Attendu, samedi 5 décembre, à Lubumbashi, par des centaines de ses « partisans », le sénateur à vie « Joseph Kabila » a dû finalement « reporté » son voyage, annoncé depuis près d’un mois. Pourquoi? Mystère! Selon certains, une rencontre devrait avoir lieu entre l’ex-Président de la République et son successeur avant le discours que celui-ci doit prononcer dimanche à 14h30. D’autres y voient un durcissement du bras de fer de moins en moins larvé entre les deux « alliés ».
L’aéroport de la Luano était, semble-t-il, noir de monde. Comme à l’accoutumée, des centaines de militants du Pprd (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie), brandissaient les insignes de cette formation politique. Seulement voilà, ils ont attendu, en vain, leur « visiteur de marque ». Chacun y va de son explication.
A la Régie des voies aériennes (RVA), l’annulation de ce voyage serait due au fait que les « plans de vol » de deux aéronefs affrétés « n’ont pas été signés ». Cette situation n’a pas empêché plusieurs membres de la « garde rapprochée » de l’ex-raïs de se rendre à l’aéroport avant de regagner leurs domiciles respectifs. C’est le cas notamment de Barnabé Kikaya bin Karubi. L’ancien conseiller diplomatique de « Kabila » s’est fendu d’un tweet au ton rageur mettant en garde ceux qui « jouent avec le feu ». « Un tweet téméraire et suicidaire, a répliqué le conseiller itinérant à la Présidence Nicolas Kazadi. (…). Quand on est sage ou repentant, on évite certaines allusions ». Selon des sources, « Kabila a appelé ses lieutenants au calme ».
Selon des sources kinoises, « Kabila » serait, depuis quelques mois, sous « surveillance » des « services ». Ceux-ci le suspectent d’être au centre d’une « vaste conspiration » contre le président Felix Tshisekedi Tshilombo. L’arrestation de Barnabé Milinganyo Wimana, un proche d’Azarias Ruberwa est révélatrice d’un climat délétère. L’actuel ministre de la Décentralisation et réformes institutionnelles fait partie des proches conseillers de « Kabila ».
A en croire ces mêmes sources, le « général » John Numbi Banza – qui s’est replié à Lubumbashi depuis son éviction de l’inspection général des FARDC – aurait la haute main sur les ex-miliciens Bakata Katanga de Kyungu Mutanga, alias « Gédéon ». L’insécurité pour les personnes et les biens fait rage dans le chef-lieu du Haut Katanga.
A Kalemie, le gouverneur de Tanganyika, Zoé « Kabila », s’est acoquiné, depuis avril dernier, à pas moins de 500 ex-combattants de la « rébellion » pro-rwandaise du M23, envoyés « en recyclage » à la Base de Kamina. En avril 2016, le « raïs » avait fait acheminer une soixantaine de chars de combat du Port d’Ilebo à Kalemie via Lubumbashi. Cet arsenal était convoyé par des « hommes en uniformes » armés jusqu’aux dents. Que sont-ils devenus?
Revenons à Lubumbashi. C’est la consternation. Vice-président de l’Assemblée provinciale du Haut Katanga et responsable du comité d’accueil, Pablo Ngwej a dit son étonnement au cours d’un meeting improvisé au Carrefour. L’homme ne croit pas à la justification selon laquelle « Kabila » devait rencontrer son successeur. « Nous pensons que c’est un mensonge », a-t-il fait remarquer. Et d’ajouter: « nous sommes en colère ».
Pour Ngwej, ce report est tout simplement impensable. Au motif le déplacement dont question a été annoncé depuis trois semaines. Sans le dire de manière formelle, le numéro deux de cet organe délibérant du Haut Katanga met en garde ceux qui, à ses yeux, menacent la paix et violent la Constitution. Suivez son regard. « Nous disons que la paix signifie qu’il faut du respect à Joseph Kabila. Il mérite le respect de tous ». Et de conclure: « on doit également respecter la Constitution et l’accord Fcc-Cach ».
« JOSEPH KABILA » SIMPLE SENATEUR
A Kinshasa, le député national François Nzekuye – qui serait dans le secret des dieux – croit savoir que le report de ce voyage découlerait d’une « raison noble ». Selon lui, le président Felix Tshisekedi et « Joseph Kabila » devraient avoir un « entretien important » en vue de « décrisper la situation ».
On le sait, le président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahmat, a séjourné dans la capitale congolaise. Il a été reçu, jeudi 3 décembre, par le président Felix Tshisekedi. On imagine qu’ils n’ont pas évoqué que la Présidence en exercice de l’UA devant revenir au Congo-Kinshasa en 2021.
En attendant l’organisation de cette hypothétique rencontre entre les « coalisés » d’hier, on n’ose imaginer l’état psychologique actuel d’un « Kabila » qui a exercé un pouvoir absolu durant dix-huit ans. La grande majorité de la population congolaise, elle, appelle à la « rupture » de cette « coalition handicapante » pour le développement du pays. La « communauté internationale », elle, plaide pour le maintien du « dialogue » afin de préserver la paix et la stabilité.
Samedi 5 décembre 2020, « Joseph Kabila » s’est retrouvé dans la peau d’un « simple » sénateur. « Tout est vanité! », ironisait, un confrère kinois qui se souvient de la « belle époque » où l’ex-raïs se comportait en « véritable monarque républicain ».
Baudouin Amba Wetshi