A Beni, province du Nord Kivu, deux civils et un policier ont perdu la vie mercredi 17 août lors d’une marche pacifique. Preuve s’il en était besoin de la nervosité d’un pouvoir aux abois autant que du manque de professionnalisme de la force publique.
Et pourtant. Les manifestants qui battaient le pavé ce jour n’étaient pas armés. Ils n’ont rien cassé. Ils n’ont pillé personne. Ils voulaient tout simplement crier leur colère face à l’incurie ainsi qu’à l’insouciance de ceux qui sont rémunérés grassement pour promouvoir l’intérêt général. Le bien commun.
Depuis le mois d’octobre 2014, plus d’un millier de paisibles citoyens ont été assassinés par des tueurs particulièrement barbares.
Pendant que les Beniens pleurent leurs morts, « Joseph Kabila » multiplie des stratagèmes pour pérenniser son pouvoir. Le Premier ministre Augustin Matata Ponyo, lui, a les yeux rivés sur l’écran de son ordinateur pour suivre la courbe du « taux de croissance macroéconomique ».
Samedi 13 août 2016, 51 personnes ont été tuées dans deux quartiers de Beni. C’est le massacre de trop! Trop is te veel, disent les Belges néerlandophones. Trop c’est trop!
Les deux premières missions d’un Etat consistent à défendre ses frontières et à maintenir l’ordre à l’intérieur en assurant des conditions minimales de sécurité aux personnes et aux biens. Un Etat incapable d’assumer ces fonctions régaliennes n’est pas digne de respect. Il n’est pas non plus légitime.
En exigeant, mercredi 17 août, à haute et intelligible voix la démission de « Joseph Kabila » et du Premier ministre Augustin Matata Ponyo, les « Beniens » ont conjuré la résignation ambiante. Ils ont brisé un tabou en mettant les deux têtes de l’Exécutif national face à leurs responsabilités. Celles-ci doivent rendre compte de la manière dont elles ont conduit les affaires publiques.
Le constat est là: « Kabila » et son Premier ministre Matata ont échoué. Le régime a fait des promesses inconsidérées. Aucune n’a été tenue. Instaurer la paix, consolider la communion nationale, promouvoir le dialogue et la réconciliation, renforcer l’Etat de droit et la bonne gouvernance, protéger les personnes et les biens, promouvoir la sécurité juridique et judiciaire, doter le pays d’une armée forte sont parmi les promesses contenues dans l’allocution de « Joseph Kabila » lors de son investiture le 26 janvier 2001.
Il faut refuser de regarder pour ne pas voir les signes de défiance annonciateurs de l’agonie d’un régime qui doit sa durée par l’institutionnalisation d’une forme de banditisme d’Etat par l’arbitraire, la tricherie et le mensonge.
Le 28 novembre 2015, « Joseph Kabila » a annoncé la convocation du « dialogue politique national » et la mise en place d’un comité préparatoire. Neuf fois mois après, l’oracle présidentiel n’a produit aucun effet. Le pays se trouve dans l’impasse. En cause, les gouvernés n’ont plus confiance aux gouvernants. Le « commandant » n’a plus la capacité de se faire obéir.
Le mois de juillet de l’année en cours a été particulièrement riche en « signes de temps ». Des signes qui annoncent la fin d’une imposture.
La fin de non recevoir opposée par Madame le bâtonnier du barreau de Lubumbashi à une injonction de l’Agence nationale de renseignements. Cette police politique de « Joseph Kabila » avait ordonné au bâtonnier de distribuer à tous les avocats un numéro spécial du journal « Le Soft international » contenant plusieurs pièces du procès Katumbi contre Stoupis. Réponse du bâtonnier: « Le barreau est apolitique ».
La lettre de la juge-présidente du tribunal de paix de Lubumbashi/Kamalondo Chantal Ramazani Wazuri dénonçant les pressions qu’elle a subies de la part de l’ANR et de sa hiérarchie lors du procès cité précédemment.
Depuis plusieurs semaines, 150 policiers congolais, de retour de Centrafrique, sont en conflit avec leur hiérarchie. Certains d’entre eux ont trouvé refuge au siège de la Monusco. Ils sont accusés de « trahison et de violation de consignes » pour avoir exigé le paiement des arriérés de leurs soldes.
Mardi 16 août, le Premier ministre Augustin Matata Ponyo s’est fait huer par la population de Beni. Le pouvoir est ainsi désacralisé. C’est le coup de grâce. En chahutant le « Premier », les habitants de Beni ont voulu signifier à « Joseph Kabila » l’aspiration du peuple congolais à un autre avenir. A bon entendeur…
Baudouin Amba Wetshi