Depuis quelques heures, un « mandat de comparution » est diffusé sur les réseaux sociaux. Il est destiné à Pascal Mukuna, pasteur de l’église « ACK » (Assemblée chrétienne de Kinshasa). Ce dernier est attendu mercredi 13 mai à 11h00 au parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe. Si le grand public est au courant, le principal intéressé n’a pas été notifié. Animateur du mouvement « Eveil patriotique », une croisade de conscientisation des Congolais sur le bilan désastreux des « années Joseph Kabila », Mukuna affronte, depuis une dizaine de jours, deux adversaires. Le premier est visible. Il s’agit de la désormais célèbre Mamie Tshibola Mufuta à l’origine (?) de la plainte qui lui vaut le « mandat de comparution » émis en date du 11 mai 2020. Le second adversaire, lui, est invisible. Sauf que son ombre apparaît en filigrane. Il s’agit de « Joseph Kabila » et sa mouvance dite « Front commun pour le Congo » (FCC). Dans la soirée de lundi 11 mai, des « rumeurs », aussitôt démenties, faisaient état de l’interpellation de Mukuna…
« Nous, Bunduki Baombolia Samy, officier du ministère public près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe mandons monsieur Pascal Mukuna de comparaître devant nous, pour y être entendu sur des faits infractionnels à lui imputer et lui faisons savoir que, faute de le faire, il y sera contraint conformément à la loi ». Tels sont les termes du « mandat de comparution » qui a été virtuellement « notifié » à Pascal Mukuna.
Ceux qui ont eu l’occasion de parcourir ce document ont sans doute conclu que le principal intéressé a déjà réceptionné la convocation. Hélas, non! Comment ne pas fustiger ces méthodes dignes de voyous qui gangrènent la justice congolaise?
Pour y voir un peu plus clair, l’auteur de ces lignes a joint mardi soit l’avocat kinois Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho). « Pascal Mukuna n’a pas reçu ce mandat, dit Katende qui est également vice-président du mouvement ‘Eveil patriotique’. Il me l’a dit aujourd’hui vers 16h30″.
A quoi joue-t-on au niveau du parquet général près la Cour d’appel de Gombe/Kinshasa. Le juriste Katende qui connaît le « système » et les « acteurs » semble avoir sa petite idée. « Ce sont des manœuvres habituelles qui consistent à alerter l’opinion par la diffusion, sur les réseaux sociaux, du mandat de comparution alors que l’intéressé n’a rien reçu ».
ÉLEVER UNE PROTESTATION
Selon lui, mandat ou pas mandat, l’avocat de l’évêque Mukuna dira le mal qu’il en pense dans une lettre qui parviendra ce mercredi 13 mai au procureur général (PG) près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe. Il s’agit, d’après lui, d’élever une « protestation ».
Pour ce juriste, ces « pratiques » sont courantes dans certains milieux judiciaires congolais. « On vous envoie un premier mandat. Vous ne vous présentez pas pour l’avoir appris par le canal des réseaux sociaux. Un second mandat de comparution vous est adressé par la même voie suivi par un mandat d’amener ». En clair, n’ayant pas été personnellement notifié, l’évêque Mukuna ne se rendra pas ce mercredi à 11h00 au parquet général de Kinshasa/Gombe.
Depuis plusieurs jours, une sextape a circulé sur les réseaux sociaux. On y voit un « couple » en plein ébats. Si le visage de la femme était dissimulé, celui de l’homme est bien reconnaissable. Celui-ci ressemble à Pascal Mukuna. « C’est un montage », déclarait l’intéressé lors de sa toute dernière intervention à l’émission kinoise « Bosolo na Politik ». Le Pasteur a, aussitôt, pointé un doigt accusateur en direction de ses ex-amis du FCC. « La vie privée de Mukuna ne nous intéresse pas. C’est le message dont il est porteur qui nous intéresse », entend-on dire.
LE FCC DANS TOUS SES ETATS
La diffusion d’une « sextape » n’a pas empêché Pascal Mukuna de « dénoncer » les abus de l’ex-président « Joseph Kabila » devant la Cour constitutionnelle. La « dénonciation » s’articule sur dix griefs constitutifs de « crimes contre l’humanité ».
Cette démarche a mis le FCC dans tous ses états. Selon des sources, le secrétaire permanent du PPRD, Emmanuel Ramazani Shadary – l’ex-dauphin du raïs – aurait « rétribué » la dame Tshibola. Il ne fait plus l’ombre d’un doute que cette dernière est manipulée par des bonzes de la mouvance kabiliste. « C’est de bonne guerre », pourrait-on ergoter.
C’est la dame Tshibola qui est à l’origine de la vidéo. C’est encore elle qui a porté plainte, contre Pascal Mukuna, au parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe. C’était le vendredi 8 mai. Le Pasteur a travaillé avec le défunt « mari » de la dame en qualité de Pasteur assistant. Tshibola accuse l’évêque de l’ACK de « viol », « menace de mort » et « rétention des documents ».
FAIRE TAIRE MUKUNA
Cette plainte de la dame Tshibola a été accueillie au sein de la mouvance kabiliste comme du « pain béni ». Samedi 9 mai, le ministre des Droits humains, André Lite Asebea (FCC/CCU), a été le premier « à dégainer » en exhortant le PG près cette juridiction de « traiter » ladite plainte « avec diligence ». Et d’ajouter: « (…), la société gagnerait avec une justice qui aura traité cette affaire en toute impartialité ».
L’AFDC/FCC de Nene Ilunga Nkulu d’enchaîner, dimanche 10 mai, dans un registre différent. Dans une déclaration politique, cette formation politique demande aux autorités judiciaires « de se saisir d’office » des « propos injurieux et diffamatoires tenus par Pascal Mukuna à l’endroit de Joseph Kabila et de le sanctionner de manière sévère conformément à la loi pénale ».
Questions: Quels sont les « faits infractionnels » imputés à l’évêque Mukuna? S’agit-il des reproches retenus dans la plainte intentée par la dame Tshibola? « Joseph Kabila » et ses partisans tentent-ils de se servir de ce dernier dossier judiciaire pour faire taire Pascal Mukuna dont le discours est devenu dérangeant?
Baudouin Amba Wetshi