« Kabila », l’homme qui considère la RDC comme « un bien de sa fratrie »

Parlera? Parlera pas? Voilà deux questions que les observateurs de la politique congolaise se posent. Ces questions se posent depuis le vendredi 16 juin, date de la sortie politique de l’ex-raïs après trois années d’un silence hostile. Autre question: l’ex-chef de l’Etat va parler pour dire quoi au risque de manquer à son devoir de réserve?

« Joseph Kabila » est arrivé mercredi 28 juin à Lubumbashi, l’ancien chef-lieu de la province du Katanga qu’il considère comme son « fief ». Au motif que son père putatif, Laurent-Désiré Kabila – qui fut assassiné le 16 janvier 2001 dans des circonstances non-élucidées à ce jour – avait des parents issus des ethnies Ruund ou Lunda et Luba du Katanga.

Selon des témoins, le prédécesseur de « Fatshi » tenait ostensiblement un exemplaire de la Constitution promulguée le 18 février 2006. Comme pour dire que la Loi fondamentale serait devenue son livre de chevet. O tempora, o mores. Autre temps, autres mœurs.

Recevant des parlementaires de sa famille politique le vendredi précité, « Kabila » a fendu l’armure en manifestant son impatience à revenir dans l’arène politique. Il a, à cette occasion, promis de s’adresser à la population « dans un avenir proche ». Sur un ton provocateur, il a exhorté ses partisans « à la dignité et à la résistance ». Afin, selon lui, « de sortir le pays de la crise dans laquelle il est plongé ».

Question: « Kabila » va parler pour dire quoi? Va-t-il se représenter à l’élection présidentielle prévue le 20 décembre prochain? Va-t-il annoncer la candidature de son épouse « Marie Olive » à la Présidentielle? Va-t-il, enfin, révéler, comme le chuchotent certaines mauvaises langues, le « compromis à l’africaine » qu’il aurait passé avec Felix Tshisekedi Tshilombo à l’issue de la présidentielle du 30 décembre 2018? Que sont devenus les résultats électoraux proclamés le 10 janvier 2019 par la CENI (Commission électorale nationale indépendante) et confirmés le 19 du même mois par la Cour constitutionnelle présidée à l’époque par Benoît Lwamba Bindu?

Né à l’étranger – entre le Rwanda et la Tanzanie – , « Joseph Kabila » a foulé le sol zaïro-congolais au plus tôt en octobre 1996 et au plus tard en janvier 1997. Né, semble-t-il, en juin 1971, l’homme devait avoir 25 ans. Après le décès du président LD Kabila, « Joseph » dont le véritable patronyme serait Hyppolite Mtwale devint calife à la place du calife. A la surprise générale. Quel est le mécanisme ayant permis sa désignation? « Le gouvernement avait décidé ainsi » avait bredouillé She Léonard Okitundu, alors ministre des Affaires étrangères. C’est le secret d’Etat le mieux protégé.

Coïncidence ou pas, la quasi-totalité des acteurs ayant participé à ce « secret d’Etat » ne sont plus de ce monde. C’est le cas notamment de: Jeannot Mwenze Kongolo, Augustin Katumba Mwanke, Emile Mota Ndongo, Gaëtan Kakudji, Abdoulaye Yerodia Ndombasi, Dominique Sakombi-Inongo, Timothée Mukuntu Kiyana. La liste n’est pas exhaustive.

Pour la grande majorité des Congolais, « Joseph » et sa fratrie restent un véritable mystère. Et ce, vingt-six années après la prétendue « libération » – conduite principalement par les armées du Rwanda et de l’Ouganda – qui avait porté « Papa Kabila » au pouvoir. La grande majorité des Congolais peine à décrypter l’énigmatique trio qui a constitué un « gouvernement parallèle » durant les dix-huit années de pouvoir de « Kabila ». D’aucuns croient mordicus que ce dernier serait un « agent » rwando-ougandais chargé d’une mission. Celle-ci consisterait à maintenir le Grand Congo à genoux pour préserver la sécurité nationale de l’Ouganda et du Rwanda.

De gauche à droite: Zoé, Jaynet et Joseph « Kabila »

Investi à la tête de l’Etat congolais le 26 janvier 2001, « Kabila » n’a jamais cru à la démocratie. Encore moins à l’alternance démocratique qui constitue une des préoccupations majeures ayant guidé les législateurs de 2005 dans l’organisation des institutions actuelles. Instaurer l’Etat de droit, contrer toute dérive dictatoriale font partie notamment de ces préoccupations majeures.

Sans vouloir anticiper, « Kabila » est arrivé au pouvoir trois mois après le lancement des OMD (Objectifs du Millénaire de Développement) par l’Assemblée générale des Nations Unies en octobre 2000. « L’éducation primaire pour tous » était une des priorités. Dans un rapport publié par le PNUD et l’UNICEF en 2016, le Congo-Kinshasa comptait 16 millions d’adultes qui ne savaient ni lire ni écrire. Vous avez bien entendu. Le second mandat du Président en exercice expirait le 19 décembre 2016.

On ne dira jamais assez que « Joseph Kabila » n’a jamais cru aux élections encore moins à l’alternance démocratique à l’image de ses modèles que sont l’Ougandais Yoweri K. Museveni et Paul Kagame. L’homme n’a jamais remporté une élection.

D’aucuns pourrait sourire, mais lors des présidentielles de juillet 2006 et novembre 2011, « Joseph » fut battu respectivement par Jean-Pierre Bemba Gombo et Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Il fut maintenu au pouvoir par la fameuse « communauté internationale ».

Dans le premier cas de figure, Bemba fut élu dès le premier tour avec 52% contre 27,7%. « J’ai fait tout ce que vous avez voulu: j’ai engagé des experts du PAREC, PPRD et autres agents du Comité du Pouvoir Populaire à la Commission Electorale Indépendante dans le but d’avoir la mainmise sur tous les enjeux électoraux. Mais c’est le peuple qui a voté et reconnait l’orientation de ses voix ». Cet extrait est tiré d’un fax adressé notamment à la Monuc et au CIAT (Comité international d’accompagnement de la transition). L’émetteur n’est autre que l’Abbé Apollinaire Malumalu, alors président de la CEI. « A mon avis, concluait-il, il n’ y a pas de raisons de retarder la publication des résultats outre mesure, ceux-ci ayant été portés à la connaissance du public par les confessions religieuses (…). A défaut, jouer pour les départager au second tour à condition de réunir rapidement le fonds nécessaire pour l’organisation de cette étape(…) ». Le second tour sera organisé en octobre de la même année.

« Joseph Kabila » et sa fratrie considèrent le Congo-Kinshasa comme un héritage leur légué par « Papa Kabila ». En septembre 2016, Zoé « Kabila » créa l’événement à quelques trois mois de l’expiration du second mandat de son aîné. Dans un entretien avec Trésor Kibangula, alors journaliste à Jeune Afrique, il a eu ces mots: « Nous [les Kabila] ne sommes pas prêts à abandonner le pouvoir à n’importe qui ». Ajoutant: « Notre père a versé son sang pour ce pays. Lorsque nous étions enfants, il nous répétait que c’était nous qui allions reconstruire la RD Congo ».

Tant que « Joseph Kabila » et ses mentors ougandais et rwandais n’auront pas compris, de gré ou de force, que la RDC appartient aux Congolais et que les pseudo-libérateurs du 17 mai 1997 ont tort de considérer ce pays comme la Caverne d’Ali Baba, le pire est à venir.

Baudouin Amba Wetshi

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