La fratrie « Kabila » « siphonne » le Congo-Kinshasa

Cinq cent. C’est le nombre de containers bloqués « dans un port » à Matadi, au Kongo Central, pour non-paiement des taxes à l’importation. C’est la découverte faite par des inspecteurs de l’IGF (Inspection générale de Finances). Contre toute attente, ces containers appartiendraient à la société « Egal » dont le « boss » n’est autre que l’incontournable Albert Yuma Mulimbi. On apprenait que depuis sa création en octobre 2013 – grâce à un financement de la Banque Centrale du Congo -, cette entreprise privée n’a cessé de bénéficier d’exonérations fiscales. On n’ose imaginer le manque à gagner pour le Trésor public.

Albert Yuma Mulimbi, « l’homme d’affaires » de la fratrie « Kabila » et président du conseil d’administration d’Egal

Au cours de la réunion du Conseil des ministres qu’il a présidée, vendredi 4 septembre, le président Felix Tshisekedi Tshilombo a instruit le gouvernemental en général et le ministre des Finances en particulier d’ « annuler sans délai » les exonérations accordées indûment.

On espère que l’exécution des ordres donnés par le premier magistrat du pays fera l’objet d’un suivi. Tout en reconnaissance sa compétence autant que son professionnalisme, l’actuel titulaire des Finances, Sele Yalaguli, est étiqueté « Fcc/Pprd ». Il n’est pas exclu qu’il fasse l’objet de pressions au sein de sa famille politique.

Les exonérations illégales sont annulées. Le mot « annulation » revêt ici toute son importance. Il anéantit, avec effet rétroactif, les exonérations antérieures. Les bénéficiaires de ce « droit mal acquis » doivent logiquement faire l’objet d’un « redressement » en vue d’assainir leur situation.

On apprenait, samedi 5septembre, que la société « Egal » a vu ses 500 containers placés « sous scellés » en attendant le paiement des « arriérés » dus au titre des exonérations antérieures. Ces marchandises litigieuses auraient été enregistrées sous le nom de l’épouse Kabila, née Marie-Olive Lembe di Sita. Un classique!

« LES AMIS DE MAMA PRÉSIDENTE »

Sans verser dans des conjectures et autres supputations, on peut gager que plusieurs centaines de ces containers appartiendraient, en réalité, à des sociétés appartenant à des « hommes d’affaires » libanais ou indopakistanais. Une pratique bien connue.

Marie-Olive Lembe di Sita, épouse « Kabila ».

Durant les « années Joseph Kabila », il était notoire que « Mama Olive » était la « marraine » au sens mafieux du terme de certaines sociétés tenues par des asiatiques. C’est le cas notamment de Mino Congo, Congo Futur, Pain Victoire. La liste n’est pas exhaustive. L’ex-première dame agissait à travers Théodore Mugalu, alors chef de la maison civile du chef de l’Etat. « Les amis de Maman présidente », disait un Mugalu appelé à la rescousse par un de ces négociants.

Au « Grand Katanga », c’est un secret de Polichinelle. Le « tout Lubumbashi » murmure que des commerçants issus des communautés précitées recourent à certains membres de la famille « Kabila » pour faire entrer des marchandises au poste douanier de Kasumbalesa sans débourser le moindre « likuta » à la douane. Celles-ci sont généralement enregistrées au nom de la dame Sifa Mahanya, la mère putative de l’ex-Président. « Sissi », une des sœurs de l’ex-raïs et son époux Juma Bakari, de nationalité tanzanienne, ne sont pas en reste.

D’après des sources bien informées, des éléments de la garde présidentielle,  les fameux « GR », qui ont la charge « d’enlever » les marchandises dans les entrepôts de la DGDA. Un manque à gagner difficile à évaluer pour le Trésor public.

Revenons à la société « Egal ». C’est à travers les révélations de Jean-Jacques Lumumba (voir Le Soir du 29-30 octobre 2016) que la terre entière a entendu parler de cette société qui a repris de manière pour le moins cavalière l’objet social de la firme « Orgaman » de la famille Damseaux. A savoir: l’importation de vivres frais dont le poulet et le fameux poisson chinchard.

Là où le bât blesse est que le poisson péché en Namibie est miraculeusement estampillé « produit du Congo ». L’objectif est de contourner les droits d’entrée.

LE CONGO-KIN SIPHONNÉ PAR LA FRATRIE « KABILA »

Le « lanceur d’alerte » Jean-Jacques Lumumba, ancien cadre à la BGFI Bank

Ancien cadre à la BGFI Bank, le « lanceur d’alerte » Jean-Jacques Lumumba a révélé que la firme Egal, constituée le 29 novembre 2013, a été lancée grâce à un montant de 42.999 millions $ versé à cette banque, en plusieurs tranches. Banque Centrale du Congo (BCC) est le donneur d’ordre. En guise de « communication », on peut lire: « Provision investissement ». Cet argent public n’a jamais figuré dans la comptabilité de cette société. En clair, pour créer sa société privée, « Joseph Kabila » a organiser le détourné des fonds publics. Et ce en collusion avec l’actuel gouverneur de la BCC, Déogratia Mutombo Mwana Nyembo.

Au poste-frontalier de Kasumbalesa, la fratrie « Kabila » est omniprésente à travers deux sociétés qui sous-traitent des activités douanières de la DGDA (Direction générale des douanes et accises). Il s’agit de Trafigo Sarl et de Pacifing Trading. Celles-ci sont dirigées par des prête-noms. La propriétaire ne serait autre que Jaynet « Kabila ». Plusieurs dizaines de millions de dollars échappent, mensuellement, au Trésor. Dans une sorte de division du travail, le péage sur la route Kasumbalesa-Lubumbashi revient à Zoé « Kabila ». Ici, un sujet chinois, nommé Simon Kong, sert de prête-nom.

Depuis de son accession à la tête de l’Etat, le « Président Félix » parait décidé à réhabiliter les organes de contrôle de l’Etat dans sa volonté affirmée de lutter contre la corruption et l’impunité. L’appareil judiciaire et l’Inspection générale des Finances sont en action. Cette dernière a pour mission de constater l’infraction, rassembler les preuves et identifier l’auteur. Il revient au parquet d’apprécier l’opportunité des poursuites.

Lors de la conférence de presse qu’il a animée, jeudi 13 août, à Kinshasa, Jules Alingete Key , inspecteur général des finances, chef de service, a signalé que des inspecteurs de l’IGF ont pu débusquer 1.300 cas d’exonérations complaisantes. Les enquêtes continuent. Les bénéficiaires de ces « passe-droits » devraient se précipiter à la « caisse ».

On ne peut, dès lors, que comprendre les propos tenus, par procuration, en 2016, par Zoé « Kabila » à Jeune Afrique: « Nous ne sommes pas prêts à céder le pouvoir à n’importe qui ». La fratrie « Kabila » continue à siphonner le pays…

 

Baudouin Amba Wetshi

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