Le peuple congolais a commémoré , samedi 16 janvier 2021, le vingtième anniversaire de la mort du président Laurent-Désiré Kabila. Une mort qui reste mystérieuse deux décennies plus tard. Des questions essentielles restent, en effet, sans réponses.
Dans son allocution d’investiture, le 26 janvier 2001, « Joseph Kabila » avait pris, à la satisfaction générale, l’engagement de faire éclater toute la vérité sur le décès de son prédécesseur. « Je rassure le peuple congolais qu’une enquête judiciaire est déjà ouverte afin que la lumière soit faite sur les circonstances de l’assassinat de l’illustre disparu », avait-il déclaré.
Une enquête a bel et bien eu lieu. Le problème est que le rapport rédigé à l’issue des investigations fut remis non pas aux autorités judiciaires mais plutôt au nouveau chef de l’Etat en l’occurrence « Joseph Kabila ». C’est le procureur général de la République de l’époque, Luhonge Kabinda Ngoy, qui l’avait dit. Etrange! Pourquoi?
Chef d’état-major des forces terrestres au moment des faits, le successeur de Mzee était réputé faire partie des « témoins » à interroger pour ne pas parler de « suspects ». Au motif que le tueur présumé, le lieutenant Rashidi Minzele, appartenait aux forces terrestres. « Joseph » devait assumer une certaine responsabilité en sa qualité de chef hiérarchique.
On va assister à un véritable « cirque judiciaire ». Une parodie de procès « encadrée » par le nouveau Président et ses affidés. Les audiences, très souvent à huis clos, ont commencé au début de l’année 2002 devant une Cour d’ordre militaire « en voie de disparition ».
Il n’est pas sans intérêt d’ouvrir la parenthèse pour relever que le ministère public était représenté dans ce « méga-procès » par le très zélé procureur Charles Alamba Mungako. Ce dernier était assisté notamment par le magistrat militaire Timothée Mukuntu Kiyana – dont le décès a été annoncé vendredi 15 janvier 2021. Les deux hommes n’auront jamais l’opportunité de dire leur part de vérité. Ils emportent leurs secrets dans la tombe. Fermons la parenthèse.
Le 7 janvier 2003, trente condamnations à mort furent prononcées. Des peines de prison (20 ans), mêmement. Président de la Cour d’ordre militaire, le général Nawele Mukongo va surprendre l’opinion tant nationale qu’internationale en annonçant que « le procès n’est pas clos ». Selon lui, « plusieurs suspects étaient encore en fuite ».
Lors de la célébration du 10ème anniversaire de la disparition de Mzee Kabila, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya a demandé, au cours d’une homélie, la réouverture du procès sur l’assassinat de « Papa Kabila ». Le prélat sera, dès le lendemain, l’objet d’un lynchage médiatique de la part de ce qu’on appelait la « presse pro-Kabila ».
Le message était clair: la mort de Mzee faisait partie des secrets d’Etat les mieux gardés. Bref, un sujet tabou. On peut, dès lors, comprendre que « le fils » n’ait pas honoré sa promesse solennelle de faire éclater la vérité sur la disparition de « son père ».
Présidente de la Fondation Mzee Kabila, Jaynet « Kabila » est restée toute aussi impassible sur cet épineux dossier. Un dossier criminel manifestement classé par ceux qui prétendent être les « descendants » de la victime.
Le 30 décembre 2020, le président Felix Tshisekedi Tshilombo a signé l’ordonnance n°20/150 portant mesure collective de grâce. Eddy Kapend Irung (ex-aide de camp du défunt Président), Georges Leta Mangasa (ex- administrateur général de l’Agence nationale de renseignement) et Constantin Nono Lutula (ex-conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de Sécurité) figurent parmi les bénéficiaires de cette mesure de clémence. Contrairement à l’amnistie qui est synonyme du « grand pardon », la grâce n’efface pas la peine. Celle-ci reste inscrite sur le casier judiciaire.
On espère que le souhait le plus urgent de ces anciens « bagnards » est de faire triompher leur innocence. Une innocence qui ne pourrait résulter que d’un procès public, juste et équitable. Un procès qui devrait être précédé par une enquête indépendante. Vingt années après la mort de Mzee Kabila, le mystère n’a cessé de s’épaissir.
Une réouverture du procès inachevé et bâclé du général Nawele pourrait apporter des réponses à des questions fondamentales: Qui a commandité le meurtre – l’assassinat? – du chef de l’Etat congolais? Quid du mobile? Qui a appuyé sur la gâchette de l’arme du crime? Où est passé cette arme? Pourquoi « Joseph Kabila » n’a pas – tout au long de ses dix-huit années de pouvoir- honoré sa promesse de faire éclater la vérité sur les circonstances exactes du décès de son prédécesseur? A qui profite le crime?
Question finale: Et si la disparition du président LD Kabila était consécutive à un complot – coup d’Etat de palais? – ourdi par des officiers supérieurs qui redoutaient le « chambardement » de l’armée, annoncé par le Mzee – après la prise de Pweto par les combattants du RCD/Goma -, lors d’une causerie morale qu’il a tenue le 28 décembre 2000, au camp militaire Kimbembe à Lubumbashi (dixit, l’ex-garde du corps Georges Mirindi)?
Baudouin Amba Wetshi