A l’occasion de la commémoration du dix-septième anniversaire de la disparition du président Laurent-Désiré Kabila, toute l’oligarchie kabiliste – qui est fâchée contre l’église catholique – s’est donné rendez-vous à la Cathédrale protestante afin d’assister à la célébration eucharistique. Epouse « Kabila », Marie-Olive Lembe et les proches de la fratrie se croyaient à l’abri des objurgations du cardinal Laurent Monsengwo. A la surprise générale, le pasteur qui a officié le culte n’a guère fredonné le « Djalelo ». Le révérend François-David Ekofo, c’est de lui qu’il s’agit, a formulé des critiques sans se départir de son sourire. Les catholiques et les protestants semblent décidés à mener le combat de la vérité face à un pouvoir aveuglé par ses certitudes.
Au cours de cette célébration retransmise en direct sur la télévision d’Etat « RTNC », les spectateurs ont pu voir plusieurs « têtes couronnées » de la République. Aux premières rangées, on voyait Aubin Minaku. L’homme portait pour l’occasion trois casquettes: président de l’Assemblée nationale, secrétaire général de la « majorité présidentielle » et représentant personnel de « Joseph Kabila ». On voyait également Marie-Olive Lembe, épouse « Kabila », Léon Kengo wa Dondo et Bruno Tshibala respectivement président du sénat et Premier ministre. Les membres du gouvernement, les députés et les sénateurs étaient également présents. Sans omettre les hauts magistrats et les représentants des missions diplomatiques et consulaires.
Dans son homélie, Mgr François-David Ekofo Bonyeku a créé un véritablement événement en lançant en liminaire que « l’Etat congolais n’existe pas » avant d’inviter « les gouvernants à tous les niveaux à faire preuve d’une gestion responsable ». L’objectif, selon lui, est de « léguer aux générations futures un pays où il fait bon vivre » pour chacun et pour tous.
Citant la célèbre phrase de LD Kabila de « ne jamais trahir le Congo », le révérend Ekofo Bonyeku a souligné que les dirigeants actuels ont l’obligation de transmettre aux générations futures « un pays uni, fort et non divisé ». Dieu seul sait l’insécurité pour les personnes et les biens qui est entretenue par des bandes armées souvent de connivence avec les pouvoirs publics et certains membres du gouvernement issus notamment de la nébuleuse « maï maï ».
Sans se départir de son sourire, l’orateur a insisté sur la nécessité de transmettre « aux enfants congolais » un pays non seulement développé économiquement, mais aussi où tous les citoyens sont traités de manière égale devant les lois. A l’instar d’autres citoyens, le révérend François-David a sans doute constaté que l’exigence de la « représentativité nationale » contenue dans la Constitution est loin d’être observée.
Dans un réquisitoire à peine voilé sur les cinq chantiers et autre révolution de la modernité, Mgr Ekofo a regretté l’état lamentable des infrastructures. Selon lui, le développement des voies de communication reliant l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud aurait contribué non seulement à l’émergence d’un « marché interne » mais surtout au renforcement de la cohésion nationale.
Les oreilles de « Joseph Kabila » ont sans doute sifflé lorsque Mgr Ekofo a lancé: « Comment voulez-vous qu’on aime quelqu’un qu’on a jamais vu? Comment voulez-vous qu’on aime une personne avec laquelle on n’a jamais conversé? »
Jetant un regard vers les neufs voisins du Congo-Kinshasa, l’orateur a exhorté ceux-ci à s’abstenir de toute velléité expansionniste. « Ne prenez pas un seul centimètre du Congo », a-t-il dit. Et d’ajouter: « Le Congo ne restera pas toujours faible comme il est aujourd’hui. Un jour, il se réveillera ». Ici aussi, les oreilles de « Kabila » n’ont pas manqué de siffler.
On espère que les « communicateurs » de la mouvance kabiliste n’emprunteront pas des raccourcis en accusant les « protestants » de « faire la politique ». Qu’est ce qui est politique? Qu’est ce qui ne l’est pas?
B.A.W.
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