En dépit de nombreuses irrégularités qui ont émaillé les élections du 30 décembre dernier, le peuple congolais a exprimé sa voix dans les urnes. Comme il fallait s’y attendre, les contestations n’ont pas manqué. Si Félix Tshisekedi est en train de se mesurer, au quotidien, à la lourde charge qui est désormais la sienne, celle de redresser le pays tombé dans un abîme profond; de son côté, Martin Fayulu clame la résistance pacifique. Il continue à réclamer sa « victoire ». Il espère toujours, on ne sait par quel miracle, que celle-ci lui sera concédée.
Puisque la légitimité du pouvoir est remise en question, comme on vient de le voir, après la tenue de ces scrutins, il semble important d’ouvrir une brèche dans ce contentieux électoral qui pourrait révéler l’état de nos faiblesses et de nos lacunes. Nombreux sont ceux qui contestent les résultats aujourd’hui. Ce qui est légitime, par ailleurs. Mais, il est à se demander, objectivement, si quelque part, il n’y a pas eu des erreurs stratégiques, voire grossières, qui ont abouti aux résultats, aujourd’hui, contestés. Il était connu de tous que la question de l’organisation des élections libres et transparentes en RDC était sujette à caution. Les expériences de précédentes élections sous le régime sortant obligeaient à se tenir en garde. C’était une question épineuse. Une question de vie et de mort. N’oublions pas à cet effet tous les martyrs qui sont tombés parce que le régime n’envisageait aucune ouverture, sinon l’inanition de la nation pour paraphraser un constitutionnaliste dont on n’a pas besoin de mentionner le nom. N’oublions pas non plus si tôt, le slogan évocateur de tout un plan: « Kabila todondi yo nanu te ». Le décor était solidement planté. Fallait-il, dès lors, participer à ces parodies d’élections dont on savait, à quelque chose près, l’issue? D’autre part, ne pas y participer comme d’aucuns l’ont fait, n’a pas empêché que le processus aille de l’avant. Il y a eu passation du pouvoir. La machine étatique ne s’est pas arrêtée. C’est peut-être ici où se trouve la faiblesse de la politique de la chaise vide. Ceux qui y avaient souscrit ont cependant le mérite de la cohérence. Ils avaient compris que le processus ne serait ni équitable ni démocratique. Ils n’ont donc pas voulu cautionner la tricherie ou une vaste magouille. Cependant, il reste à savoir comment ils vont parvenir à un retournement de la situation alors que les autres sont pratiquement aux commandes du pays et président à sa destinée.
Il y a un autre courant de pensée qui est omniprésent. Ses acteurs crient très fort. Ils se caractérisent par une opposition systématique à tout. Ils ne voulaient pas, par exemple, de dialogue. Ils ne voulaient pas entendre parler de l’Accord de la Saint-Sylvestre. Aujourd’hui, il n’accepte pas les résultats des élections. Ils ne juraient qu’au départ de Kabila, étant l’emblème de l’occupation rwandaise, par la force. Ils évoquaient plusieurs options pour atteindre leur but dont la principale était l’insurrection armée. Le soulèvement populaire était aussi brandi comme possibilité pouvant permettre à Kabila de dégager. Une voie médiane s’est levée avec une solution clé en main: celle des Administrateurs, en application de l’article 64. Toutes ces solutions n’ont pas abouti. Elles ne sont même pas parvenues à faire dérailler le processus électoral dont on entrevoyait clairement le danger potentiel en termes de fraude massive.
Et pourtant, toutes les opportunités étaient là, alimentées expressément par Nangaa: des fichiers corrompus au système central de la CENI, à la machine à voter… Il y avait vraiment lieu de réussir à bloquer ces élections. Cela n’a pas été fait. Aucune action d’éclat n’a pu éclabousser le processus. Tous les candidats ont joué le jeu, acceptant, à leur corps défendant, tous les mécanismes mis en place. Avant même que la date d’élections ne soit connue, certaines personnes ont, des années durant, récolté de l’argent pour une action de force. Elles disaient avoir des plans qui ne pouvaient faillir. D’autres, par contre, ont multiplié des promesses via vidéos. Et, on en a avalé des tonnes. De toutes ces initiatives, s’il faut les appeler ainsi, rien ne s’est concrétisé. Kabila est resté inamovible.
Dès lors, qui faut-il réellement blâmer, ceux qui ont poussé Kabila dans ses derniers retranchements, en l’acculant, dos au mur, jusqu’à lui arracher le pouvoir, symbolique soit-il, ou ceux qui ont toujours tout repoussé, revendiquant un radicalisme sur papier ou en parole, qui n’a jamais produit d’étincelles?
En attendant des analyses historiques qui viendront, le moment est venu de se questionner, à chaud, sur les actions entreprises. Sur le bilan d’une lutte qui n’a pas récolté le résultat escompté. L’on ne peut pas toujours être là à condamner les autres, à critiquer à tout vent, sans avoir un œil critique sur ses propres actions. En fait, si aujourd’hui Kabila peut se targuer, selon une certaine assertion, de conserver encore le pouvoir, la faute ne pourrait-elle pas être imputée aussi aux jusqu’au-boutistes? Ils ont tant promis et ils continuent à promettre, faut-il vraiment qu’on les prenne au sérieux? C’est un simple questionnement, peut-être naïf, et non une hypothèse.
Par Mwamba Tshibangu