La légitimité de la Cour constitutionnelle est-elle mise en cause à la suite de la nomination contestée des trois sages?

Richard-Tony Ipala Ndue-Nka

Le 21 octobre dernier, la cérémonie de prestation de serment de trois juges nouvellement nommés à la Cour constitutionnelle est vécue de mémoire tant des citoyens congolais que des médias, non seulement, comme une crise institutionnelle au sommet de l’Etat, mais aussi, comme un divorce consommé des alliés politiques au pouvoir depuis bientôt deux ans. La lune de miel du mariage de raison que d’aucuns qualifient de concubinage larvé n’aura duré que quelques mois avant que des lézardes n’apparaissent au grand jour.

Des attaques mutuelles desdits alliés politiques fusent de s’être logés des balles dans les pieds. D’autres croient même que les représentants des deux chambres parlementaires ont, par l’inélégance politique, prêté le flanc à une crise à ciel ouvert d’autant plus que la nullité entachant les ordonnances des deux juges de la Cour constitutionnelle nommés et mutés à la Cour de cassation est une question personnelle et individuelle aux juges concernés.

A preuve de la crise, le chef de l’Etat a pris, dans une adresse faite à la nation, celle-ci à témoin de l’impasse politico-judiciaire dans laquelle le pays est plongé. Celle-ci a rompu toute confiance digne de ce nom entre alliés au pouvoir. Moralité: il y a urgence et nécessité, a enchainé le chef de l’Etat, de rechercher des voies et moyens pour un nouvel équilibre dans la gestion de la chose publique.

I. CONSIDERATION JURIDIQUE

Le principe administratif est que toute nullité d’acte y reprochée doit être constatée, soit par une autorité publique habilitée en l’occurrence le chef de l’ Etat, celui-ci ayant procédé aux nominations querellées par voie d’ordonnance. C’est l’application évidente de la théorie de l’acte contraire ou du parallélisme des formes et de fond, soit par le juge administratif, le Conseil d’Etat section contentieuse et ce, en vertu de l’article 85 de la loi organique n° 16-027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif. En effet, l’acte administratif nul est présumé légal, et produit ses effets jusqu’à preuve du contraire. Une règle de sécurité juridique qu’exprime la maxime: foi due au titre (A. De Laubadère, J. C Vénezia, et Y. Gaudemet , « Traité de droit administratif » t. I, 14 ième édit, L.G. D. J, Paris, 1996, no 878, p. 637).

D’un même contexte, le juges lésés auraient pu saisir le Conseil d’Etat par voie des référés généraux en vertu de l’article 282 de la loi susmentionnée de 2016 aux fins de surseoir, toutes affaires cessantes, à la prestation de serment en attendant qu’il soit statué sur le bien-fondé de leur requête. Il s’agit ici d’une nouvelle procédure urgente, provisoire et conservatoire, depuis 2016, sans préjuger sur le fond du litige administratif dont la finalité est de parer au plus pressé.

A date, aucune des procédures n’a été diligentée par les juges prétendument lésés.

II. CONCLUSION

Quelle que soit la nullité entachant l’ordonnance présidentielle portant nomination des trois sages à la Cour constitutionnelle, elle bénéficie de présomption de légalité jusqu’à preuve du contraire tant que cette ordonnance n’est rapportée ni par le Chef de l’ Etat ni déclarée nulle par le Conseil d’Etat. Et, partant, la composition de la Cour constitutionnelle en neuf sages est régulière. Même s’il advient, par la suite, une action en annulation devant le Conseil d’ Etat contre ladite ordonnance de nomination des trois sages puisqu’il n’ y a plus de délai de péremption après le recours gracieux exercé auprès de l’autorité administrative y habilitée, pareille action en justice paraitrait sans intérêt les requérants ayant implicitement couvert la nullité par le fait d’avoir laissé accomplir le serment des juges nommés en leur lieu et place.

Richard Tony Ipala Ndue-Nka
Directeur juridique honoraire à la Gécamines Bruxelles,
Membre du Comité scientifique de la Revue de Droit Africain à Bruxelles
Conseiller honoraire à la Cour d’appel de Matadi.

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