La situation des infrastructures en RD Congo

Gaston Mutamba Lukusa

Les infrastructures en RD Congo sont principalement gérées par des entreprises ayant l’Etat comme actionnaire unique. A la suite des lois du 7 juillet 2008 sur la réforme des entreprises publiques, plusieurs décrets portant restructuration des 51 entreprises publiques existantes furent signés. Ces entreprises furent soit transformées en sociétés commerciales, soit en établissements publics, soit en services publics soit dissoutes. Ainsi, 20 entreprises publiques faisant partie du secteur marchand ont été transformées en sociétés commerciales avec l’Etat comme unique actionnaire. La gestion des infrastructures s’est ainsi retrouvée entre les mains de ces entreprises. Elles jouissent de monopole dans la plupart des cas, à l’exception des technologies de l’information et des communications (TIC) ainsi que de l’électricité. Elles sont toutes en faillite et peu compétitives. Outre leur mauvaise gestion financière, elles   se caractérisent par une lourdeur et une inertie de l’administration ainsi qu’une pléthore du personnel. Pour les rentabiliser, il faut procéder à une restructuration profonde.

1. Les technologies de l’information et des communications (TIC)

Sur le plan technique, le réseau des télécommunications de la SCPT (Société congolaise des postes et télécommunications) se trouve dans un piteux état. La quasi-totalité des équipements est inutilisable à cause de sa vétusté et de son obsolescence. Grâce à la libéralisation intervenue depuis le 16 octobre 2002, une bonne partie des territoires de la RD Congo est devenue joignable et les communications interprovinciales ont été rendues possibles. Cette politique a vu apparaître de nouveaux opérateurs de téléphonie mobile. Ce fut le cas de Vodacom, Zain, Tigo, CCT, Standard Telecom. Le secteur de la téléphonie mobile a évolué. Il n’y a plus aujourd’hui que quatre opérateurs: Vodacom, Orange, Airtel et Africell. Depuis 2012, la RDC est connectée à la fibre optique internationale WACS (West Africa Câble System), depuis la ville de Moanda, sur le littoral de l’océan Atlantique. En ce qui concerne les infrastructures de communications à large bande, l’opérateur historique (SCPT), est toujours absent du marché de détail. Il a préféré, par manque de vision, se positionner sur le marché de gros par la vente des capacités à haut débit avec la construction des liaisons Backbone Nationales (BBN) en fibre optique grâce à sa connexion au câble sous-marin WACS. Ses services étant de mauvaise qualité, les opérateurs de téléphonie mobile n’ont eu d’autres choix que de se relier par radio à la station d’atterrage de Moanda. Depuis octobre 2012, il existe une liaison en fibre optique sur le tronçon Kinshasa – Brazzaville. En mars 2020, la société Liquid Telecom a reçu de l’ARPTC une licence pour construire une station d’atterrage de la fibre optique en RD Congo. Elle sera connectée au câble sous-marin Equiano que Google veut déployer entre l’Afrique et l’Europe. Les opérateurs de la fibre optique agréés par l’ARPTC (Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo) sont les suivants: Liquid Telecom, Orange, Vodacom, Airtel, Microcom, Global Broadband Solution (GBS). Il y a un opérateur d’infrastructures qui opère dans les services de mutualisation des infrastructures (sites, pylônes) et de constructions sur commande. Il s’agit de l’opérateur Helios Towers DRC qui détient aujourd’hui 1.871 sites en service, soit 63% du total.

La Socof SA (Société Congolaise de Fibre Optique), est une société de patrimoine créée par l’Etat Congolais et la Banque mondiale a pour mission de financer, construire, détenir, gérer, exploiter et maintenir des infrastructures et équipements de télécommunications haut débit, notamment la fibre optique de la RDC. La Socof étendra son réseau particulièrement vers les villes de l’est du pays (Lubumbashi, Goma, Beni et Kisangani) et en interconnexion avec les pays limitrophes de la sous-région des Grands Lacs africains ainsi que la Zambie. Dans la phase actuelle, l’Etat congolais est l’actionnaire unique de la nouvelle société anonyme unipersonnelle.

