L’ANR au service des intérêts politico-affairistes de « Kabila »?

Au moment où l’insécurité pour les personnes et les biens fait rage dans les provinces de du Kasaï central, de l’Ituri et du Nord Kivu, l’administrateur général de l’ANR, Kalev Mutondo, a été dépêché par « Joseph Kabila » à… Lubumbashi. Mission: faire un état des lieux sur la « situation sécuritaire » dans le Haut Katanga. Créée aux termes du décret-loi n°003-2003 du 11 janvier 2003, l’Agence nationale de renseignements n’a jamais joué son rôle de Sûreté nationale qui consiste à surveiller les « menaces » internes et externes qui planeraient sur les intérêts vitaux de l’Etat. Police politique, l’ANR est devenue un « Etat dans l’Etat ». La traque des contempteurs de l’oligarchie en place tient lieu de vocation. Les opposants politiques et les activistes des mouvements citoyens sont assimilés à des « agents subversifs ». Quid du pluralisme politique consacré dans l’article 6-1 de la Constitution?

Selon une dépêche de l’Agence congolaise de presse, une « délégation de haut niveau » en provenance de Kinshasa se trouve depuis samedi 10 mars à Lubumbashi. Conduite par le chef barbouze Kalev Mutondo, cette dernière est « dépêchée » au chef-lieu de la province du Haut-Katanga par « Joseph Kabila ». En personne. Mission: faire un état des lieux sur la situation sécuritaire. Question: l’ex-Katanga ferait-il face à un péril imminent?

Au cours d’une réunion du « conseil provincial de sécurité », le gouverneur Célestin Pande Kapopo, étiqueté PPRD, a fait part aux délégués venus de la capitale des « difficultés auxquelles est confrontée la province en matière de sécurité ». Il s’agit, selon lui, « de la criminalité, du banditisme, du vol et des tracasseries sous toutes leurs formes ». Rien de bien spécial pour une région qui – en dépit de ses potentialités minières – souffre des mêmes maux que l’on rencontre dans d’autres contrées du pays. La cause principale est et reste le taux de chômage élevé.

On apprend que les « sécurocrates » nationaux et ceux de cette province – qui passe pour le fief putatif du « raïs » – ont arrêté une série de mesures « pour combattre l’insécurité sur tous les plans ». Le souci ici serait, indique-t-on, d’éviter que ce phénomène puisse se muer en « obstacle » tant pour le « déroulement du processus électoral » que du « développement socio-économique » et de la « paix sociale » dans cette partie du pays.

Dix-sept années après l’accession de « Joseph » à la tête de l’Etat, les « Katangais » en général et ceux du Nord en particulier aiment entonner en chœur: « Atuone Kitu ». Traduction: « Nous n’avons rien vu ». Il s’agit ici des réalisations promises. Inutile de dire que le successeur de Mzee y bat des records d’impopularité. Dans une concurrence pacifique, il serait battu à plate couture.

Coïncidence ou pas, l’envoi en catastrophe de ladite délégation est intervenu près de 72 heures après la rencontre qui a eu lieu, mercredi 7 mars, entre « Kabila » et les patrons des grandes entreprises minières. Le prix du cobalt ne cesse de prendre l’ascenseur au point d’atteindre 84.000 €/la tonne. Le Président hors mandat, dont l’attrait pour le « fric » est bien connu, a-t-il été interpellé par ses prestigieux interlocuteurs sur les questions sécuritaires? A-t-il voulu donner des « gages » à ces « investisseurs »?

Le moins que l’on puisse dire est que « Kabila » n’est jamais là où les Congolais souhaitent le voir. Il n’est jamais là où l’intérêt général est menacé. Comment ne pas donner raison à ceux qui allèguent que les intérêts politico-affairistes du régime finissant ont préséance sur la sécurité des personnes et des biens aux quatre coins du pays?

Henri Mova Sakanyi, Ministre de l’intérieur

A preuve, « Kabila » a choisi de « parler business » avec ses « invités » au moment où les Ituriens pleurent leurs morts. D’autres, 65.000 personnes, sont en errance. Ils ont trouvé refuge en Ouganda. Il semble que les Hema (pasteurs) et les Lendus (agriculteurs) ont déterré leur vieille hache de guerre. Pourquoi maintenant à quelques neuf mois de la date fixée pour les élections? Qui tire les ficelles? Des questions qui restent sans réponses.

L’arrivée, lundi 5 mars, à Bunia du ministre de l’Intérieur et… sécurité Henri Mova Sakanyi et de son collègue en charge de la Défense Crispin Atama Tabe n’a apporté aucune accalmie. Mova est chargé d’évaluer la situation. Atama a amené des « renforts » des FARDC. Dieu seul sait que les provinces qui jouxtent le Rwanda et l’Ouganda sont « administrées » par des « hommes de Kabila ». Civils et militaires. Dieu seul sait également que le « raïs » entretient des relations ambiguës avec un certain Jamil Mukulu qui serait le chef présumé des insaisissables « ADF ».

INSÉCURITÉ GRANDISSANTE ET SILENCE DU « RAÏS »

Dans un récent communiqué daté du lundi 5 mars, l’association de défense des droits de l’Homme « La Voix des Sans Voix » s’étonne du « silence » de « Joseph Kabila » face à l’insécurité ambiante.

La « VSV » d’épingler ce qu’il faut bien appeler l’assassinat du père Florent Bulanthie Tulantshiedi de la Congrégation des Joséphistes dont le corps sans vie a été découvert le vendredi 2 mars au bord de la rivière Kasaï.

Deux questions méritent d’être posées: A quoi sert l’Agence nationale de renseignements? Est-ce pour assurer une mission de « surveillance » pour étouffer dans l’œuf les menaces susceptibles de mettre en péril la sécurité interne et externe du pays ou pour garantir les intérêts du régime en place? On s’interroge de la nécessité de rattacher l’ANR au président de la République alors que la Constitution promulguée le 18 février 2006 a institutionnalisé le pluralisme politique et l’existence de l’opposition politique.

Depuis l’accession du Congo à l’indépendance, il y a bientôt 58 ans, la Sûreté nationale – sous diverses dénominations à savoir CND, AND, SNIP – se comporte comme un Etat dans l’Etat. L’arrivée au pouvoir des « libérateurs » autoproclamés du 17 mai 1997 n’a apporté aucun changement. Bien au contraire. Les méthodes restent fondées sur l’arbitraire. On arrête qui on veut, quand on veut. La remise en liberté a lieu dans les mêmes conditions.

A Lubumbashi, les « sécurocrates » nationaux conduits par Kalev Mutondo et ceux du Haut-Katanga chapeautés par le gouverneur, les bourgmestres et les maires ont été invités, comme à l’époque triomphante du MPR-Parti Etat, « à redoubler la vigilance dans le cadre de la lutte contre les malfaiteurs qui troublent la quiétude de paisibles citoyens ».

Le gouverneur Pande a exhorté la population à « dénoncer tous les suspects et d’alerter les services et les voisins par l’usage des sifflets et autres objets sonores, en cas d’attaque nocturne par les bandits ». On se croit revenu 28 années en arrière. Peut-on franchement espérer, dans une telle ambiance, des élections libres, transparentes et apaisées?

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018

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