Depuis plusieurs jours, les habitants de cette municipalité – où se trouvent le cabinet du président Felix Tshisekedi et plusieurs sites militaires dont le fameux Camp Tshatshi – ne savent plus à quel saint se vouer pour obtenir divers actes d’état-civil. Début février, le bourgmestre en exercice a été suspendu. Selon divers témoignages, des « combattants » non autrement identifiés auraient pris possession des lieux. But: empêcher l’entrée en fonction d’un « remplaçant ». Ambiance!
Une crise de l’autorité. C’est le moins que l’on puisse dire de la situation ubuesque qui prévaut à la maison communale de Ngaliema. Ce « potopoto » dépasse le seul cadre communal pour toucher les autres organismes publics. Dieu seul sait qui commande et qui obéit.
Depuis plusieurs jours, les services communaux de cette entité ne sont plus accessibles aux usagers désireux d’obtenir un document au service de l’état civil. Le bâtiment est encerclé par des « combattants ». « Ce sont des militants de l’UDPS », assurent plusieurs témoins.
Tout a commencé avec la décision prise en date du 4 février dernier par le ministre de l’Environnement Didier Tenge te Litho qui assume l’intérim de l’Intérieur. Il y est question de la suspension du bourgmestre de Ngaliema, Fatuma Inona Sengi. Il lui est reproché des « failles » dans l’application de l’opération « Kin-Bopeto » (Kin-propriété), lancée par le nouveau gouverneur. Parmi les griefs, on note précisément la poursuite de la pollution sonore, l’accumulation des détritus sur les artères principales (avenues colonel Mondjiba et OUA) et la recrudescence des marchés pirates insalubres.
Le 5 février, le gouverneur de la ville de Kinshasa, Gentiny Ngobila a confirmé la mesure prise par ce ministre provincial en suspendant sept autres bourgmestres (Kimbanseke, Lingwala, Matete, Ndjili, Ngaba, Ngiri-Ngiri et Nsele). Il est reproché à ce beau monde d’avoir méconnu les « instructions en vue de l’assainissement de la capitale ».
BOUCS ÉMISSAIRES
Certains « maires » répliquent, à leur décharge, qu’ils n’ont pas reçu les moyens matériels et humains pour donner les résultats attendus. Pour eux, les autorités urbaines seraient en quête des « boucs émissaires ».
On a assisté aussitôt à des « manifestations de soutien » en faveur des fonctionnaires « momentanément sanctionnés ». C’est le cas notamment à Limete, fief de l’UDPS, et à Ngaliema. Dans ce dernier cas de figure, des « combattants » encerclent chaque jour la maison communale.
Depuis la naissance de la coalition « Cach-Fcc » à l’issue des élections chaotiques du 30 décembre 2018, les institutions de l’Etat sont « saucissonnées » au gré des intérêts des « coalisés ». La part de lion revient aux partisans de l’ex-président « Joseph Kabila ». Le reste, au Cap pour le Changement du duo Tshisekedi-Kamerhe. Après les institutions nationales et provinciales, on va assister très bientôt au « partage » des entreprises du portefeuille de l’Etat ainsi que des missions diplomatiques.
Après son élection à la tête de la ville/province de Kinshasa, le successeur d’André Kimbuta a voulu frapper les esprits en retenant parmi ses « priorités » l’assainissement de sa juridiction surnommée « Kin-la-poubelle ». Abritant plus de 12 millions d’âmes, la ville est composée de 24 communes qui s’étendent sur une superficie de près de 10.000 km².
De l’avis général, Ngobila a pris cette initiative pour le moins salutaire sans tenir compte du sacro-saint triptyque « mission, moyens, résultats ». Traduction: aucune étude de faisabilité n’aurait été faite. Conséquence: les moyens à fin font défaut. Il semble que la ville devait mobiliser 363 millions de dollars US.
On rappelle que l’Union européenne avait financé la collecte et le traitement hebdomadaire de 11.000 mètres cube des déchets ménagers pour 9 communes de la capitale. Et ce durant trois ans (2007-2010). Coût mensuel: un million de dollars US. L’opération dénommée « Paurau » (Programme d’appui à la réhabilitation et l’assainissement urbain) employait 140 agents.
RÉTABLIR L’AUTORITÉ DE L’ÉTAT
En arrondissant les chiffres, la mégalopole kinoise aura besoin d’un budget annuel de plus ou moins trente-six millions de dollars et de 420 travailleurs pour améliorer son cadre de vie. Et partant, contrer le retour en force de certaines maladies éradiquées jadis. C’est le cas notamment de la rougeole, le choléra, la malaria et la fièvre typhoïde.
L’article 193 de la Constitution promulguée le 18 février 2006 stipule: « L’Administration publique est apolitique, neutre et impartiale. Nul ne peut la détourner à des fins personnelles ou partisanes ».
Depuis 2006 à ce jour, les élections locales ont été sans cesse reportées sine die. Les bourgmestres et maires actuels ont été cooptés par le parti dominant de l’époque, en l’occurrence le PPRD (parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie) de « Kabila ».
La réalité est là: la rivalité puérile entre les partisans de la mouvance kabiliste et ceux du duo Tshisekedi-Kamerhe est en passe de désacraliser l’impartialité de l’Etat. Et ce au détriment des habitants d’une de nos communes. Des concitoyens qui ne demandent que d’avoir accès aux services communaux. Peu importe que le bourgmestre et ses collaborateurs soient étiquetés Fcc ou Cach. Il faut rétablir l’autorité de l’Etat?
B.A.W.