L’ancien colonel-médecin Luc Mayolo « diagnostique » le « cas Kabila »

Luc Mayolo Mokede Akaso a bien connu le général-major « Joseph Kabila » pour avoir servi à ses côtés en qualité de conseiller médical de mai 1997 à janvier 2001. A l’époque, « Joseph » n’était « que » chef d’état-major adjoint de l’armée congolaise (FAC) chargé de l’administration et de la logistique. Le médecin était déjà intrigué par certaines attitudes de son chef. Le 17 janvier 2001, Mayolo faisait partie de ceux qui avaient accueilli avec « stupeur et effroi » la désignation de « Kabila fils » pour succéder au défunt président Laurent-Désiré Kabila. Près de dix-huit ans après, Luc Mayolo n’est pas surpris par l’impasse dans laquelle se trouve le Congo-Kinshasa au plan socio-politique. Il dresse un sévère « diagnostic » sur le sujet. Interview.

Vous avez été le conseiller médical du général-major « Joseph Kabila ». Quelle impression vous a-t-il fait en tant qu’homme?

Ma première rencontre avec « Joseph » a eu lieu le 18 mai 1997 à 13h45. C’était au Stade des martyrs à Kinshasa. Conseiller chargé de l’aéronautique à la Présidence de la République, Charles Deschryver était présent.

Qu’est ce qui a attiré votre attention à cette occasion?

L’homme m’a tendu la main sans articuler un seul mot. Il est resté silencieux jusqu’au soir. Lorsque nous avons rejoint l’hôtel Invest où nous étions logés, je me suis rendu compte, en ma qualité de médecin, qu’il développait la schizophrénie. La schizophrénie est une maladie qui relève de la psychiatrie. Le sujet n’est pas conscient du danger. Il a en horreur la vie en groupe. « Joseph » m’a laissé l’impression d’une personne souffrant de problèmes psychologiques.

S’agit-il d’une sorte d’autisme?

En fait, Joseph Kabila est un psychopathe. Il vit dans un monde imaginaire de la démence. Il est en quête d’une chose que la nature lui a inexorablement refusée.

Quoi par exemple?

Le pouvoir!

Il détient pourtant le pouvoir…

Il détient le pouvoir et ne veut plus le lâcher. La Constitution congolaise indique pourtant au premier alinéa de son article 70 que le Président de la République exerce un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Joseph Kabila a déjà accompli ses deux mandats. Le « Monsieur » a bénéficié de deux années à la tête de l’Etat alors que son dernier terme a expiré depuis le 19 décembre 2016.

Etes-vous surpris par les artifices qu’il multiplie pour repousser chaque fois la tenue des élections?

Je ne suis nullement étonné. C’est dans la logique de son comportement morbide.

A-t-il toujours été incapable d’honorer sa parole?

Il n’a aucun sens de la parole donnée. A titre d’illustration, nous devrions effectuer un voyage à Mbandaka. Il me dit d’y précéder avec les autres membres de l’équipe. « Mon général, je vais partir à Mbandaka sans frais de mission? », lui ai-je demandé. « Dites à mon secrétaire de me rappeler pour qu’il remette ‘quelque chose’ à votre épouse », me dira-t-il. Je suis parti au chef-lieu de l’Equateur. Le lendemain, il nous a rejoints. J’étais au pied de l’avion. Je pose la question à son secrétaire si le nécessaire a été fait comme promis. Réponse: « Mon colonel, vous connaissez votre homme… » J’ai rappelé le problème à « Joseph ». Pour toute réponse, il m’a fixé du regard. Dès ce moment, il a perdu tout mon estime à notre retour. Pour moi, il ne représentait plus rien.

Quelle a été votre réaction en apprenant que le général-major « Joseph Kabila » était désigné pour succéder à LD Kabila à la tête du pays?

C’est à 5 heures du matin le 17 mai 2001 que son aide de camp, « Emedo », m’a appelé au téléphone pour me communiquer la nouvelle: » Mzee, vous dormez? Votre type a été désigné pour succéder au défunt président Kabila ». « Quoi? », ai-je réagi avant de raccrocher l’appareil. J’ai dit à ma femme: « Anne, le pays est foutu! Joseph Kabila président? Ce sera la foire. On va assister à la désagrégation de l’Etat. C’est un homme incapable de prendre la moindre décision. Les plus malins décideront en ses lieu et place. Si une décision va dans le sens de ses intérêts, il l’entérinera ». Forces est de constater que j’ai tort d’avoir eu raison trop tôt. Où est le Congo-Kinshasa aujourd’hui?