Il sied de noter que comparativement à la démographie de la RDC et à l’évolution du marché, les taux de pénétration de la téléphonie et de l’Internet restent encore très faibles. Ceci constitue une opportunité d’affaires susceptible d’être exploitée par les nouveaux investisseurs. Le taux de pénétration téléphone mobile est de 40% en 2020. Ce seuil est encore très faible par rapport aux données de l’UIT (Union Internationale des Télécommunications) où en moyenne, il est de 96 % dans le monde. Le taux de pénétration internet en 2020 à 15% est encore très faible par rapport aux données de l’UIT (Union Internationale des Télécommunications) où en moyenne, il est de 90 % pour les pays développés, de 40 % pour les pays en développement et de 29 % pour l’Afrique.

A noter que le 2 février 2021, la société égyptienne Benya Capital et la Société congolaise des postes et télécommunications (SCPT) ont finalisé le contrat de déploiement de 16.000 kilomètres de fibre optique à travers la République démocratique du Congo. Le document a été paraphé entre les deux parties lors de la visite du président de la République congolaise, Félix Tshisekedi, en Egypte du 1er au 2 février 2021.

2. Les transports

Congo Airways

L’absence d’un système de transport fiable amène à des goulots d’étranglement qui handicapent l’administration du pays, le commerce et le développement économique. Avec une superficie de 2,345 millions de km², le Congo se présente comme un sous-continent. Il nécessite des moyens de transport performants pour relier les différentes localités les unes aux autres. Mais le système de transports de la RDC n’offre plus aux secteurs économiques et sociaux, les infrastructures et les services qui favorisent les échanges de toutes natures et qui améliorent la mobilité des personnes et des biens.

Le pays a hérité de l’époque de la colonisation belge d’un système de transports efficace fait d’un ensemble de fleuves, de voies ferrées et de routes reliées les uns aux autres à des points stratégiques. Malheureusement, par faute de maintenance, les moyens de transport sûrs sont depuis longtemps inexistants. Dans chaque mode de transport, l’infrastructure de base nécessaire à l’écoulement du trafic existe encore, mais un entretien depuis longtemps insuffisant et l’absence de modernisation ont eu pour résultat de rendre non fiables le matériel et les ouvrages. Il en découle une réduction de la qualité et une augmentation des coûts de transports. L’élément principal du réseau des transports est constitué du fleuve Congo et de ses affluents qui, avec les 15.000 Km de voies navigables qu’ils représentent, fournissent un moyen de transport relativement peu coûteux s’étendant à une grande partie du pays.

3. Le transport fluvial

Le transport fluvial, dont l’entretien du fleuve Congo est assuré par la Régie des voies fluviales (RVF). Cette société se singularise par l’absence de dragage et de balisages sur les voies navigables. Le transport des personnes et des marchandises sur le fleuve et les rivières est assuré par des privés et par la SCTP (Société Congolaise des Transports et des Ports). Les transporteurs privés disposent d’une flottille hétéroclite qui ne répond pas toujours aux normes légales existantes en matière de sécurité, de formation du personnel et d’exploitation. Ils sont en outre régulièrement confrontés au manque de carburants et de pièces de rechange, à des tracasseries administratives à multiples points de contrôle sur les voies navigables. Ces embarcations chavirent régulièrement.

Le pays dispose de trois ports maritimes qui sont exploités par la SCTP. Il y a le port de Banana qui est situé sur l’Océan Atlantique près de l’embouchure du fleuve Congo, le port de Matadi construit à l’endroit où s’arrêtent les rapides du fleuve et le port de Boma qui se trouve à mi-chemin entre les deux ports précités.

Le bief maritime long de 146 km compris entre les ports de Banana et de Matadi doit être régulièrement dragué sous peine d’ensablement. Son entretien est assuré par la Congolaise des voies maritimes (CVM), une société publique dont la gestion est aussi catastrophique. Les agences maritimes estiment que les frais de pilotage et de dragage sont surfacturés aux navires qui empruntent le bief maritime, alourdissant sensiblement le coût de l’escale des navires. Le port de Matadi qui est situé dans l’estuaire du fleuve Congo est le plus important du pays. C’est la principale voie d’entrées et de sorties de marchandises. Ses capacités de manutention peuvent atteindre 1,5 millions de tonnes par an. Les infrastructures des ports (quais, magasins, engins, terre-pleins, clôture et accès, circuit eau potable, ateliers) sont en pleine dégradation. L’informatisation des activités et des opérations portuaires est insuffisante et embryonnaire. La mauvaise gestion de la société et sa situation de monopole se traduisent par un renchérissement des services offerts. Pour pallier la mauvaise qualité des services de la SCTP, des ports privés ont été érigés, parfois en toute illégalité.

