Le ministre congolais de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, a annoncé, mercredi 4 avril, qu’il a enjoint le procureur général de la République (PGR) d’ouvrir un « dossier judiciaire » au sujet d’un prétendu « recrutement de mercenaires étrangers ». Des mercenaires qui seraient, selon lui, liés à l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe qui semble donner des insomnies à « Joseph Kabila » depuis que le G7 l’a désigné comme son candidat à la présidentielle de 2016.
Lors de la commémoration du 26ème anniversaire de la restauration du pluralisme politique – proclamée par le président Mobutu dans son discours du 24 avril 1990 – plusieurs proches de Katumbi, dont un Américain, ont été appréhendés au cours d’une manifestation pacifique organisée à Lubumbashi. Ces personnes ont été par la suite transférées à Kinshasa.
Les déclarations de Thambwe ne font aucune illusion dans ce Congo dit démocratique où la justice est aux ordres et les trois pouvoirs traditionnels sont concentrés entre les mains d’un seul homme.
Près de deux semaines après ces arrestations, les autorités judiciaires restent muettes sur les infractions commises par ces personnes qui sont en réalité les victimes innocentes d’un pouvoir agonisant qui refuse de mourir.
Juriste de formation et avocat de profession, Thambwe prétend détenir « la preuve documentée que plusieurs anciens militaires américains qui se trouvent actuellement au Katanga sont au service de M. Katumbi ». Quid du secret d’instruction?
En vertu du principe selon lequel « il n’y a ni crime, ni peine sans loi », c’est le lieu de poser deux questions. Primo: la loi congolaise interdit-elle aux personnes ayant servi dans une armée étrangère en général et dans l’armée américaine en particulier de séjourner sur le territoire du Congo-Kinshasa? Secundo: cette même loi prohibe-t-elle tout contrat de louage de services avec une personne ayant servi dans une armée étrangère?
Les « faits » reprochés à Moïse Katumbi présentent des similitudes avec les tracasseries politico-judiciaires subies jadis par un des candidats à l’élection présidentielle de 2006. Il s’agit d’Oscar Kashala Lukumuena.
Médecin établi aux Etats-Unis, Kashala avait été accusé d’avoir recruté des « mercenaires ». En fait, conscient de la partialité du pouvoir politique congolais, le parti de ce candidat avait embauché des vétérans de l’armée américaine pour assurer la sécurité de celui-ci. Le prétendant avait, par ailleurs, conclu un contrat de protection avec une autre société sud africaine dénommée « Omega ».
C’est en regardant la télévision d’Etat, RTNC, que Kashala apprendra que ses gardes venus des Etats-Unis ont été arrêtés à leur hôtel.
En acceptant de donner injonction au PGR d’ouvrir une information judiciaire dans une affaire aussi ubuesque, Thambwe se fait le complice d’une cabale qui n’honore guère non seulement le praticien du droit qu’il est mais aussi l’ancien « opposant armé ».
Lors de la prise du pouvoir par Laurent-Désiré Kabila le 17 mai 1997, Alexis Thambwe Mwamba, ancien dignitaire du régime Mobutu, avait pris le chemin de l’exil. En 1999, il rejoindra la nouvelle « rébellion congolaise » pro-rwandaise dénommée RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie). Ce groupement justifiait sa lutte par la nécessité de « combattre toute forme de dictature » et pour promouvoir « l’Etat de droit et la bonne gouvernance ». Que sont devenus tous ces beaux principes?
En 2000, Thambwe passe au MLC (Mouvement de libération du Congo). Les « armes à la main », l’homme prétendait se battre contre l’arbitraire et la tyrannie avant de passer avec armes et bagages dans le camp de « Joseph Kabila », l’ennemi d’hier. Ce combat n’avait-il pour véritable motivation que la quête d’un poste? Pitoyable. Gare au jugement de l’Histoire!
Baudouin Amba Wetshi