C’est une réaction forte de la Banque centrale du Congo face à la dépréciation du franc et aux poussées inflationnistes. Les banques commerciales ne manqueront pas d’augmentent leur taux d’intérêt débiteur. Les taux d’intérêt sur les prêts en monnaie locale pourront dépasser 40% l’an en tenant compte de la TVA et de toute une série de frais bancaires. Mais les taux d’intérêt sur les crédits en dollars ne vont pas changer (entre 7% et 12℅). Reste que la politique monétaire de la BCC est handicapée par la forte dollarisation de l’économie.
Dans un communiqué de presse publié le 8 août, le Comité de politique monétaire de la Banque centrale du Congo (BCC) annonce avoir « décidé de relever le taux directeur de 11% à 25% afin de resserrer davantage la politique monétaire, neutraliser tout excès de liquidité, et mieux soutenir la stabilité macroéconomique ». C’est une réaction forte de la BCC face à la dépréciation du franc et aux poussées inflationnistes. Le franc s’est déprécié de 20% par rapport au dollar américain depuis le début de 2023. De même le taux d’inflation annualisé est de 23%. La politique monétaire de la BCC vise à stabiliser l’économie en vue de la croissance économique. Cela n’a pas toujours été le cas. En 1994 le taux d’inflation a atteint 9.700% par suite d’une politique monétaire laxiste et de l’émission de vrais-faux billets de banque.
La politique monétaire se base sur trois instruments principaux, à savoir le taux directeur, le coefficient de réserve obligatoire et les billets de trésorerie. Quant à la politique du change, elle vise avant tout à atténuer les fluctuations du cours de change et à conforter le niveau des réserves internationales. Un niveau de réserves de change équivalent à au moins six mois d’importation de biens et de services est l’idéal. La manipulation du taux directeur ou taux de référence fait partie de la politique monétaire de la Banque centrale du Congo. C’est ce taux qui est appliqué quand les banques commerciales vont se refinancer auprès de la banque centrale. Tout comme les personnes physiques et morales qui vont emprunter auprès des banques commerciales quand elles sont à court de liquidités, les banques commerciales vont aussi auprès de la banque centrale pour emprunter de l’argent quand leur trésorerie est serrée. Dans ce cas, le taux d’intérêt appliqué est le taux directeur. Quand il est élevé, les charges des banques s’accroissent et l’inverse quand le taux est faible. On devrait donc s’attendre à ce que les banques commerciales augmentent aussi leur taux d’intérêt débiteur. Les taux d’intérêt sur les prêts en monnaie locale pourront dépasser 40% l’an en tenant compte de la TVA et de toute une série de frais bancaires. Mais les taux d’intérêt sur les crédits en dollars ne vont pas changer (entre 7% et 12℅). A noter que la plupart des crédits octroyés sont en dollars dont l’évolution dépend de la politique monétaire de la Federal Reserve Bank des USA.
L’Est du pays et l’Ukraine à la base de la dépréciation monétaire
La hausse du taux directeur qui vient d’être opérée résulte, selon le Comité de politique monétaire de la BCC, du fait qu’au cours du troisième trimestre de l’année 2023, l’environnement économique national a été marqué par une accentuation des pressions sur le taux de change et l’inflation. En conséquence, l’inflation et la dépréciation du franc congolais se sont accélérées, particulièrement à la mi-juillet. Pour la Banque centrale, ces perturbations qui se remarquent aussi dans les autres pays de la sous-région sont la conséquence des chocs externes, notamment l’impact sur les partenaires commerciaux des effets liés à la guerre en Ukraine. Comme l’économie nationale est très dépendante des importations, elle est fortement affectée par ces développements extérieurs négatifs renforcés par d’importants chocs internes qui affectent le pays dont la guerre à l’Est qui continue d’exercer des fortes pressions sur le budget de l’Etat. Il convient de mentionner que l’évolution du franc suit aussi certains cycles. Le franc s’apprécie généralement en fin du mois comme les employeurs cherchent la monnaie nationale pour verser les salaires. Durant la période des vacances, le franc se déprécie, car les voyageurs ont besoin de devises pour leurs séjours à l’étranger.
La dollarisation de l’économie nationale demeure un écueil
La politique monétaire de la BCC est handicapée par la forte dollarisation de l’économie. Une forte dollarisation limite la portée des actions de la Banque centrale du Congo. La transmission du taux d’intérêt directeur est diluée lorsque la majeure partie de l’intermédiation se fait en dollars. La monnaie nationale a perdu, depuis les années 1990, ses fonctions d’unité de compte, de réserve de valeur et d’intermédiaire des échanges au profit des monnaies étrangères, notamment le dollar américain. L’épargne s’effectue principalement en dollars. Il en est de même des investissements et de la consommation. Ceci, à cause de l’inflation qui a pris de l’ampleur à partir des années 1980 et de la dépréciation accélérée de la monnaie nationale.
Pour se prémunir contre les risques de change, les dépôts bancaires en devises représentent près de 85% de tous les dépôts en banque et 70% de la masse monétaire en circulation. De même, les crédits en devises équivalent à plus de 80% du total des crédits octroyés par le système bancaire. Pour compliquer le tout, près de 90% de la masse monétaire circulent en dehors des circuits bancaires. Avec de tels chiffres, il y a lieu de se poser des questions sur l’efficacité de la politique monétaire de la Banque centrale sur l’économie. Celle-ci contrôle à peine 10% de la monnaie en circulation dans le pays. Il y a un travail titanesque à faire pour dédollariser l’économie nationale. A noter que la BCC s’attèle déjà à cette tâche. Elle encourage les banques commerciales à mobiliser davantage des dépôts en monnaie nationale. Pour contrer l’inflation qui résulte de la dépréciation du franc, il ne sert à rien d’instaurer le contrôle des prix. Cela n’a rien donné dans le passé et ne donnera rien aujourd’hui. Ce ne sont que des tracasseries inutiles. Les contrôleurs des prix s’enrichissent plutôt en se faisant corrompre par les opérateurs économiques. Les prix ne baissent pas. Dans certains cas, ils augmentent même.
Gaston Mutamba Lukusa