Kapika décrète « la lutte contre la fraude ». Un pari perdu d’avance

Ancien secrétaire général adjoint de l’UDPS chargé de l’administration et finances, Joseph Kapika est depuis le 9 mai dernier ministre de l’Economie nationale dans le gouvernement dirigé par Bruno Tshibala. A la tête d’une délégation mixte gouvernement-Présidence de la République, il a conduit, du 24 au 29 juillet, une mission d’inspection dans la province du Kongo Central. Kapika a décidé d’ériger la « lutte contre la fraude » comme « une affaire de tous. »

Selon Joseph Kapika – qui n’a pas encore accompli les 100 premiers jours aux affaires – affirme avec un brin de candeur que « Joseph Kabila », le gouvernement et la force publique seraient engagés dans ce « combat » qu’il vient de décréter. L’objectif, d’après lui, est de donner au pays « les moyens nécessaires pour son développement ». Interdiction de rire.

A l’issue d’une inspection effectuée dans la province du Kongo Central, le ministre de l’Economie a jugé utile de tirer la sonnette d’alarme sur la menace que « la fraude et la contrebande » font planer sur ce qui reste de la production nationale. « La bière qui entre par fraude tue les entreprises locales, le ciment importé tue nos cimenteries », a-t-il tempêté.

La délégation conduite par Kapika s’était rendue à Lufu, une localité située à la frontière angolaise. Elle a découvert dans cette partie du pays ce que la grande majorité de la population congolaise savait déjà: les opérateurs économiques congolais importent « tout » de l’Angola. Ils n’exportent vers le pays de José Edouardo dos Santos que de l’igname, des cossettes de manioc et du « fumbua ». C’est-à-dire pas « grand chose ».

Kapika et sa délégation ont pu constater que la plupart des produits importés de l’Angola proviennent en réalité de l’Asie et d’autres continents. Selon le ministre de l’Economie, les « importateurs » préfèrent faire entrer leurs marchandises à Lufu afin d’éviter les « tracasseries » à Matadi. Entendez: les taxes douanières. Conséquence: l’Etat congolais ne perçoit rien.

Tout au long de ses deux quinquennats, « Joseph Kabila » a démontré que la promotion d’une industrie nationale n’a jamais fait partie de ses priorités. La dette intérieure est quasiment passée par pertes et profits. Tant pis pour les entreprises locales qui détiendraient des créances sur l’Etat. Sauf quelques privilégiés.

Au cours de ces seize dernières années, l’Etat-AFDL-PPRD-MP n’a pas joué le rôle dévolu à tout Etat. Celui d’« impulser » l’économie nationale par l’octroi des facilités pour la création des petites et moyennes entreprises. Conséquence: la classe moyenne congolaise n’est plus que l’ombre d’elle-même. Toute l’économie nationale ploie sous le poids d’un « capitalisme étranger ».

Dans son discours sur l’état de la Nation, en date du 5 avril dernier, « Joseph Kabila » n’avait pas manqué de surprendre tant l’opinion nationale qu’internationale. En cause, des propos dignes d’un acteur politique en campagne.

L’homme semblait découvrir la « fragilité » de l’économie congolaise. Il semblait également découvrir que le Congo consomme des produits qu’il ne produit pas. De même, le pays n’exporte que des produits de base sans valeurs ajoutée. « Il va sans dire que tant que nous ne changerons pas ce paradigme, notre économie restera fragile et fera continuellement les frais des soubresauts de la conjoncture économique internationale », ânonnait-il.

« Kabila » qui a installé une sorte de « gouvernement parallèle » à la Présidence de la République s’est cru en droit d’attirer l’attention de l’assistance sur le système fiscal en vigueur lequel, serait, « écrasant », « discriminatoire » et « truffé d’une parafiscalité lourde ». Depuis quand a-t-il fait toutes ces « découvertes »?

Et de poursuivre que « le climat des affaires ne sera pas propice à l’investissement productif ni au civisme fiscal ». On croit rêver de la part d’un chef d’Etat dont le second et dernier mandat a expiré depuis le 19 décembre 2016.

Le ministre Joseph Kapika mène un combat perdu d’avance. Les jours et semaines à venir pourraient démontrer que la fraude et la contrebande font partie de l’ADN du « système Kabila ». Le « raïs », hors mandat, et ses oligarques ne pourront en aucun cas se tirer une balle dans le pied en laissant un ex-opposant réussir là où, eux, ont échoué avec un certain « éclat ».

 

B.A.W.

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