Le dimanche 24 avril prochain, les Français iront, à nouveau, aux urnes pour départager les deux candidats restés en lice lors du premier tour de l’élection présidentielle. A savoir, Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Un étudiant de la Sorbonne a eu ces mots un peu excessifs: « C’est le choix entre la peste et le choléra ». Il y a, en tous cas, une ambiance générale de rejet.
Président sortant, Emmanuel Macron doit commencer par défendre son bilan (2017-2022) avant d’aborder le « nouveau rêve » qu’il entend proposer à ses concitoyens. Bien que jeune, beau et intelligent, Macron est plutôt mal aimé. Il est perçu comme un homme distant. Arrogant. « Il n’a pas réalisé ses promesses », dit-on ici et là. Il reste que l’environnement international troublé semble plaider en sa faveur. Au motif qu’il incarne l’expérience.
Président du Rassemblement National (RN), Marine Le Pen, elle, doit défendre un « projet ». Mal aimée du fait de la radicalité de son discours, la fille de Jean-Marie Le Pen se présente désormais en « Femme d’Etat », lit-on sur ses affiches. Son discours est de plus en plus « modéré ». Une modération perçue par ses contempteurs comme une « ruse de guerre ». Elle clame sa volonté de « changer le système ». Des segments de la population lui reproche sa « proximité » avec Vladimir Poutine.
Mercredi 20 avril, les Français vont suivre le débat Macron-Le Pen. Un rendez d’une importance majeure pour chaque candidat. C’est généralement lors de ce « combat singulier » qu’un postulant prend l’avantage sur l’autre. Une petite phrase suffit à faire la différence. En 1974, Valery Giscard d’Estaing avait « terrassé » François Mitterrand avec sa fameuse phrase « Vous n’avez pas le monopole du cœur! ». Ce dernier prendra sa revanche en mai 1981 en disant à Giscard: « Vous êtes l’homme du passif ». Qui oubliera le « Moi, Président »… de François Hollande face à un Nicolas Sarkozy « groggy »? Les journalistes chargés d’arbitrer cette joute sont triés sur le volet. C’est le sujet de cet édito.
Présentateur du « 20 heures » de la télévision commerciale TF1, Gilles Bouleau, réputé pour sa courtoisie et sa pertinence, est plébiscité dans les deux camps. Quid de la télévision publique? Présentatrice du JT de 20 heures de la télévision publique France2, Anne-Sophie Lapix, a été « éconduite » tant par le « clan » Le Pen que celui de Macron. C’est la Franco-Libanaise Léa Salamé qui a « raflé la mise ». Elle présente actuellement « Elysée 2022 » sur France2.
Que reproche-t-on à Anne-Sophie Lapix? Les « macroniens » arborent un silence assourdissant. « Elle n’arrive pas à dissimuler son hostilité vis-à-vis de Marine Le Pen à chaque fois qu’elle la reçoit », tempête Jordan Bardella, le numéro 2 du Rassemblement National.
Le cas Anne-Sophie Lapix mérite de faire l’objet d’un débat dans les écoles de journalisme.
Il est reproché à l’interviewer « Anne-Sophie » de manifester son antipathie à l’égard de l’interviewé. Cette antipathie s’illustre sous la forme d’une agressivité. C’est bien connu que certains journalistes aiment se montrer impertinents au point de déconsidérer la personne en face. L’impertinence finit par prendre une tournure d’un « affrontement ».
Fondateur du quotidien français « Le Monde », Hubert Beuve-Méry a eu ces mots: « Il faut laisser le journal à l’abri de tout militantisme, ce qui n’exclut pas l’engagement au moment voulu ».
Fait de chair et de sang, le journaliste est avant tout un être humain qui a des convictions. En tant qu’être humain, le journaliste résiste succombe le plus souvent à la tentation de dire ce qu’il ressent en lieu et place de dire ce qui est. Dans certaines interviews, on entend plus le journaliste que l’invité.
Ouvrons la parenthèse. Dans un cadre zaïro-congolais, le maréchal Mobutu récusait souvent la présence de la journaliste Colette Braeckman du quotidien bruxellois « Le Soir » à ses conférences de presse. C’est fut spécialement le cas lors de l’allocution présidentielle du 24 avril 1990 annonçant la restauration du pluralisme politique. La dame passait, plus à raison qu’à tort, pour une « anti-mobutiste primaire ». Pour l’histoire, Braeckman a été le premier journaliste à parler du fameux « massacre des étudiants de l’université de Lubumbashi ». Un « massacre » énigmatique. Sans cadavres. Fermons la parenthèse.
Le journaliste en général et l’interviewer en particulier doit être incisif sans s’ériger en « procureur ». Le journaliste doit privilégier l’intérêt général en lieu et place des intérêts particuliers.
Que conclure? L’agressivité ne paie pas! Rapporter les faits et les opinions – pour faire triompher la vérité – est et reste la première mission du journaliste. La courtoisie et la fermeté ne constituent nullement un signe de faiblesse. Bien au contraire.
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Baudouin Amba Wetshi