Il existe un projet de construction du port en eau profonde de Banana. Le gouvernement a signé à cet effet un accord avec le groupe émirati DP World (Dubaï Port World). Cela porte sur une concession de 30 ans, avec la possibilité de prolongation de 20 ans, pour la gestion et le développement du port de Banana.

4. Le réseau ferroviaire

Le réseau ferroviaire s’étend sur 5.138 Km seulement, étant donné l’étendue du pays. Il vient néanmoins compléter le réseau de navigation intérieure. Aucun kilomètre d’un nouveau chemin de fer n’a été posé dans le pays depuis près de 80 ans. La SCTP gère le rail qui part de Kinshasa à Matadi tandis que la Société nationale des chemins de fer (SNCC) gère la partie Est et centre du pays. Enfin, la société de chemin de fer des Uélé-Fleuve (SCFUF) complète avec le Nord du pays. On se trouve ainsi devant un système combiné ferroviaire et fluvial que les embranchements transforment en transports interrégionaux et internationaux. Mais la maintenance du réseau est mal effectuée. Les déraillements des trains sont fréquents. A tous ces maux, ii faut ajouter le manque des carburants, des wagons et des têtes de locomotives.

Après plus de 30 ans de fermeture, le transport sur le chemin de fer Dilolo-Lobito a repris. Le 5 mars 2018, le transport du minerai a repris depuis les mines de la société Tenke-Fungurume en RD Congo, d’où sont extraits le cuivre et le cobalt. Des cargaisons ont été acheminées vers le port de Lobito en Angola. À partir de cette date, le chemin de fer est devenu pleinement opérationnel, reliant le port de Lobito en Angola à la localité de Tenke en RD Congo.

5. Le réseau routier

Le réseau routier comprend 145.000 Km de routes qui ont été construites notamment pour servir à l’accès local et à la desserte du réseau fluvial et ferroviaire. La plupart des routes et des ponts sont dans un état de délabrement avancé faute d’entretien. Les routes régionales ne sont plus aujourd’hui que des pistes difficilement carrossables. Il en est de même de la voirie urbaine.

6. Le transport aérien

En raison de l’étendue du pays et de la dégradation des voies terrestres et ferroviaires, le transport aérien joue un rôle important dans les déplacements des voyageurs et les mouvements de marchandises. Le pays dispose de 270 aéroports à travers l’ensemble du pays dont 5 aéroports internationaux (Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani, Goma et Gbadolité). Les infrastructures aéroportuaires sont en pleine dégradation. La sécurité de la navigation aérienne n’est pas bien assurée.

7. L’énergie électrique

Photo droits tiers (Barrage d’Inga)

Le pays est potentiellement riche en ressources hydroélectriques estimées à 100.000 MW soit 13,0% du potentiel hydroélectrique mondial. Mais la RD Congo disposait, en 2020, d’une puissance totale installée de 2.827 MW, soit 2,5% du potentiel total. La production effective n’est que de 1.280 MW par les 51 centrales (35 thermiques et 16 hydrauliques) suite au manque de maintenance. La quantité totale d’énergie électrique produite bénéficie à 35% des habitants des milieux urbains tandis que le milieu rural n’est couvert qu’à concurrence de 1% seulement. En tout, moins de 10% de la population congolaise a accès à l’électricité.

L’entretien des centrales électriques dont l’exploitation est assurée par la Société nationale d’électricité (SNEL) laisse à désirer. C’est le cas du complexe hydroélectrique d’Inga. Celui-ci est composé de deux centrales, Inga I et Inga II, mises en service respectivement en 1972 et 1982.  L’ensemble du complexe est équipé de 14 groupes d’une puissance unitaire de 65 MW pour Inga I (6 groupes) et 178 MW pour Inga II (8 groupes), ce qui totalise une puissance installée de 1.814 MW. Les centrales d’Inga auraient dû subir leurs premières révisions générales à partir de 1982 pour Inga I et 1992 pour Inga II. Malheureusement des contraintes financières et d’exploitation n’ont pas permis de réaliser les révisions aux dates prévues, ce qui a conduit à une dégradation accélérée des équipements et à l’immobilisation de certains autres. A signaler cependant que les turbines sont progressivement réhabilitées grâce aux financements de la Banque mondiale et même des entreprises minières. Cela permettra d’accroître la puissance de l’ensemble des deux barrages.

