Carbone Beni, Grâce Tshiunza, Cédric Kalonji et Mino Mompomi sont libres. Ils ont été relaxés le mardi 25 décembre 2018 au bout d’une année d’incarcération. Les « quatre » ont été interpellés entre le 23 et le 30 décembre 2017 par des agents de l’ANR (Agence nationale de renseignements). Au moment de leur arrestation, ils faisaient du porte-à-porte pour sensibiliser les Kinois à participer à la « manifestation pacifique » organisée le 31 décembre 2017 par le Comité laïc de coordination (CLC). But: demander à « Joseph Kabila » de ne pas briguer un troisième mandat. « Outrage au chef de l’Etat », « désobéissance à l’autorité publique » et « participation criminelle ». Ce sont les infractions gravissimes mises à leur charge. Sur la photo signée Actualité.CD, on voit les « accusés » lors du procès.
Contexte. Le 19 décembre 2016, le dernier mandat de « Joseph Kabila » a expiré. Sept mois auparavant, soit le 11 mai de la même année, la Cour constitutionnelle a pris son très controversé arrêt « autorisant » le Président sortant à rester en fonction jusqu’à l’élection du nouveau Président élu. Une interprétation tendancieuse du deuxième alinéa de l’article 70 de la Constitution qui stipule: « A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».
C’est le point de départ de la série des « manifestations pacifiques » initiées par le Comité laïc de coordination avec pour but d’obtenir le volet « décrispation » de l’Accord de la Saint Sylvestre tout en demandant au Président sortant de prendre l’engagement solennel de ne pas briguer un troisième mandat interdit par la Constitution. La répression de ces manifestations sera d’une férocité frisant la barbarie. Bilan: une dizaine de morts et plusieurs blessés.
Pour la petite histoire, depuis le 20 janvier 2018, les animateurs du « CLC » vivent dans la clandestinité. « Kabila » avait ordonné leur arrestation. C’est le cas notamment de: Léonie Kandolo, Julien Lukengu, Isidore Ndaywel è Nziem, Thierry Nlandu et Jonas Tshiombela.
Revenons aux activistes de Filimbi. Après leur arrestation, « Carbone » et ses camarades sont « gardés à vue », dans un premier temps, à l’inspection provinciale de la police kinoise. Ils seront transférés par la suite au siège l’ANR, la très redoutée police politique de « Kabila » où « trône » le « tortionnaire de la République » Kalev Mutondo. Celui-ci est un intouchable. Il ne reçoit ses instructions et ne rend compte qu’à un seul homme: « Joseph Kabila ».
L’ANR, UN ETAT DANS L’ETAT
Rattachée au Président de la République – une situation paradoxale pour un Etat qui se prétend démocratique -, l’ANR est un Etat dans l’Etat. Aucun magistrat n’ose s’y risquer pour vérifier l’observation stricte de la durée de la garde à vue « qui ne peut excéder 48 heures » (article 18-4 de la Constitution). Les avocats non plus. L’Agence n’est soumise à aucun contrôle démocratique. Ici, on torture impunément. La torture va de « simples » sévices corporels au viol.
Après plusieurs mois de détention au secret à l’ANR, les quatre militants de Filimbi sont embastillés à la prison centrale de Makala où ils seront « inculpés » d’ « outrage au chef de l’Etat ». Et ce pour avoir exigé au Président en exercice de respecter son serment de « veiller au respect de la Constitution ».
Le « procès », digne de l’époque stalinienne, est intervenu après huit mois de privation de liberté. Le représentant du ministère public d’une justice aux ordres a requis une peine de trois ans d’emprisonnement. Les avocats de ce mouvement citoyen ont plaidé, en vain, pour l’acquittement. Une sentence fantaisiste finit par tomber: un an de servitude pénale.
Le mardi 25 décembre 2018, Carbone Beni, Cédric Kalonji, Grâce Tshiunza et Mino Mompomi ont retrouvé l’air libre. On espère, que cette libération n’est assortie de l’obligation de faire « acte de présence », chaque semaine, à l’ANR.
Une question reste sans réponse. Pourquoi ont-ils été arrêtés? Ceux qui avaient assisté à la parodie de procès organisée sur cette affaire assurent que le représentant du ministère public était en panne d’arguments pour démontrer la matérialité de l’infraction d’outrage au chef de l’Etat. L’ANR dut monter de toutes pièces des tracts à caractère séditieux. C’est ça la justice congolaise, selon « Joseph Kabila »…
Baudouin Amba Wetshi