« Le ministre est responsable de son département. Il applique le programme gouvernemental dans son ministère, sous la direction et la coordination du Premier ministre ». Tel est l’énoncé de l’article 93 de la Constitution congolaise. Le gouvernement, seul, est responsable devant l’Assemblée nationale (article 91).
Dans une dépêche datée du samedi 15 avril, l’agence congolaise de presse rapporte que « Joseph Kabila » a « instruit » le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, d’ordonner aux parquets et auditorats compétents d’ouvrir des informations judiciaires « afin que la justice soit rendue » aux victimes des atrocités « créées » par la milice Kamuina Nsapu au Kasaï.
Revêtu de la signature de Néhémie Mwilanya, le directeur de cabinet à la Présidence de la République, le texte indique, par ailleurs, que le même ministre a été invité à « diligenter les enquêtes en cours » afin que la justice « soit rendue dans les meilleurs délais » dans le Kasaï « où les miliciens opérant sous le label ‘Kamuina Nsapu’ sèment la terreur, la désolation et la mort ».
Dans ce Congo-Kinshasa où la population est non seulement résignée mais aussi dénuée de la « culture d’indignation », « Joseph Kabila » exerce un pouvoir omnipotent. Un pouvoir sans limite ni contrôle. Le problème? Ce pouvoir n’a aucun fondement juridique.
Etrangement, les Congolais s’attardent rarement aux actes illégaux commis par le Président sortant. Et pourtant, l’homme est politiquement irresponsable. En dehors de la nomination des membres de son cabinet, les actes du chef de l’Etat ne peuvent être valides que moyennant le contreseing du Premier ministre ou du ministre compétent en la matière. Le chef de l’Etat congolais n’est pas tenu à l’obligation de rendre compte. L’« accountability » cher aux Anglo-Saxons.
En demandant au ministre de la Justice d’accélérer la procédure judiciaire tant au niveau de l’enquête que du jugement, « Kabila » est pris dans son propre jeu. Un jeu qui consiste à manipuler tant les juges que les procureurs au gré des intérêts de sa mouvance. Quel aveu!
Que l’on se comprenne bien. Le ministre de la Justice a le pouvoir de donner des « injonctions positives » aux magistrats du parquet. En revanche, il ne peut faire autant sur les juges.
En seize années d’exercice d’un pouvoir sans contrôle, « Joseph » a démontré son « allergie » pour le respect de la légalité. Bref, l’Etat de droit.
QU’EST CE QUE L’ETAT DE DROIT?
C’est un Etat où règne la primauté du droit. Il s’agit d’un Etat où les institutions politiques, administratives et judiciaires doivent se conformer aux règles prescrites par la Constitution, les traités internationaux, les lois et les règlements. Sans omettre la jurisprudence et la coutume.
Bien que politiquement irresponsable, « Joseph Kabila » pose impunément des actes politiques et de gestion.
En mai 2009, « Kabila » avait chargé son directeur de cabinet d’alors, Adolphe Lumanu, d’informer le Premier ministre de l’époque, Adolphe Muzito, qu’à l’avenir « tout ordonnancement des dépenses publiques devra, avant paiement, requérir » son autorisation. Au nom de quel principe?
Au lendemain du retour triomphal de Moïse Katumbi à Lubumbashi le 23 décembre 2014, le même « Kabila » avait fait « décapiter » les représentations provinciales des services publics (armée, police, services de renseignements, Douanes etc.). Les responsables locaux de ces administrations étaient suspectés d’être à la solde de l’ancien gouverneur du Katanga. Ces sanctions collectives n’ont pas été précédées par l’ouverture d’une action disciplinaire pour permettre aux intéressés de faire valoir leurs moyens de défense à titre individuel.
Plus récemment, le cabinet présidentiel a signé un contrat avec l’entreprise chinoise « AFEC » pour la construction de 1.080 kilomètres de route, à l’insu du gouvernement. Un cas qui est loin d’être sans précédent. Les factures des travaux réalisées par les firmes chinoises sont payées au niveau de la Présidence de la République.
Lors de la promulgation de la Constitution en vigueur, le 18 février 2006, « Kabila » avait été applaudi suite à une phrase d’une banalité affligeante: « Je vous annonce la fin de la recréation ».
D’aucuns avaient cru que le successeur de Mzee avait engagé le pari de revenir aux fondamentaux claironnés lors de la conquête du pouvoir par l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre). A savoir: promouvoir la démocratie et l’Etat de droit. Le constat est là: le locuteur ne faisait que frimer. Du « show off », disent les anglophones.
Servile et infantilisé, le juriste Thambwe Mwamba, à l’instar de ses pairs, est prêt à toutes les bassesses pour garder son poste…
Baudouin Amba Wetshi