Ministre congolais de la Justice en exercice, Alexis Thambwe Mwamba a été entendu, mardi 4 septembre, par un juge d’instruction belge sur plusieurs affaires dont la destruction au décollage, en octobre 1998, d’un avion de ligne de Congo Airlines par l’ancien mouvement rebelle pro-rwandais du RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie). Cadre de cette « rébellion », Thambwe avait revendiqué le tir du missile. Bilan: quarante passagers et membres d’équipage tués. Il semble que l’interrogatoire porterait également sur des « délits à caractère financier ».
Le « tout-puissant » ministre congolais de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, un des oligarques qui murmurent à l’oreille de « Joseph Kabila », a été entendu, mardi 4 septembre, de 9h00 à 13h00, comme un « banal justiciable », par le juge d’instruction belge Michel Claise. En Belgique tout comme en France, le juge d’instruction est un juge attaché au Tribunal de première instance (Tribunal de Grande Instance au Congo-Kinshasa, Ndlr). Ce magistrat détient la double qualité de juge et d’officier de police judiciaire. Il est réputé indépendant.
Que reproche-t-on à Alexis Thambwe?
L’histoire mérite d’être rappelée. Le 17 mai 1997, Laurent-Désiré Kabila est porté au pouvoir à Kinshasa par les troupes venues notamment de l’Ouganda de Yoweri Kaguta Museveni et du Rwanda du général-major Paul Kagame, alors vice-président et ministre de la Défense.
Fin juillet 1998, le « tombeur » de Mobutu Sese Seko décide de mettre fin à la « coopération militaire » avec ses anciens mentors. Initiateurs de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre), la réaction de ces derniers face à cette « ingratitude » n’a pas tardé. Dès le mois d’août de cette même année, une nouvelle « rébellion congolaise » dénommée « Rassemblement Congolais pour la Démocratie » (RCD) est née… à Kigali. Déçus par la dérive autoritaire de Mzee LD Kabila, plusieurs anciens dignitaires du régime de Mobutu mordirent à l’hameçon en rejoignant Goma, au Nord Kivu, où se trouvait le « QG » de ce mouvement insurrectionnel. C’est le cas notamment d’Alexis Thambwe Mwamba. Plusieurs provinces de la partie orientale du pays sont occupées par les « forces rebelles ».
PAS DE SURVIVANTS
Le 10 octobre 1998, un avion de ligne de type Boeing 727 de la compagnie Congo Airlines est détruit par un missile après son décollage à Kindu, chef-lieu du Maniema. « Nous avons abattu un avion civil parce que nous disposions des informations de nos hommes infiltrés à Kindu selon lesquelles il n’y avait aucun civil à bord. Il y avait une quarantaine de soldats ». Cette déclaration a été faite sur les antennes de Radio France Internationale, depuis Goma, par Thambwe, alors un des « commissaires » du RCD. Selon lui, l’avion était en phase d’atterrissage. Il n’y aura pas de survivants.
Patron de Congo Airlines, le Grec Stavros Papaionnou donna une version bien différente des faits. Selon lui, cet aéronef transportait trois membres d’équipage et une quarantaine de passagers dont des femmes et des enfants. Ces derniers fuyaient la ville de Kindu sur le point de tomber entre les mains des « insurgés » du RCD. « Stavros » dont le témoignage est jugé d’une « importance capitale » serait attendu dans la capitale belge.
Personne n’entend accuser « Alexis » d’avoir donné l’ordre d’abattre cet avion civil. « Le juge d’instruction va le questionner sur le fameux ‘nous’ qu’il avait prononcé lors de l’annonce de la destruction de cet avion », commente le défenseur des droits de l’Homme Paul Nsapu Mukulu. Selon celui-ci, l’ex-cadre du RCD devrait fournir les noms de tous les responsables de ce mouvement ayant participé à la prise de cette décision.
Sans être partie civile dans cette affaire, Nsapu de préciser que la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme), à laquelle il fait partie, apporte son appui à l’avocat des victimes en l’occurrence maître Alexandre Deswaef.
« FAUX ET USAGE DE FAUX »
Pour Nsapu Mukulu, l’audition d’un ministre en exercice d’un gouvernement étranger est un « signal très fort » dans « la lutte contre l’impunité ». Pour lui, « le temps de la justice est en train d’arriver ». Et les présumés auteurs des crimes particulièrement inhumains n’ont qu’à bien se tenir. « Ils seront traqués partout », assène-t-il.
Que risque Thambwe en termes de peine?
Selon Nsapu, c’est une première audience qui a eu lieu mardi. « Il y en aura d’autres ». « Thambwe risque une peine de 30 ans d’emprisonnement assortie de dommages et intérêts importants à consentir aux victimes », souligne-t-il.
Thambwe Mwamba a-t-il été interrogé sur d’autres affaires?
La réponse est: oui! Selon des sources, « l’instruction évoluerait également sur le volet financier ». Des soupçons pèseraient sur « Alexis » sur des transactions financières illicites et de faux et usage de faux.
Pourquoi les parties civiles n’ont-elles pas porté l’affaire devant les juridictions congolaises? La réponse tombe comme une guillotine: « La justice congolaise n’est ni fiable ni indépendante ».
Affaire à suivre.
B.A.W.