Comme voyez-vous l’avenir?

Il faut le « dégager »

Comment?

Les Congolais doivent se mettre debout.

Trois « marches pacifiques » organisées le 31 décembre 2017, le 21 janvier et le 25 février 2018 par la Coordination laïc catholique ont été réprimées dans le sang…

Il ne reste plus aux citoyens qu’à prendre les armes. Les Français l’ont fait lors de la Révolution de 1789. Ils ont pris la Bastille et capturé le Roi avant de le guillotiner. C’est ainsi que la France est repartie sur une base saine.

Si « Joseph Kabila » était votre patient, comment pourriez-vous le décrire?

C’est un « malade ».

De quoi souffre-t-il?

Comme je l’ai indiqué précédemment, il souffre de la schizophrénie et de la psychopathie. Un jour, j’ai confié à quelqu’un que « Joseph  » est un « idiot mongoloïde ».

C’est-à-dire?

Il s’agit de quelqu’un qui n’a pas conscience du danger. Il est l’exemple-type de quelqu’un qui décide de traverser la chaussée au moment où un véhicule arrive en trombe. Pour lui, peu importe ce qui pourrait lui arriver.

Faites-vous allusion au bras de fer qui l’oppose à la communauté internationale?

Effectivement! Il est entêté. Pour lui, tout ce qu’il fait est normal. Médicalement et psychologiquement parlant, c’est un être antisocial.

Que pensez-vous de la barbe poivre-sel qu’il arbore actuellement?

L’homme tente de se métamorphoser. Il adopte un « look » de « vieil homme » pour impressionner l’opinion. Je me demande d’ailleurs s’il n’a pas teint sa barbe

Etes-vous en train de sous-entendre que « Joseph » souffre d’une « crise d’identité »?

Il est surtout tenaillé par un grand secret. Depuis qu’il a foulé le sol congolais, il n’a jamais dit la vérité sur ce qu’il est en réalité. Son passé reste un mystère. Personne ne connait les camarades qui l’ont côtoyé à l’école primaire, secondaire ou supérieure. C’est un véritable « OVNI ». On entend dire qu’il écoute beaucoup. En réalité, il a peur de se dévoiler. Un jour à Mbandaka, il me dit: « Je ne fais confiance à personne sauf à mon silence ». Pour lui, le silence est une « arme ». Il vous laisse parler sans réagir. A la longue, vous vous fatiguez.

Quelle est, selon vous, la botte secrète qui lui a permis de rester au pouvoir depuis maintenant dix-sept ans?

Il y a un entourage invisible composé notamment des Congolais, des multinationales et de l’actuel chef de l’Etat rwandais. C’est bien ce petit cercle qui lui dit ce qu’il y a lieu de faire. Le Joseph Kabila que j’ai connu est un fainéant. Des correspondances peuvent moisir durant une année sur son bureau. Il ne les signe pas.

Une année?

Je persiste et signe. Il vous appartient de sonder les gens qui travaillent à la Présidence de la République. Je me rappelle qu’une décision portant mutation d’un officier dans l’arrière-pays a traîné huit mois durant sur son bureau alors qu’il était chef d’état-major adjoint de l’armée. En clair, ce n’est pas un bosseur. Il n’appose jamais d’annotations sur le courrier.

Quid de sa journée-type?

C’est un insomniaque. Il passe la nuit à jouer au « Nintendo ». Sa journée de travail commence à 6 heures du matin. Quand il arrive au bureau, il jette un coup d’œil sur les titres des journaux. Il ne lit pas. Vers 13 heures, il s’en va. Il revient vers 17 heures pour recevoir ses collaborateurs civils. A 20h00, il rentre chez lui.

« Kabila » est donc un homme imprévisible…

Effectivement! J’ai connu un ami à lui prénommé « Louis » qui était Pasteur de son état. Ils avaient fait connaissance à Goma. Lors de l’arrestation d’Anselme Masasu Nindaga en 2000, cet homme a été arrêté et exécuté

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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