Kinshasa: le transport en commun va à la dérive

Le gouvernement « a perdu de vue » son engagement de verser près d’un million de dollars chaque mois à la société de transport du Congo (TRANSCO) à titre de subvention de carburants et de pièces de rechanges. Le transporteur en commun ne dispose plus que d’environ 250 bus. La ville de Kinshasa a une superficie de 9.965 km², soit le tiers de la Belgique. Elle abrite 18 millions d’âmes. L’agglomération kinoise a besoin d’au moins 3.000 bus.

Gaston Mutamba Lukusa

La Société de transport du Congo (TRANSCO) est en faillite virtuelle à la suite des problèmes de financement des fournitures des carburants par le gouvernement. Il faut ajouter la mauvaise gestion. Enfer et damnation! Pour ceux qui ne le sauraient pas, en compensation des prix pratiqués par TRANSCO qui sont dérisoires (5 à 10 fois moins cher), le gouvernement s’était engagé à verser près d’un million de dollars chaque mois à la société à titre de subvention de carburants et de pièces de rechanges. Mais comme il arrive souvent dans notre pays convoité par tous les Etats voisins et la Chine, ce ne sont que vaines promesses.

Ceci expliquant cela, ces jours-ci, des foules s’agglutinent aux arrêts de bus en quête d’un moyen de déplacement pour se rendre au travail,  à l’école, à la maison, au marché, aux prières dans les églises etc. Toute action entraîne une réaction. C’est la 3ème loi de Newton. Les transporteurs privés sont à la fête et font la loi. Le malheur des uns fait le bonheur des autres et vice-versa. D’après mon ami qui sait ce qui se passe dans tous les coins et recoins de Kinshasa la déglinguée, les transporteurs privés fixent les prix selon la loi de l’offre et de la demande. Dans les « parkings » (arrêts de bus), les « chargeurs » (rabatteurs) sont maîtres. Si vous ne payez pas, c’est la marche à pied. Même les taxis communs et les taxis-motos ont revu leurs prix en conséquence. Les prix varient selon les heures et l’affluence. Ils peuvent passer du simple au double! Stupeur et tremblements!

Ceci expliquant cela,  les prix de transport qui sont administrés par l’Hôtel de ville ne sont parfois que le dixième de ce qui est exigé ici. Les navetteurs sont tenus de payer avant d’entrer dans le véhicule. Il faut parfois batailler dur pour avoir une place à bord et essuyer des insultes. Il y a aussi ceux qui entrent par la fenêtre en dépit des tiraillements. Comme si cela ne suffisait pas, les passagers y sont entassés comme des sardines en boite. A bord des véhicules brinquebalants, ils doivent régulièrement faire aussi face non seulement aux pickpockets mais aux prêches des inénarrables pasteurs des églises de réveil passés maîtres dans l’art de sauver les âmes des défunts et de soulager les poches des vivants. Qui se ressemble s’assemble. Saperlipopette!

Mon ami qui est devenu fou affirme qu’une révolte populaire partira un jour de ces parkings. C’est dans ces lieux que tout se dit, que tout se colporte à la grande joie des commères et des compères. Les navetteurs évoquent non seulement leur malheur commun mais parlent aussi de la danse, de la musique, des deuils, des matchs de football, de la politique etc.

Selon mon ami qui sait tout, TRANSCO ne dispose que d’environ 250 bus qui peuvent rouler dans la ville de Kinshasa ou ce qu’il en reste. C’est nettement insuffisant pour une ville avec une superficie de 9.965 km², soit le tiers de la Belgique, et avec une population de 18 millions d’habitants. Il faudrait au moins 3.000 bus pour faciliter le transport en commun. A l’époque du mobutisme triomphant, la ville de Kinshasa disposait des services de transport performants. Il y avait des arrêts de bus officiels, des itinéraires et des horaires qui étaient respectés. Il y eut plusieurs sociétés de transport: OTCZ, SOTRAZ, STK, CITY TRAIN. Mais la mauvaise gestion et les pillages des années 1990 ont conduit ces sociétés à la faillite et à leur disparition.

Face aux embouteillages actuels et à la dégradation des chaussées urbaines, les pouvoirs publics devraient songer à baliser et à utiliser le grand boulevard qu’est le fleuve Congo. Malheureusement, tous ceux qui ont tenté de le faire se sont vite désistés à cause des tracasseries administratives et policières.

On dit chez nous que l’erreur n’annule pas l’effort accompli.

GML