La leçon ukrainienne: Sans armée forte, pas de souveraineté!

La plus grande leçon à tirer de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe tient en ces quelques mots: il n’y a ni indépendance, ni souveraineté ni intégrité du territoire national dans un Etat non doté d’une armée forte. Une armée moderne (terre, air, mer). Une armée bien formée. Une armée bien équipée. Une armée dotée d’une grande puissance de feu.

Cela fait huit jours depuis que la deuxième armée du monde, en l’occurrence la très moderne armée russe nargue l’humanité toute entière en pilonnant des bâtiments civils et militaires dans quelques villes de l’Ukraine. Pour le moment, les soldats russes interviennent en premier lieu dans les régions où vivent des « russophones ». Suivez mon regard! Dieu seul sait le nombre de civils sans armes qui ont péri sous les bombes. On pourrait dire autant des militaires ukrainiens et russes. Pourquoi?

Ce qui se passe entre la Russie et l’Ukraine n’est pas à proprement parler un « conflit ». Tout conflit suppose, en effet, une contradiction antagonique. Dans une brève allocution prononcée mercredi 2 mars 2022, le président français, Emmanuel Macron, a été clair: « La Russie n’est pas agressée, elle est l’agresseur ». « Les opérations militaires », selon la terminologie russe, que les troupes venues de Russie mènent actuellement en Ukraine porte un nom en droit international: « agression ».

La Russie exclue, l’Ukraine est le plus grand pays d’Europe avec une superficie de 603.700 km². Depuis le 24 février, l’armée russe s’est rendue maître dans le ciel, la mer et la terre. Après avoir anéanti au sol les avions de combat de la force aérienne ukrainienne, des parachutistes russes quadrillent les villes conquises.

De manière schématique, la Russie dénie à cette ancienne république soviétique – devenue indépendante depuis 1991 – le droit souverain de choisir librement ses « nouveaux amis » et d’opter pour des valeurs en vogue dans le monde occidental. A savoir: la démocratie, la liberté et le respect des droits de l’Homme. Des valeurs méconnues à Moscou. Vladimir Poutine aurait-il peur d’avoir un Etat démocratique à ses frontières? Une certitude: le maître du Kremlin voudrait renverser l’actuel chef de l’Etat, Volodimyr Zelensky pour le remplacer par un homme-lige à l’image d’Alexandre Loukachenko de la Biélorussie.

C’est le lieu de saluer le courage et la résilience du peuple ukrainien. Un peuple qui ne demande qu’à vivre en paix non seulement avec le peuple russe avec lequel il a tissé des liens de consanguinité mais aussi avec d’autres nations du monde.

Qu’est ce qui se passe en Ukraine? Un Etat militairement plus fort a sorti son armada pour écraser un autre plus faible. Rien de nouveau. Les relations entre les Etats s’est toujours fondées sur les rapports de force: les plus forts écrasent les plus faibles. L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe inspire une leçon fondamentale: sans une armée forte (terre, air, mer), bien formée, bien équipée et dotée d’une grande puissance de feu, la souveraineté n’est qu’un concept philosophique.

Quelle est la leçon à tirer pour le Congo-Kinshasa? Le pays doit construire une armée forte.

Forcé par ses « amis » occidentaux, au mois d’avril 1990, le président Mobutu Sese Seko annonce la restauration du multipartisme. Contre toute attente, le pays plonge aussitôt dans une crise politico-diplomatique sans précédent suite notamment à la « révélation » de l’affaire dite du « massacre d’étudiants de l’université de Lubumbashi ». Un massacre sans cadavres. Le régime zaïrois est accusé de violation des droits de l’homme. Il s’en est suivi la rupture en cascade de la « coopération internationale ». Etat dépendant, le Zaïre s’est vu privé de moyens notamment pour entretenir son armée. Les soldats zaïrois furent livrés à eux-mêmes. Sept années durant. Il n’était plus rare de voir un militaire en uniforme porter des tongs. Le tribalisme et le régionalisme avaient déjà rongé l’esprit de corps au sein des troupes.

En 1996, le Zaïre fait face à une agression conduite par les armées venues principalement du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi. Sans omettre l’Angola. Vice-président et ministre de la Défense du Rwanda – qui est passé maître dans la désinformation -, Paul Kagame a prétendu qu’une « minorité « rwandophone », autoproclamée « Banyamulenge », vivait, selon lui, depuis des générations au Zaïre. Cette minorité a pris les armes pour reconquérir sa citoyenneté. En Ukraine, Poutine justifie son comportement belliqueux par la nécessité de « dénazifier » le pays et d’y détruire « l’anti-Russie ».

Après la prise du pouvoir par l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre), le 17 mai 1997, les troupes d’occupation dirigées par le Rwandais James Kabarebe, alors colonel, se sont attaquées prioritairement aux Forces armées zaïroises. Quarante-trois mille militaires des FAZ furent envoyées à la Base de Kitona, transformée en « camp de concentration ». « Chaque jour, il y avait quinze à vingt morts à inhumer. (…), la diarrhée était diagnostiquée comme cause principale du décès », déclarait le colonel Kadate Lekumu. La motivation de Kabarebe était claire: un Etat sans armée est assimilable à un corps sans défense immunitaire.

Durant ses dix-huit années passées à la tête de l’Etat, « Joseph Kabila » a laissé l’impression d’avoir été chargé d’accomplir une « mission », celle de maintenir l’ex-Zaïre à genoux avec une « armée de parade » infiltrée par des sujets étrangers dits « rwandophones ».

Lors de la commémoration du dixième anniversaire de la signature de l’Accord-cadre de paix signé en février 2013 à Addis-Abeba, les différentes délégations ont noté un « bilan mitigé » en ce qui concerne notamment la réforme des forces de sécurité.

On espère que la présence d’un fils du pays au sommet de l’Etat en la personne de Felix Tshisekedi Tshilombo, est une opportunité inespérée pour doter le Congo-Kinshasa d’une armée forte pour garantir la souveraineté nationale. Il s’agit d’une armée expurgée des éléments étrangers. On espère également que l’actuel chef de l’Etat mettra un point d’honneur à rompre le « cordon ombilical » qui rattache le pouvoir congolais à cette espèce de sous-hégémonisme rwando-ougandais.


Baudouin Amba Wetshi

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