Le 17 juin dernier, Antipas Mbusa Nyamwisi, un des six leaders de « Lamuka », écrit au Coordonnateur en exercice du Présidium de la Coalition « Lamuka », Moïse Katumbi Chapwe, pour l’aviser de sa décision de « suspendre » sa participation aux activités de cette coalition politique. Ancien élu de Beni-Butembo, « Antipas » ne veut plus rester au balcon pendant que l’épidémie à virus Ebola et l’insécurité sévissent dans son fief. Dans sa correspondance, il précisait que les autres membres du Présidium étaient informés de ses concertations avec le président Felix Tshisekedi Tshilombo « sur la possibilité d’apporter » sa contribution au Nord-Kivu mais aussi dans l’Ituri. Le 28 juin, Mbusa est arrivé à Butembo. Soixante-douze après, il a rejoint Beni. Membre de ce qu’on pourrait appeler la « garde rapprochée » de l’ancien ministre des Affaires étrangères, l’avocat bruxellois Jean-Claude Ndjakanyi Onokoma Shongo fournit quelques éclaircissements sur ce que d’aucuns interprètent, à tort ou à raison, comme un « virage politique ». INTERVIEW.
Quel rôle jouez-vous aux côtés d’Antipas Mbusa Nyamwisi? On vous a vu parfois le remplacer lors de certaines réunions de la Coalition…
Je ne suis qu’un collaborateur parmi tant d’autres. Je n’ai aucun rôle spécifique.
Dans la lettre adressée à Moïse Katumbi en sa qualité Coordonnateur de Lamuka, Antipas Mbusa parle de « suspension » de sa participation aux activités de la coalition « Lamuka » et non de « démission ». Devrait-on conclure que son retrait ne serait que temporaire?
C’est jusqu’à nouvel ordre!
Il n’a donc pas quitter la coalition…
Il avait acquis la conviction que sa décision de participer à la sensibilisation contre la maladie Ebola et l’insécurité n’allait pas rencontrer l’assentiment des autres membres du Présidium. C’est ainsi qu’il a décidé de suspendre sa participation aux activités.
Concrètement, comment M. Mbusa compte-t-il procéder? Va-t-il faire son entrée dans le prochain gouvernement ou assumer des responsabilités dans les « services »?
Il n’est point besoin d’être membre de l’exécutif national pour apporter sa « part » à la lutte contre l’épidémie à virus Ebola et l’insécurité. Comme je l’ai dit précédemment, son rôle va consister à la sensibilisation de la population. De même, il s’agit d’inviter, par des « appels », ceux qui sèment l’insécurité à déposer les armes. La voix de Mbusa est très écoutée dans cette partie du pays.
Que répondez-vous à ceux qui glosent que Mbusa a rejoint la coalition CACH-FCC?
Non! Il n’y a rien qui est indiqué dans ce sens dans le courrier adressé au Coordonnateur en exercice du Présidium de Lamuka. C’est une interprétation restrictive. On ne devient pas membre de CACH juste en quittant Lamuka.
Dans une interview accordée à Congo Indépendant en 2017, « Antipas » avait déclaré que lorsqu’il n’avait jamais remarqué la « ferme résolution » de l’ancien président « Joseph Kabila » pour éradiquer les groupes armés qui pullulent dans cette partie du pays. Pourra-t-il atteindre ces objectifs avec le « retour en force » de la mouvance de l’ancien chef de l’Etat?
Antipas Mbusa n’a pas la prétention d’éradiquer l’insécurité. Il voudrait, en tant que natif de ces contrées, participer à la lutte contre les deux fléaux précités. Il serait prétentieux de sa part de prétendre qu’il venait éradiquer l’insécurité et l’épidémie à virus Ebola. Première précision. Deuxième précision: le Président de la République actuel a la ferme volonté de lutter contre l’insécurité à l’Est du pays. Il est sincère et volontariste. Troisième et dernière précision: il faut savoir que Joseph Kabila n’est plus président de la République. Il dispose, certes, d’une majorité parlementaire mais ce n’est plus lui le Président de la République. La majorité parlementaire est une bonne chose pour lui, mais il y a quelqu’un qui est Président de la République. Je cite: Felix Tshisekedi. C’est bien celui-ci qui promulgue les lois. Aucune loi votée par le Parlement ne peut être exécutoire si le chef de l’Etat ne la promulgue pas. C’est lui qui prend des ordonnances. C’est lui, le commandant suprême de l’armée. A moins que l’on considère que l’armée actuelle est une milice. Ce qui n’est pas le cas. L’armée est un service public de l’Etat. La conjugaison de tous les efforts pourraient permettre de lutter progressivement contre les bandes armées. La situation antérieure n’est plus celle d’aujourd’hui.
Dans une autre interview accordée à notre journal en 2018, Antipas Mbusa pointait un doigt accusateur en direction du « général » Muhindo Akili, alias Mundos, au sujet des massacres dans le Territoire de Beni. Aux dernières, « Mundos » est toujours au Nord-Kivu…
C’est une situation qui fait désormais partie du passé. Nous vivons aujourd’hui une situation nouvelle. Il y a un nouveau chef de l’Etat. On assiste à des perspectives nouvelles. Je crois que tous les officiers sont aujourd’hui obligés de servir le pays avec loyauté. Si avant, ils avaient des hésitations sur leur statut qui est celui de fonctionnaire, aujourd’hui, il est clair que l’Etat doit reprendre tous ses droits.
Antipas Mbusa n’a-t-il pas des appréhensions pour sa sécurité après tant d’années d’exil?
Non! Si on devait avoir peur chaque fois qu’il s’agit de rentrer dans son pays, ce serait un vrai problème. A l’Est, des gens continuent à mourir. Ces qui meurent sont des citoyens congolais comme vous et moi. Rester indéfiniment à l’étranger par peur pour sa propre sécurité n’a aucun sens. Le Président de la République lui a donné la possibilité de revenir. Nous verrons bien ce que cela va donner…
L’ancien président « Kabila » et sa majorité parlementaire ne vont-ils pas constituer un « goulot d’étranglement » pour le nouveau chef de l’Etat?
Non! Je ne crois pas. Je vous renvoie à la Constitution. Vous avez beau être majoritaire au Parlement, en définitive le pouvoir législatif ne peut opérer sans le Président de la République. C’est le chef de l’Etat qui nomme le chef de l’armée et les animateurs de grands corps de l’Etat. Il nomme aussi trois juges sur les neuf que compte la Cour constitutionnelle. Notre pays n’est pas régi par un régime totalement parlementaire. Le Président de la République n’est pas responsable devant l’Assemblée nationale. Il est clair que le pouvoir va arrêter le pouvoir. Le Président dispose des prérogatives qui lui permettent de contrebalancer le pouvoir de la majorité parlementaire. Nous devons faire preuve de pédagogique à l’égard des membres du FCC. Sinon, on risque de détruire le pays inutilement. On ne peut faire de la pédagogie que si on entre en discussion avec eux. Ils doivent comprendre que le pays doit fonctionner normalement. Les gens n’ont que faire des querelles politiciennes. Ils veulent que leurs enfants aillent à l’école et qu’ils bénéficient de soins de santé de qualité. Les gens veulent la paix.
Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi