A Kinshasa, le Premier ministre Augustin Matata Ponyo a créé l’événement le jeudi 3 septembre. Reçu à la Cour constitutionnelle – suite aux « inquiétudes » exprimées par la Commission électorale nationale indépendante sur le retard qu’accuse l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces issues du démembrement -, Augustin Matata Ponyo a articulé le plus sérieusement du monde ces mots: « Nous n’avons pas d’argent pour organiser ces élections et installer les nouvelles provinces ». Le « Premier » est resté muet sur le coût de ce scrutin. Un million de dollars? Deux millions? Trois millions?
Qui pourrait croire un seul instant que cette oligarchie qui multiple des dépenses somptuaires aurait du mal à trouver de l’argent lorsqu’il s’agit d’installer les institutions des nouvelles provinces? N’a-t-on pas vu, il y a une semaine, le ministre des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, procéder à la pose de la première pierre d’un nouvel immeuble de l’Exécutif sur le site dit « Tembe na Tembe »? Qui a oublié le banquet somptueux offert à 2.000 invités le 31 juillet dernier par la « première dame » à l’occasion de la célébration de son 40ème anniversaire?
Augustin Matata n’a pas dit la vérité. En réalité, l’Etat congolais dispose des moyens financiers conséquents pour faire face à ce genre de frais. Le problème? Les intérêts de « Joseph Kabila » ont préséance sur l’intérêt général. Premier ministre de pacotille, plus soucieux de garder son poste que de servir la collectivité, Matata s’incline.
Il règne une atmosphère de sauve-qui-peut au sein de la « majorité présidentielle » en général et du PPRD en particulier. En cause, l’imminence de la fin du second et dernier mandat de l’actuel locataire du palais de la nation provoque une désertion en masse de la mouvance kabiliste. Le label « indépendant » est préféré aux étiquettes « MP » et autre « PPRD » par la grande majorité des prétendants aux postes de gouverneurs et vice-gouverneurs. Personne n’ose plus s’enorgueillir de son appartenance à la mouvance kabiliste. Il semble que la corruption a perdu son charme d’antan.
Voilà pourquoi l’élection des premiers magistrats provinciaux et leurs adjoints a été reportée sine die. Le scrutin annoncé au 31 juillet dernier a été reporté au 6 octobre 2015. En attendant, les opérations de dépôt de candidatures sont toujours « en cours ». On ne se bouscule pas au portillon.
Calculateur, jamais à cours d’idée, « Joseph Kabila » aurait demandé à la Cour constitutionnelle d’interpréter la fameuse loi de programmation relative à l’installation de nouvelles provinces. Il s’agit, pour les juges de cette haute juridiction, de trouver une astuce juridique lui permettant de nommer ces autorités régionales. Une occasion que le locataire du palais de la nation entend mettre à profit pour attribuer les 21 nouvelles provinces aux personnalités estampillées « kabiliste bon teint ».
On espère que les neuf juges à la Cour constitutionnelle refuseront d’exécuter un ordre manifestement illégal. Un ordre qui viole le deuxième alinéa de l’article 198 de la Constitution lequel stipule: « Le gouverneur et le vice-gouverneur sont élus pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois par les députés provinciaux au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale. Ils sont investis par ordonnance du Président de la République ».
Les subterfuges et artifices que déploie « Joseph Kabila » présentent quelques similitudes avec ceux d’« Iznogoud », ce personnage des bandes dessinées campé par un grand vizir à Bagdad. Celui-ci voulait devenir calife à la place du calife. Maladroit, l’ambitieux ratait tous ses coups.
C’est un secret de Polichinelle de relever que « Joseph Kabila » tente désespérément de conserver le pouvoir d’Etat au-delà du 19 décembre 2016. Au grand dam de la grande majorité de la population congolaise en quête d’alternance.
Après avoir ignoré les élections locales en 2006 et en 2011, le « raïs » est devenu un « défenseur zélé » de la démocratie locale. Après avoir tout essayé – recensement de la population, calendrier électoral commençant par les élections locales, municipales et urbaines -, l’homme a sorti, en mars dernier, le « grand jeu »: la mise en place des provinces issues du démembrement des anciennes régions de Bandundu, de l’Equateur, du Kasaï Occidental, du Kasaï Oriental, du Katanga et de la Province Orientale. Une opération qui devait être amorcée trois années après la promulgation de la Constitution soit en 2009.
En annonçant le jeudi 3 septembre que le trésor public n’est en mesure de financer l’élection des gouverneurs et de leurs adjoints, le Premier ministre Matata confirme ce que l’on savait déjà. A savoir que le Congo-Kinshasa est dirigé par des inciviques. « Joseph Kabila », Matata Ponyo et le ministre de l’Intérieur Evariste Boshab font ainsi l’éloge de l’incurie et de la mauvaise foi. Personne n’avait obligé ce trio d’incompétents à improviser l’installation des nouvelles collectivités publiques. Sous d’autres cieux, ils devraient en tirer toutes les conséquences. Nul n’est entendu invoquant ses propres turpitudes…
Baudouin Amba Wetshi