Dans un communiqué daté du 8 novembre, « La Voix des Sans Voix pour les droits de l’Homme » (VSV) fait état de la « disparition » d’un père de famille de quatre enfants. Il s’agit de l’avocat Patrick Kabanga Mukokia du barreau de Kinshasa/Matete. La dernière fois qu’il a été vu, le juriste se rendait au Camp Tshatshi où se trouve le « quartier général » de la garde prétorienne de « Joseph Kabila », la tristement célèbre « garde républicaine » (GR).
Selon la « VSV », qui exprime ses « profondes inquiétudes », la disparition de Patrick Kabanga Mukokia remonte au vendredi 6 juillet dernier. La dernière fois qu’il a été vu, l’avocat se rendait au Camp Tshatshi, le « QG » des très redoutés « GR » en vue de « plaider » la cause d’une cliente. Que s’est-il passé? C’est la question qui taraude l’esprit des membres de sa famille.
A en croire la « VSV », les démarches menées auprès des autorités militaires du Camp Tshatshi n’ont guère abouti. « Des militaires trouvés sur le lieu auraient déclaré qu’ils n’ont pas vu l’avocat Patrick Kabanga ». Des amis de la famille, eux, soutiennent le contraire. A savoir que le juriste était enfermé dans un cachot de cet ex-quartier général de la DSP (Division spéciale présidentielle). La mains sur le cœur, ils assurent qu’ils l’ont vu.
Flashback. Lors du lancement, en octobre 1996, de la fameuse guerre des « Banyamulenge » dite « guerre de libération », l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) – une organisation montée de toutes pièces par l’Ougandais Yoweri Kaguta Museveni et Paul Kagame, alors vice-président et ministre de la Défense du Rwanda – prétendait avoir trois priorités: abattre la dictature de Mobutu Sese Seko, instaurer la démocratie et l’Etat de droit.
PROMESSES NON-TENUES
Porté au pouvoir le 17 mai 1997 par des soldats venus notamment de l’Ouganda et du Rwanda, Mzee Laurent-Désiré Kabila s’est empressé de verrouiller tous les espaces des libertés. Et ce jusqu’à sa disparition le 16 janvier 2001. Les Congolais donnèrent de la voix en exigeant un nouvel ordre politique.
Successeur inattendu de Mzee, « Joseph Kabila » s’est présenté, dans un premier temps, en « agneau » tout au long du régime de Transition « 1+4 » soit de 2003 à la tenue du premier tour de l’élection présidentielle au mois de juillet 2006. En août 2006, l’homme a jeté le masque en révélant son vrai visage de voyou en pilonnant la résidence de son challenger, au second tour, en l’occurrence Jean-Pierre Bemba Gombo. Au moment des faits, ce dernier s’entretenait avec les ambassadeurs des pays membres du « CIAT » (Comité international d’accompagnement de la transition). La communauté internationale ne pipa mot.
En 2007 et 2008, le « raïs » récidiva en faisant massacrer des adeptes du Bundu dia Kongo (BDK) sous le fallacieux prétexte que ce mouvement politico-religieux préparait une insurrection. Bilan: 134 morts. Le rapport détaillé rédigé par des experts de la Mission onusienne au Congo sera mis sous le boisseau par l’Américain William Lacy Swing, alors patron de l’ex-Monuc. Les charniers de Maluku et ceux du « Grand Kasaï » sont à insérer dans le bilan sanglant de l’oligarchie en place.
Vingt-et-une année après la chute du maréchal Mobutu, les observateurs tant nationaux qu’étrangers disent constater une certaine « nostalgie mobutiste ». En cause, aucune des promesses faites par les « libérateurs » n’a été tenue. « La Deuxième République n’était nullement un paradis. Une chose parait certaine: la situation était moins mauvaise que sous les Kabila », entend-on dire. Peut-on parler de changement alors que le présent est devenu pire que le passé?
LES « INTOUCHABLES »
De l’avis général, le Mzee et son successeur de « fils » ont fait « pire » que Mobutu. Et ce tant en termes de pillage des ressources du pays qu’en violation des droits et libertés. L’armée, la police, les services de renseignements civils et militaires ne rendent compte qu’à un seul homme: « Joseph Kabila ». Aucun magistrat ou avocat ne peut se hasarder sur le « terrain de jeu » de ces grands corps de l’Etat rattachés à l’institution Président de la République.
Rien d’étonnant que la famille de l’avocat Patrick Kabanga Mukokia n’ait rencontré aucune empathie lors de son passage au Camp Tshatshi. Les « hommes du raïs » sont au-dessus des lois. Ils sont « intouchables » et n’ont cure de l’article 18 de la Constitution qui limite la durée de la garde à vue à 48 heures. Sans omettre le droit pour toute personne arrêtée d’être immédiatement informée des motifs de son arrestation.
Un mois après l’ « évaporation » de ce juriste, la « VSV » dit craindre pour sa vie et son intégrité physique. Cette association de défense des droits humains « proteste vigoureusement contre la violation des procédures légales en matière de détention en cas des griefs sérieux à charge » et « demande » aux « autorités compétentes » d’agir pour la « libération pure et simple » de l’avocat kinois. La « VSV » sera-t-elle entendue? C’est à voir. Une certitude: la grande majorité de citoyens congolais est impatiente de tourner cette page cauchemardesque…
B.A.W.