« Akozonga, Kabila akozonga eh na ebonga na ye akozonga … ». Traduction littérale: « Il reviendra, Kabila va revenir pour occuper son fauteuil, il reviendra… ». Depuis quelques jours, une vidéo circule sur les réseaux sociaux. On y voit des « partisans » de l’ex-président « Joseph Kabila » entonner, sans conviction, un chant religieux bien connu dans les milieux des pentecôtistes congolais. Seule différence, le nom de Jésus-Christ est remplacé, ici, par celui de « Kabila ». Un blasphème!
C’est bien cette catégorie de citoyens congolais, habituée à jouer « le corbeau et le renard », qui fait miroiter au prédécesseur de Felix Tshisekedi une illusion de popularité.
Mardi 8 septembre, intervenant sur les ondes de la radio onusienne Okapi, le sénateur Fcc/Pprd Alphonse Ngoy Kasanji a créé un « événement » en suggérant l’élection du Président de la République au « suffrage indirect ». En clair, les citoyens éliront les députés nationaux. Ceux-ci auront, à leur tour, à choisir le premier magistrat du pays. Motif invoqué: minimiser le coût des opérations électorales. Du déjà entendu.
Kasanji a été « recadré » mollement par Néhémie Mwilanya Wilondja. Le coordonnateur de la mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo » (Fcc) a bredouillé « qu’aucune option n’a été levée » dans ce sens. Faudrait-il en rire ou en pleurer?
En fait, fort de sa « majorité », « Kabila » est convaincu qu’il peut faire réviser la Constitution en faisant sauter les « verrous constitutionnels » qui l’empêchent de redevenir calife à la place du calife.
Ceux qui connaissent cet homme et son « système » ont compris que Kasanji était un éclaireur chargé de lancer un « ballon d’essai ». L’ex-Président et les apparatchiks de sa mouvance voulaient sonder « l’humeur du moment » de l’opinion. Le rejet a été unanime.
Il faut refuser de regarder pour ne pas voir que les Congolais ont encore frais en mémoire le « festival de corruption » ayant prévalu lors des toutes dernières élections tant des sénateurs que des gouverneurs de province… au second degré. « Chat échaudé, craint l’eau froide », dit l’adage.
L’apparition mardi 15 septembre de « Kabila » au Sénat – à l’occasion de la rentrée parlementaire -, n’a guère surpris. L’ex-Président qui arborait à cette occasion l’écharpe sénatoriale est venu prêter main forte à ses troupes démotivées. L’homme s’ennuie ferme (sans jeu de mots) dans sa ferme de Kingakati. Le pouvoir lui manque à l’image d’un toxicomane soumis à une cure de désintoxication.
Ceux qui ont côtoyé récemment « l’autorité morale » du Fcc/Pprd assurent que celui-ci est amer. Et qu’il lui arrive de regretter, en termes à peine voilés, d’avoir manqué de « discernement » en « cédant » le pouvoir à Felix Tshisekedi Tshilombo. « Kabila » aurait une rancune tenace à l’égard de la « communauté internationale ».
Dans son allocution inaugurale de la rentrée parlementaire mardi, le président du Sénat, le Fcc/Pprd Alexis Thambwe Mwamba, n’a pas manqué de relayer la rancœur de son mentor en exhortant le gouvernement du Premier ministre Ilunga Ilunkamba à « rappeler » aux diplomates en poste à Kinshasa de s’abstenir de toute ingérence dans les « affaires intérieures » de l’Etat d’accueil.
Jouant à fond le rôle de « la voix de son maître », Thambwe a dit implicitement tout le mal que « Kabila » pense des enquêtes menées actuellement par l’IGF (Inspection des Finances). Les oreilles de l’ambassadeur américain Mike Hammer ont sans doute sifflé dans la mesure où son ombre apparaissait en filigrane. Ce n’est pas la première fois que ce diplomate soit suspecté de murmurer à l’oreille de « Fatshi ».
Sans vouloir faire l’éloge de la dépendance et des ingérences extérieures, force est de constater que le président du Sénat fait preuve d’hypocrisie. Il feint d’ignorer le rôle crucial joué par les pressions extérieures pour contraindre « Kabila » à mettre fin à la répression des manifestations pacifiques au cours desquelles ses « concitoyens » lui demandaient ni plus ni moins que le respect la Constitution. Le respect des échéances électorales.
Que conclure sinon que le successeur de Mzee a une très haute idée de lui-même. Il se croit un homme providentiel investi d’une « mission ». Celle de régenter le Congo-Kinshasa ad vitam aeternam. Aussi est-il décidé à « résister » à la volonté coulée dans le marbre par les législateurs de 2005. A savoir que « le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois ». Les législateurs voulaient contrer toute tentative de « dérive dictatoriale » autant que la « Présidence à vie ».
En dix-huit années d’exercice du pouvoir d’Etat, « Kabila » s’est révélé un « despote non-éclairé » n’ayant aucun projet ni grand dessein pour le Congo-Kinshasa. Les « Cinq chantiers du chef de l’Etat » et la « Révolution de la modernité » n’étaient que de l’enfumage.
L’ex-chef de l’Etat – qui a une conception patrimoniale du pouvoir – a tort d’éluder la détestation de la grande majorité de Congolais. Des Congolais qui l’ont vu arriver, fin 1996, avec pour toute richesse, une paire de bottes en caoutchouc…
Baudouin Amba Wetshi