A quelques douze mois de l’échéance fixée pour l’organisation de l’élection présidentielle et des élections législatives, le Congo-Kinshasa ressemble plus à une jungle qu’à un Etat de droit qui se prépare à vivre un grand événement: l’alternance politique.
C’est donc une alternance politique? C’est un changement de majorité politique. Un changement qui intervient à l’occasion d’une élection présidentielle ou des élections législatives. Osons paraphraser l’inénarrable Lambert Mende Omalanga: « C’est une passation de pouvoir civilisée entre un Président sortant et un Président entrant ».
Au moment les Congolais se préparent à tourner la page de quinze années d’incurie du « système » qu’il incarne, « Joseph Kabila » se montre de plus en plus intolérant. Il ne fait plus l’ombre d’un doute que l’homme veut s’accrocher au pouvoir. La perspective de ne plus téter sans cause les mamelles de la République le rend fou. Il est clair que son départ se fera par la force et non par la voie des urnes.
En chaque « libérateur » sommeille un tyran, dit la sagesse populaire. Il faut être un « lauréat du Prix Nobel de la naïveté » pour escompter des « élections libres, transparentes et apaisées » dans une ambiance aussi délétère où la grande majorité des Congolais n’éprouve plus que de la défiance et du mépris à l’égard de leurs gouvernants.
On le sait, l’adhésion du peuple est le fondement de toute légitimité.
A quelques douze mois des élections, « Joseph Kabila » qui trône à la tête d’un pouvoir inefficace fait planer, plus que jamais, une grave menace sur les libertés fondamentales, la paix et la sécurité. Le pays se trouve de plain-pied dans la dérive dictatoriale que redoutaient les rédacteurs de la Constitution promulguée le 18 février 2006.
Que faire? Aucun dialogue ne pourra mettre fin à la dictature rampante qui se déroule sous nos yeux. Bien au contraire. Les Congolais doivent affronter le dictateur par la désobéissance civique. La désobéissance à un pouvoir illégitime. L’objectif est de chasser le dictateur avant qu’il ne se livre à son jeu favori qui consiste à faire couler le sang des Congolais et d’enjamber leurs cadavres.
Une manifestation pacifique – non interdite – organisée samedi 28 novembre à Goma par des jeunes du groupe de pression Lucha (Lutte pour le changement) a été sévèrement réprimée par des policiers appuyés par des éléments de la garde prétorienne de « Kabila ». On déplore plusieurs blessés graves. On déplore également des arrestations. Pourquoi? C’est la question que se posent des observateurs. Au motif que les organisateurs de ce rassemblement entendaient exprimer leur réprobation à la suite des récentes tueries survenues dans le territoire de Beni. Des crimes attribués généralement aux rebelles ougandais de l’ADF sans que la moindre enquête n’ait été ouverte.
En mars dernier, les autorités tanzaniennes ont transféré à Kampala, le nommé Jamil Mukulu qui passe pour le leader des rebelles ougandais de l’ADF. L’homme a été trouvé en possession de plusieurs titres de voyage dont un passeport congolais. Huit mois après, les autorités congolaises n’ont entrepris aucune démarche diplomatique auprès de leurs homologues ougandais.
Des voyageurs en provenance de Lubumbashi font état d’un déploiement sans précédent des éléments de la garde prétorienne de « Joseph Kabila » dans le chef-lieu de l’ancienne province du Katanga. Et pourtant, la ville ne fait face à aucun péril imminent. Où était cette force au moment où les miliciens « Ba Kata Katanga » imposaient leur « loi » dans cette partie du pays?
Dans les mêmes circonstances de temps, le maire Oscar Sanguza Mutunda s’est cru en droit d’interdire toutes les manifestations politiques sauf celles de la majorité présidentielle en général et du PPRD en particulier. Plusieurs fonctionnaires ont été limogés au Katanga du fait de leur appartenance vraie ou supposée à l’un des partis du « G7 ». Une mesure discriminatoire qui énerve la Charte suprême du pays (article 13).
« Kabila » instrumentalise non seulement la police et l’armée – en les détournant de leurs missions respectives d’assurer la sécurité des personnes et des biens et de maintenir l’ordre public et la défense du territoire national – mais aussi l’appareil judiciaire. Ces trois grands corps de l’Etat sont au service exclusif des intérêts particuliers du « clan kabiliste ».
Plusieurs personnalités politiques et des activistes de la société civiles sont embastillés dans des cellules miteuses de la prison de Makala pour avoir usé de leur droit à la liberté d’expression. Les cas de Jean-Claude Muyambo Kyassa, Vano Kiboko et d’Ernest Kyaviro sont symptomatiques. Ils « paient » pour avoir dit haut et fort leur opposition à toute révision constitutionnelle pour permettre au Président en exercice de briguer un troisième mandat. Il en est de même des activistes de la société civile. A savoir: Christopher Ngoyi Mutamba, Yves Makwambala et Fred Bahuma. Proche d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, Eugène Diomi Ndongala a été victime d’une cabale. Il est également à Makala.
Dans son rapport publié mercredi 25 novembre, Amnesty International ne dit pas autre chose. Cette organisation de défense des droits humains accuse les autorités congolaises – en fait « Joseph Kabila » – d’instrumentaliser la justice « afin de réduire au silence ceux qui sont en désaccord avec l’idée d’un troisième mandat (…) ».
Pour avoir exercé un pouvoir absolu, « Joseph Kabila » est devenu absolument fou. La violence et l’arbitraire sont devenus les piliers de son régime. Aucun dialogue ne pourra décrisper l’ambiance politique. L’heure est venue pour le peuple congolais d’exprimer son indignation et de chasser le dictateur…
Baudouin Amba Wetshi