La liaison de transport d’énergie Inga – Kinshasa est assurée par deux lignes. La première ligne peut transporter que 400 MW et la seconde, 1.000 MW. La ligne de transmission à haute tension entre Inga et Kolwezi a été réhabilitée et sa capacité doublée, passant de 560 MW à 1120 MW pour desservir les miniers du Katanga qui seront moins dépendants des importations d’électricité de Zambie. Ces travaux de réhabilitation des stations de conversion d’Inga et de Kolwezi ont été réalisés grâce à un financement Banque mondiale. Avec cette ligne Inga-Kolwezi, la centrale d’Inga pourra entièrement desservir le grand Katanga en énergie électrique. A noter que certains minerais ne pouvaient pas être transformés du fait de déficit en énergie électrique.

Les villes de l’intérieur qui dépendent de l’alimentation par groupes diesel (centrales thermiques), sont régulièrement confrontées au problème de pièces de rechange et d’approvisionnement régulier en carburants. Il en résulte donc que l’alimentation en courant électrique est intermittente si pas inexistante dans beaucoup de localités de l’intérieur du pays.

Le réseau de distribution électrique dans les villes s’est considérablement détérioré et nécessite un remplacement si pas un renforcement du fait de l’accroissement de la consommation résultant principalement de l’augmentation de la population.

La loi n°14-011 du 17 juin 2014 sur l’électricité a mis fin au monopole de la SNEL, ouvrant le marché aux producteurs d’électricité indépendants. C’est le cas des entreprises privées comme Katanga Energy, Electricité du Congo (EDC), Virunga SARL, la Société d’énergie du Kasaï (Enerka), la Société des Mines d’Or de Kilo-Moto (Sokimo), la société Anhui-Congo d’investissement Minier (Sacim) et Sicomines. Il y a encore beaucoup d’opportunités dans l’énergie solaire.

De grands projets hydroélectriques existent. Il s’agit de Inga III (11.000 MW), Ruzizi III (147 MW) et Kinsuka (900 MW).

8. L’eau

Le fleuve Congo

La REGIDESO s’occupe de l’exploitation de l’eau dans les zones urbaines. Elle est en pleines difficultés financières à cause d’une mauvaise gestion financière et du non-paiement des factures par les instances officielles (écoles publiques, camps militaires, administration publique, hôpitaux) qui représentent 30% des ventes en valeur. Le paiement irrégulier de ces factures ainsi qu’une mauvaise gestions ne permettent pas à l’entreprise d’améliorer sa situation financière, de garantir la desserte en eau des populations et de réaliser des projets d’adduction d’eau.

Autrefois Entreprise Publique, créée par ordonnance-loi n°66-460 du 25 aout 1966, la Régie de Distribution d’eau de la République Démocratique du Congo a été transformée une première fois par l’article 4 de la loi n°8/007 du 07 juillet 2008 et par le décret n°9/12 du 24 avril 2009 en Société par Actions à Responsabilité Limitée (SARL). Depuis le 4 septembre 2014, elle est transformée en société commerciale avec la forme de Société Anonyme (REGIDESO S.A) ayant jusque-là comme unique actionnaire l’Etat congolais. Son champ d’action est le milieu urbain et le milieu semi-urbain.

Face à l’accroissement de la population et au déclin des investissements, la fourniture en eau potable devient de plus en plus précaire dans les zones urbaines. L’Accès à l’eau potable de toute la population n’est pas assuré faute de moyens de financements. Les statistiques disponibles font ressortir qu’environ 22,0% (12,0% en milieu rural et 37,0% en milieu urbain) de la population ont accès à l’eau potable. Cette disponibilité est inégalement répartie sur le territoire national.

Pour pallier l’insuffisance d’eau potable, la population recourt en milieu urbain et rural à la technique du forage permettant d’aller puiser l’eau potable directement dans la nappe phréatique, parfois à plus de 100 mètres de profondeur.

Le SNHR (Service national d’hydraulique rurale) est en charge de l’approvisionnement en eau des milieux ruraux. Ce service, créé en 1983, dépend du ministère de développement rural. Sa mission principale est de fournir de l’eau potable aux habitants des campagnes et des périphéries des centres urbains et de contribuer à la lutte préventive contre les maladies d’origine hydrique. Mais il manque souvent de moyens financiers.

 

Gaston Mutamba Lukusa

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