Le 13 juillet, l’Angola et la République démocratique du Congo ont signé à Kinshasa, un protocole d’accord visant à mettre en œuvre l’exploitation de la Zone maritime d’intérêt commun (ZIC). Suivant le compte-rendu de la réunion du Conseil des ministres du 7 juillet 2023, il a été convenu notamment que le ministère des Hydrocarbures et l’ANPG (Agéncia Nacional de Petroleo, Gas e Biocombustiveis), en tant qu’entité concessionnaire, procèdent aux travaux de prospection, d’exploration, d’évaluation, de développement et de production d’hydrocarbures liquides et gazeux dans la Zone maritime d’intérêt commun (ZIC). L’entité du Groupe d’entrepreneurs dont SONANGOL (Sociedad nacional de combustiveis de Angola) et SONAHYDROC (Société nationale des hydrocarbures du Congo) sont membres, est représentée par l’opérateur CHEVRON. La répartition se fera à part égale, soit 50% des revenus du concessionnaire pour chaque pays. Le leadership dans les négociations est de la responsabilité du concessionnaire. A terme, les deux pays pourraient partager environ 115.000 barils de pétrole par jour. C’est pour appâter, distraire et faire diversion que l’Angola avait intéressé le Congo à la création de la zone d’exploitation d’intérêt commun. Une fuite en avant!
Le 30 juillet 2007 la République d’Angola et la RD Congo ont signé à Luanda l’Accord sur l’exploration et la production des hydrocarbures dans une zone maritime d’intérêt commun. En octobre 2007, le Parlement congolais vote, sur insistance du gouvernement, la loi autorisant la ratification de cet accord. Le gouvernement avait annoncé à l’époque que des bonus de signature et des pas de porte substantiels allaient être payés par les entreprises étrangères qui veulent opérer sur le Bloc. Le pays qui était désargenté pouvait bénéficier de 1,3 à 3,6 milliards de dollars de revenus. Le gouvernement congolais avait affirmé en son temps que l’Angola allait verser à la RD Congo un montant de 600 millions de dollars d’arriérés juste après la signature de l’Accord. Il n’en fut rien. La COHYDRO (actuellement SONAHYDROC) et la SONANGOL furent chargées en 2015 de mettre en application l’exploitation conjointe des hydrocarbures dans la ZIC (Bloc 14C). Et pourtant, au regard de la Convention de Montego Bay plusieurs champs pétroliers angolais se retrouvent à l’intérieur des frontières maritimes de la République démocratique du Congo. Le pays ne peut donc pas jouir légitimement des blocs situés au large de ses côtes. C’est le cas notamment du bloc 15 riche de réserves estimées à 4 milliards de barils de pétrole. Il en est de même des blocs 0,1, 14 et 31. Selon des experts, cet accord n’aurait jamais dû être signé tant que la RD Congo n’avait pas encore procédé à la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental.
Par ailleurs, la zone d’intérêt commun en question n’est mentionnée nulle part dans la Convention de Montego Bay ratifiée par la RD Congo le 17 février 1989. De même, les cartes annexées audit accord étaient rédigées en portugais. Elles étaient angolaises. La RD Congo n’avait fourni aucune autre carte. Elle pouvait pourtant solliciter le concours de la Commission du droit de la mer des Nations-Unies aux fins de procéder à la délimitation du plateau continental et de la zone économique exclusive. Le Congo pouvait aussi réclamer la mise à disposition des experts en délimitation maritime ainsi que des fonds nécessaires pour la formation des experts nationaux auprès de la Division des Affaires maritimes de la Commission des Nations-Unies sur le droit de la mer.
La Convention de Montego Bay
Au début, la mer territoriale congolaise avait été délimitée par la loi n°74-009 du 10 juillet 1974. Celle-ci fixe la limite à 18 km (12 miles nautiques) de la côte vers le large. La Convention de Montego Bay est entrée en vigueur le 16 novembre 1994, à une époque où le Congo était confronté à une crise politique aigue et à des troubles. Cette convention des Nations Unies sur le droit de la mer fixe la mer territoriale, la zone économique exclusive et le plateau continental. Elle reconnaît que le Congo dispose d’un corridor qui va jusqu’à la limite extérieure des 200 miles nautiques (376,4 km) avec possibilité de l’étendre à 400 miles nautiques (752,8 km), conformément à l’article 76 de la Convention de Montego Bay. Suivant cet article, « le plateau continental d’un Etat côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de la mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet Etat ». Un délai de 10 ans fut accordé à tout Etat concerné par la question. Heureusement que ce délai qui expirait en 2008 fut prorogé au 13 mai 2009. Chaque Etat était donc tenu de communiquer au plus tard le 13 mai 2009 la délimitation de sa zone maritime. La loi N°09/002 portant délimitation des espaces maritimes de la République démocratique du Congo ne fut promulguée que le 7 mai 2009. Depuis mai 2009, le différend a été porté devant les Nations Unies, sous forme d’une requête provisoire.
Règlement du différend
Profitant du chaos et de la faiblesse qui régnaient en RD Congo, l’Angola avait déjà attribué à la société ESSO des blocs de recherche dans la zone en question qui est très riche en hydrocarbures. Selon le gouvernement, les réserves probables et possibles du plateau continental étaient évaluées, en 2012, à 19 milliards de barils de pétrole, 55 milliards de m³ de gaz et 3 milliards de gaz naturel liquéfié. On compte aujourd’hui plusieurs sociétés pétrolières qui opèrent sur le plateau continental de la RD Congo. Les permis d’exploitation avaient été octroyés, en toute illégalité, par l’Angola.
Selon des experts, une bonne délimitation des frontières peut amener la RD Congo à produire en plus environ 600 mille barils de pétrole par jour, soit 50 millions de dollars par jour au prix actuel du baril de pétrole ou 18 milliards de dollars par an ! De l’argent qui peut servir au financement du développement. Le Congo produit actuellement seulement 25 mille barils de pétrole par jour. L’Angola s’oppose à la délimitation et à toute application de la Convention de Montego Bay. Le pays continue ainsi à exploiter le pétrole congolais. Le Congo peut soit utiliser la force soit négocier soit recourir à l’arbitrage du Tribunal du Droit de la mer conformément à la convention de Montego Bay ou à la saisine de la Cour internationale de Justice. La mise en production des gisements pétroliers dans la zone litigieuse rend urgente sa délimitation définitive après les avis scientifiques et techniques des experts de la commission des Nations-Unies sur le droit de la mer pour le traçage des limites du plateau continental et de la zone économique exclusive afin de préserver les intérêts du pays. Le gouvernement doit introduire à cet effet une requête définitive pour l’extension du plateau continental au-delà des 200 milles marins.
Entretemps, il faut réformer l’Etat pour le rendre plus puissant et empêcher les pays voisins (Angola, Burundi, Ouganda, Rwanda) d’exploiter illégalement et impunément les ressources naturelles du Congo.
Gaston Mutamba Lukusa