Plus que 23 jours calendrier pour que les citoyens congolais aillent aux urnes afin de choisir leur nouveau Président de la République parmi les 21 prétendants. Cette élection majeure est couplée aux législatives ainsi qu’aux provinciales.
Les Congolais iront voter avec deux années de retard. Un retard provoqué sciemment par un homme – « Joseph Kabila » – et sa fratrie qui considèrent le Congo-Kinshasa comme un « butin de guerre ». Et ce sous le fallacieux prétexte que ceux qui avaient pris les armes, sous la bannière de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) pour combattre le maréchal Mobutu, « avaient pris des risques pour leurs vies ».
« Un empire fondé par les armes a besoin de se soutenir par les armes », disait Montesquieu. Une question vient aussitôt à l’esprit: le « choix réel » des électeurs aura-t-il « le pouvoir du dernier mot »? Poser cette question c’est y répondre.
Les Congolais ont gardé un arrière-goût amère de la présidentielle autant que des législatives organisées en 2006 et 2011. En cause, une centrale électorale partiale, acquise à la cause du chef de l’Etat en exercice. Sans omettre, une « communauté internationale » interventionniste. Les mauvaises habitudes ont la peau dure.
S’il est vrai, qu’en 2018, « Joseph Kabila » n’est pas candidat à sa propre succession, il n’en demeure pas moins vrai qu’il reste plus que jamais présent à travers son « dauphin » Emmanuel Ramazani Shadary qui est chouchouté par la puissance publique. « Notre famille n’est pas prête à céder le pouvoir à n’importe qui », avait prévenu Zoé « Kabila » au magazine « Jeune Afrique » en septembre 2016. On peut convenir que les propos de » Monsieur frère » ne valent nullement parole d’évangile. Il reste que les rapports de force sont, pour le moment, loin d’être équilibrés.
Plusieurs compétiteurs à la présidentielle se plaignent déjà de « l’inégalité des chances » entre eux et le « dauphin ». Des manœuvres sordides et autres tracasseries administratives ne se comptent plus. Tel postulant peine à obtenir les autorisations nécessaires pour faire venir l’aéronef affrété pour la campagne. Tel autre ne peut pas bénéficier de dispositif de sécurité. Tel autre enfin se plaint d’avoir reçu les 25 policiers chargés d’assurer la sécurité des candidats. Problème, il doit non seulement fournir le « couvert » à ces derniers et assurer leur mobilité.
Décidé à faire « gagner » son poulain, « Kabila » ne lésine pas sur les moyens de l’Etat. Il a mobilisé des lobbyistes afin d’obtenir la levée des « mesures restrictives » prises par l’Union européenne (UE) à l’encontre surtout de Ramazani.
Dans une déclaration faite vendredi 30 novembre, le ministre congolais des Affaires étrangères, She Léonard Okitundu, a enfoncé le clou en demandant une « ultime fois » aux autorités diplomatiques européennes de lever ces sanctions particulièrement en ce qui concerne le « dauphin ».
A l’appui de sa thèse, « She » n’invoque nullement la disparition des raisons ayant motivé les mesures querellées lesquelles remontent au 29 mai 2017. Sans rire, le chef de la diplomatie congolaise considère que l’annulation de cette punition aurait pour effet de rétablir « l’égalité » – vous suivez? – entre les candidats à la présidentielle du 23 décembre. Tiens! Tiens! Inégalité des chances à l’intérieur, égalité des chances à l’extérieur.
Dans son communiqué daté du 19 novembre 2018, le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA a annoncé que l’organisation continentale a été autorisée à « dépêcher une mission électorale » pour « observer » les opérations électorales. Question: Quelles sont les garanties que l’UA a pu offrir du pouvoir kabiliste?
A quelques 23 jours du vote, « Kabila » refuse d’autoriser l’accréditation des observateurs électoraux occidentaux. On imagine que ceux-ci seraient plus vigilants et intraitables que ceux de l’UA.
Dans le même communiqué, le Conseil demande à l’UE la levée des sanctions précitées. Cette structure de l’Union africaine n’exhorte nullement « Kabila » et les siens à balayer devant leur porte en appliquant les mesures de décrispation contenues notamment à l’Accord dit de la Saint Sylvestre. Il s’agit de mettre fin aux arrestations arbitraires et de relâcher les personnes détenues de manière tout aussi arbitraire.
Coïncidence ou pas, le commissaire de l’UA chargé de la Paix et sécurité n’est autre que Smaïl Chergui, une « vieille connaissance » à « Joseph Kabila ». Sous la présidence de Nkosazana Dlamini Zuma, ce concitoyen du président Abdelaziz Bouteflika portait le titre de conseiller chargé du même secteur. C’est lui qui avait la charge de négocier la venue d’Edem Kodjo, alors membre du comité des « sages » de l’UA, pour piloter le dialogue dit de la Cité de l’Union africaine.
L’UA dont la grande majorité des Etats membres est dirigée par des autocrates n’a cure des valeurs démocratiques. Le respect des droits humains, mêmement. L’UA est, en réalité, l’alliée des régimes tyranniques africains. Quelle intégrité peut-on attendre du Tchadien Moussa Faki Mahamat, le président en exercice de la commission de l’UA? On pourrait poser la même question en ce qui concerne l’Algérien Smaïl Chergui ou le Nigérien Abdou Barry qui représente l’UA à Kinshasa. Question finale: Que pourrait-on attendre de l’UA pendant que sa présidence tournante est assurée par un certain Paul Kagame qui ne verrait pas d’un mauvais oeil que le « commandant Hippolyte » soit remplacé par un autre homme-lige?
On devine aisément le motif ayant poussé « Kabila » à ouvrir grandement la porte aux « observateurs africains ». A partir de ce samedi 1er décembre, la Côte d’Ivoire va assumer la présidence mensuelle du Conseil de sécurité des Nations Unies. Osons espérer que les Ivoiriens feront preuve d’intransigeance sur les principes. A contrario, il faudra désespérer de ce continent…
Baudouin Amba Wetshi