Au moment où ces lignes sont écrites, des sources bien informées ne cachaient pas leur scepticisme en ce qui concerne le maintien des élections à la date du 23 décembre prochain. Il semble que l’annonce officielle d’un report devrait intervenir dans les prochaines heures. Le président de la CENI, Corneille Nangaa, doit animer une conférence ce jeudi 20 décembre. Le communiqué du gouverneur de Kinshasa, le FCC-PPRD André Kimbuta interdisant la campagne électorale « sur toute l’étendue » de la capitale prend aussitôt le relief d’un « état d’urgence » qui ne dit pas son nom. Un acte parfaitement illégal.
Dans son communiqué en trois points « fait à Kinshasa le 18 décembre » mais publié le 19 décembre 2018, le gouverneur André Kimbuta Yango recourt à un langage plus digne d’un agent de la sûreté nationale (ANR) que d’une autorité politico-administrative dont les actes doivent, pour leur légalité, s’appuyer non pas sur des « renseignements » émanant de l’Agence nationale de renseignements (ANR) mais bien sur des textes légaux. L’Etat de droit c’est aussi cela.
Selon Kimbuta, « la campagne électorale des candidats présidents » est émaillée de « plusieurs incidents et violences ». L’homme ne pousse pas sa logique jusqu’au bout en désignant les responsables de cet état de chose dans ce pays où des doigts accusateurs sont pointés sur l’Etat-FCC (Front commun pour le Congo) qui dispose du monopole de la « contrainte organisée ». Le ministre de l’Intérieur et ses collègues en charge de la Défense et de la Justice font partie du comité de campagne du « dauphin » de « Joseph Kabila ». Une situation qui heurte le principe de l’impartialité de l’Etat.
Kimbuta dit se fonder sur des « renseignements » en sa possession qui font état de la présence « dans tous les camps politiques » des « extrémistes » prêts à engager des rixes dans les rues lors de la campagne électorale. C’est un secret de Polichinelle que le PPRD-FCC dispose des fameux « bérets rouges » qui ont pour modèles les Imbonerakure du Burundi.
Pour prévenir tout trouble à l’ordre public, souligne Kimbuta, le « gouvernement provincial de Kinshasa » a décidé « à dater de ce mercredi 18 décembre 2018 » la « suspension » des « activités de campagne électorale » sur toute l’étendue de la capitale. En guise de justification, « André » invoque non seulement des « recommandations » émanant des « services compétents chargés de la sécurisation du processus électoral » mais aussi des « impératifs sécuritaires ».
UN ACTE ILLÉGAL
Que dit la loi? « La campagne électorale est ouverte trente jours au maximum avant la date du scrutin et s’achève vingt-quatre heures avant cette date », stipule l’article 28 de la Loi électorale telle que modifiée à ce jour. L’article 29-3 d’enchaîner: « Les réunions électorales se tiennent librement sur l’ensemble du territoire national. Déclaration écrite en est faite au moins vingt-quatre heures à l’avance à l’autorité locale compétente qui en prend acte ».
L’article 85 de la Constitution confère au Président de la République le pouvoir de proclamer l’état d’urgence ou l’état de siège lorsqu’un « péril imminent » menace le fonctionnement des institutions. Dans les deux cas, le chef de l’Etat doit se concerter avec les président des deux chambres du Parlement. Il y a dans les deux cas restrictions des droits et libertés. Est-ce l’objectif poursuivi par le pouvoir en place qui parait désemparé au moment où la CENI fait face à un casse-tête au plan de la logistique?
Le communiqué de Kimbuta suspendant la campagne électorale aux quatre coins de la ville de Kinshasa est un acte parfaitement illégal. Un acte nul et de nul effet. Au motif qu’il ne se fonde sur aucune base juridique. Pire, le gouverneur et le gouvernement provincial ont violé la loi électorale en usurpant un pouvoir qu’ils n’ont pas.
En lisant entre les lignes, il apparaît que le gouvernement central n’a pas osé prendre la responsabilité d’annoncer l’instauration d’un état d’urgence en prévision de l’annonce imminente du report de la date des élections. Le président de la CENI Corneille Nangaa tiendra ce jeudi 20 décembre une conférence de presse.
Lors de la réunion interinstitutionnelle du vendredi 14 décembre, « Kabila » ne cachait pas une certaine « panique » face au retard qu’accuse la réception de 400 tonnes d’imprimés par la CENI. Sur le terrain, les observateurs assurent qu’aucune disposition (listes électorales, identifications des témoins, PV etc.) n’est prise pour la tenue des élections le dimanche 23 décembre. Une situation qui pourrait conforter les tenants de la thèse d’une transition sans « Kabila ». On peut comprendre l’ambiance de sauve-qui-peut qui prévaut actuellement au sein du FCC-PPRD.
B.A.W.