Et pour cause? Docteur Kabunga avait « gardé » un maillot de corps du défunt. Ayant constaté la situation, des agents de l’Agence nationale de renseignements seraient revenus dans cet hôpital pour récupérer le sous-vêtement. On peut gager qu’ils avaient reçu des directives de ne laisser aucune trace derrière eux.
Lors de son audition par le magistrat militaire Baseleba Bin Mateto, Emile Mota Ndongo qui se dit jusqu’à ce jour « témoin oculaire » de l’assassinat a fait le témoignage suivant: « Nous avons commencé à parler avec le chef de l’Etat de la liste des personnes qui devaient aller à Yaoundé. (…). Un moment plus tard, un lieutenant est entré dans le bureau. (…). Il s’est approché du Président de la République et il a tiré sur lui. Je me suis précipité sur lui, il a reculé et avant de sortir du bureau, il a tiré encore deux autres balles sur le chef de l’Etat? Je suis sorti pour le pourchasser. (…). Lorsque je suis rentré pour trouver le Président, j’ai crié au secours! »
COUP D’ETAT DE PALAIS?
Dès le mois de février 2001, une commission d’enquête est mise sur pied. Elle est composée de 4 experts angolais, 4 experts zimbabwéens, 4 experts namibiens et 9 experts congolais. Les premières arrestations s’abattent aussitôt sur les membres de l’entourage immédiat du défunt Président: Eddy Kapend (aide de camp), Georges Leta Mangasa (Administrateur général de l’ANR), Nono Lutula (Conseiller spécial du chef de l’Etat), le général Yav Nawej (Commandant de la circonscription de Kinshasa), Nelly Twite Ngoy (secrétaire particulière de Mzee).
Le premier rapport de ladite Commission a été déposé non pas auprès d’une juridiction d’instruction ou de jugement mais plutôt sur le bureau du successeur de Mzee, en l’occurrence « Joseph Kabila ». Le second rapport, mêmement. Et pourtant, « Joseph » devait faire partie des « suspects » en sa qualité de chef d’état-major des Forces terrestres. Le présumé assassin appartenait à ce corps.
Malgré les zones d’ombre ayant entaché les investigations, la Cour d’ordre militaire a prononcé plusieurs condamnations à mort et à des peines lourdes. Au moment de clore les débats le 7 janvier 2003, le président de cette juridiction d’exception Nawele Bakongo alors colonel, de déclarer que « le procès n’est pas encore clos, parce que plusieurs suspects seraient en fuite ».
A QUI A PROFITÉ LE CRIME?
Dans un communiqué daté du 17 janvier 2011, l’association de défense des droits humains « La Voix des Sans Voix pour les droits de l’Homme » a exigé la réouverture du procès sur cette affaire conformément aux propos tenus par Nawele Bakongo. Une année auparavant soit le 17 janvier 2010, Mgr Laurent Monsengwo Pasinya avait formulé une demande analogue. Le prélat fera l’objet d’un « lynchage médiatique » de la part de la presse kabiliste. La mort de LD Kabila serait-elle devenue un dossier tabou? « Joseph Kabila » et sa fratrie ont-ils décidé de « classer » cet épineux dossier?
Dix-sept années après la disparition de Mzee, certains observateurs avertis conviennent que le défunt avait beaucoup d’ennemis. Ils n’excluent pas que ce dernier – qui souffrait du diabète et de l’hypertension artérielle – ait été emporté par une crise cardiaque. « Une mort naturelle maquillée en assassinat pour camoufler un coup d’Etat de palais », allèguent-ils.
La mort de Mzee a profité principalement à « Joseph Kabila » et sa fratrie. Les trois têtes d’affiche, sorties du néant, sont devenues immensément riches. Selon l’enquête « Panama Papers », Janet « Kabila » avait ouvert un compte dans les paradis fiscaux… six mois après le décès de LD Kabila. Des Balubakats, eux, ont bénéficié des postes en contrepartie de leur silence. Ce mardi 16 janvier 2018, les Congolais attachés à la mémoire de Mzee vont commémorer dix-sept années de mensonge d’Etat. Dix-sept années de mystère…
Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018