La République populaire de Chine a annoncé l’annulation, le 6 janvier 2021, de la dette de la RD Congo à hauteur de 28 millions de dollars. cette information a été divulguée lors de la rencontre, le 6 janvier 2021 à Kinshasa, entre le président Félix Antoine Tshisekedi et M. Wang Yi, Conseiller d’Etat et ministre chinois des Affaires étrangères.
A cette même occasion, la Chine a promis un appui financier de 15 millions de dollars pour soutenir des projets de développement et 2 millions de dollars pour appuyer la présidence congolaise de l’Union africaine.
Une autre promesse a porté sur la réhabilitation du bâtiment du ministère des Affaires étrangères de la RD Congo. Ce qui est nouveau ici est que les relations entre la RD Congo se déroulent au niveau des États contrairement aux contrats chinois de 2008 entre le gouvernement congolais et un groupement d’entreprises chinoises. Ces contrats furent signés et exécutés dans une totale opacité et s’apparentent à une arnaque.
Les contrats chinois
Le 22 avril 2008 fut signée à Pékin, la Convention de collaboration entre la République démocratique du Congo et un groupement d’entreprises chinoises (China Railway Group Limited et Sinohydro Corporation). Ces contrats portent alors sur une valeur totale de neuf milliards de dollars. Finalement, ces contrats furent révisés à la baisse soit à six milliards de dollars sous pression du FMI qui était préoccupé par la soutenabilité de la dette.
Ainsi donc, trois milliards de dollars doivent être consacrés à la construction des infrastructures et trois milliards de dollars pour la relance du secteur minier. Ces contrats comprennent deux volets. Il y a un volet minier, assuré par une joint-venture, dénommée la Sino-congolaise des mines (Sicomines), associant le groupement d’entreprises chinoises cosignataires de l’accord sino-congolais (China Railways et Sinohydro) et la Gécamines. Aux termes de l’accord, la Gécamines cède à la joint-venture plusieurs titres miniers portant sur des gisements situés à Kolwezi, contenant jusqu’à 10,6 millions de tonnes de cuivre, dont 6,8 millions confirmées, et du cobalt. L’investissement minier de la Sicomines est financé par un prêt de 3,2 milliards accordé par la China Exim Bank, dont les deux tiers sont soumis à un taux d’intérêt de 6,1 %, le dernier tiers étant consenti à un taux d’intérêt nul.
Le deuxième volet porte sur les infrastructures, notamment de transport, auquel seront consacrés 3 milliards de dollars. Il s’agit de la construction de 3.600 km de routes asphaltées, de la réhabilitation de plus de 2.000 km de voies ferrées et de la réalisation de 800 km de nouvelles voies, ainsi que la construction de logements, d’infrastructures de santé, d’écoles, d’universités, de deux centrales hydro-électriques. C’est la China Exim Bank qui accorde le prêt équivalent au montant des investissements requis. Mais le remboursement incombe à la Sicomines à partir des bénéfices dégagés des activités minières.
En définitive, il s’agit en fait d’un troc « minerais contre infrastructures ». Les entreprises chinoises se sont engagées d’accorder des prêts jusqu’à concurrence de trois milliards de dollars pour des projets d’infrastructures. Les profits dégagés par Sicomines doivent permettre le remboursement de ces prêts.
Où sont passées les infrastructures promises?
C’est en novembre 2015 que la première cathode de cuivre fut produite par Sicomines. Mais tout compte fait, il y a lieu de se demander où sont passés les autres investissements prévus dans les contrats de 2008 avec le groupement d’entreprises chinoises, notamment dans les infrastructures. Il n’y a encore rien de fort visible sur le terrain.
Suivant le Bureau de coordination et de suivi du programme sino-congolais, avant sa construction et sa mise en production, la Sicomines a financé 12 projets d’infrastructures avec une enveloppe de 800 millions de dollars de décaissés, à savoir: Hôpital du cinquantenaire, Esplanade du Palais du peuple, Boulevard du 30 juin, Route Kasomeno et de petits travaux d’infrastructures. Ces contrats ont lourdement endetté la Gécamines, donc l’Etat congolais. A ce jour, c’est l’Etat congolais qui rembourse les prêts et non pas Sicomines comme c’est prévu.
Le seul point palpable est donc l’accroissement de l’endettement envers la Chine du fait de ces contrats. L’encours de la dette due à ce pays avoisine les 20% du portefeuille de la dette courante du fait principalement de l’emprunt Sicomines. Il reste encore à déterminer le montant global que les investisseurs chinois ont réellement décaissé pour financer le projet Sicomines.
Pour le financement des infrastructures, l’argent n’a pas transité par le Trésor public mais par Sicomines qui déboursait par la suite de petites sommes pour des projets d’infrastructures spécifiques. Suivant le Centre Carter et le FMI, la Sicomines a perçu, entre 2008 et 2014, 1,163 milliards de dollars à dépenser pour les infrastructures. Sur ce montant, moins de 500 millions de dollars ont réellement été utilisés pour financer les projets d’infrastructures.
Gaston Mutamba Lukusa