C’est un Félix Tshisekedi Tshilombo méconnaissable qui s’est adressé le à la nation dans la soirée de lundi 29 juin, à l’occasion de la commémoration du 60ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Congo-Kinshasa. Loin est désormais l’époque où le successeur de « Joseph Kabila » faisait implicitement l’éloge de l’impunité en clamant son désintérêt d’aller « fouiner dans le passé ». L’Etat de droit et une justice indépendance restent parmi ses priorités. La lutte contre l’impunité, mêmement. Rassembleur, déterminé, combatif, le chef de l’Etat congolais semble muri par les seize premiers mois passé à la tête de l’Etat. Tout en restant lucide, la tentation est forte d’affirmer que c’est un « Felix nouveau » qui s’est adressé lundi 29 juin 2020 à ses concitoyens. Un « Felix » affranchi des contraintes du « deal secret » passé avec son prédécesseur et « allié ».
30 juin 1960-30 juin 2020. Le Congo-Kinshasa commémore, mardi 30 juin 2020, le 60ème anniversaire de la proclamation de son indépendance. Qu’avons-nous fait de ces 60 années de « souveraineté »? C’est la question qui taraude les esprits de la grande majorité de la population congolaise. Une population qui constate chaque jour la régression continue sur le plan social, économique, politique et culturel.
COMBAT POUR L’INDÉPENDANCE
Aux premières heures de son accession à l’indépendance, le pays a connu une crise mémorable au sommet de l’Etat. Une crise qui a engendré la mutinerie de l’armée dite Force publique, la sécession au Katanga et au Kasaï et des rébellions au Kwilu et à l’Est.
Comme pour « exorciser » le pays de ces années tumultueuses, le président Felix Tshisekedi s’est empressé de « réconcilier » le président Joseph Kasa-Vubu et le Premier ministre Patrice Lumumba, deux hommes « aux tempéraments différents, mais tout aussi déterminés pour la cause de l’indépendance ». A partir de ce mardi 29 juin 2020, Kasa-Vubu fait partie du petit cercle des héros nationaux Congolais au même titre que Lumumba.
Dans son allocution, le chef de l’Etat s’est souvenu qu’en 1960, les Congolais ont pris la relève de l’ex-colonisateur sans une « préparation adéquate ». Pour lui, « ce départ raté » a conduit le pays « dans une descente aux enfers ». Fort heureusement, cette adversité n’a pas brisé la volonté collective « de vivre ensemble » en tant que nation.
COMBAT POUR LA DÉMOCRATIE
Après cette introduction sur le « combat pour l’indépendance », il a jeté un regard rétrospectif et critique sur le « combat pour la démocratie » qui s’en est suivi à partir des années 80 lorsque treize parlementaires ont adressé au président Mobutu Sese Seko la très célèbre « Lettre des 13 ». C’est au cours de l’année 1982 que verra le jour l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le tout premier parti d’opposition. Et ce en pleine guerre froide.
L’orateur n’a pas mâché ses mots en rappelant les sacrifices endurés par les militants pro-démocratie non seulement durant la IIème République mais aussi sous les régimes de LD Kabila et de « Joseph Kabila ». « Je pense à l’ensemble de nos forces vives et en particulier tous les combattants et martyrs de la démocratie, qui dans la suite d’Etienne Tshisekedi d’heureuse mémoire, ont affronté les répressions les plus sanglantes, les plus barbares, depuis les temps forts de la guerre froide jusqu’à la veille des élections de décembre 2018 », assène-t-il sans trembler. Et de poursuivre: « Je pense à nos filles et à nos fils lâchement abattus dans les villes et de nos villages, jusqu’à l’intérieur des églises ainsi profanées ». Les oreilles de « Kabila » n’ont pas manqué de siffler.
Pour « Felix », c’est bien l’héroïsme de ces martyrs qui a permis au peuple congolais « de franchir une étape importante » dans la marche « vers l’instauration d’une nation respectueuse de la personne humaine et du caractère sacré de la vie ».
« FATSHI » ARRACHE SON « ÉMANCIPATION »
Et de constater non sans un certain regret que soixante années après l’indépendance, « le devenir de la nation est toujours entre les mains d’une classe politique, toutes tendances confondues, qui demeure versatile, et qui peine à arracher la Nation du cercle vicieux de l’instabilité et de la pauvreté ».
Après avoir décrit le mouvement de régression généralisée du pays et les tueries qui continuent à l’Est, le président Tshisekedi de marteler que « l’établissement d’un Etat de droit est en marche » au pays. « Le citoyen congolais a retrouvé la pleine jouissance de ses libertés fondamentales: de manifester, de résider dans son pays, de ne pas être arrêté pour des raisons politiques », souligne-t-il.
Pour lui, la justice congolaise « recouvre peu à peu son indépendance ». Il entend barrer la route à toute tentative destinée à annihiler les avancées engrangées « par des manœuvres d’arrière-garde qui s’observent chez certains de vouloir légiférer pour déposséder le Conseil supérieur de la magistrature du pouvoir judiciaire qu’il détient pourtant par la Constitution ».
Une allusion claire aux trois propositions de lois initiées par les députés Aubin Minaku et Garry Sakata en vue de « réformer » la justice. Pour Fatshi, on ne peut, sous prétexte de « réformer la justice », initier des textes législatifs destinés à assurer la protection d’une personne ou d’un groupe de personnes. Des propos qui ne sont pas sans rappeler le message diffusé en juillet 2017 pat les évêques catholiques selon lequel une minorité de concitoyens a pris les 80 millions de Congolais en otage.
LE « NOUVEAU FELIX » EST ARRIVÉ!
Le chef de l’Etat d’affirmer haut et fort qu’il prend l’engagement de ne jamais accepter des « réformes judiciaires » qui « par leur nature et contenu, viendraient à porter atteinte à des principes fondamentaux régissant la justice tels que prévus » dans la Constitution.
Soufflant le chaud et le froid, « Felix » de rappeler sa volonté « de privilégier la réconciliation nationale » sans toutefois trahir son engagement dans la lutte contre l’impunité.
Pour lui, l’heure a sonné pour la réduction du train de vie des pouvoirs publics en procédant « à des économies partout où nous pouvons réaliser ». Il a appelé le gouvernement « à engager des réformes sur l’ensemble de la chaîne de la dépense, afin que nos ressources publiques soient désormais mieux préservée et mieux utilisées ».
Felix Tshisekedi a, par ailleurs, relevé avec une pointe de regret la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur en matière sanitaire. Une dépendance qui s’est illustrée, selon lui, lors du déclenchement de la pandémie du Coronavirus.
Sur le plan diplomatique, Fatshi est resté cohérent en rappelant qu’il considère le Royaume de Belgique comme son « autre Congo ». Il a rendu un hommage appuyé au pays du Roi Philippe où lui et des membres de sa famille ont longtemps vécu en exil. Pour lui, les deux pays doivent « renforcer » leurs liens « sans renier le passé commun ».
A maintes reprises, « Fatshi » a semblé prévenir ses alliés du Front commun pour le Congo (FCC) de ne pas abuser de leur position dominante. Pour lui, le fait de disposer d’une « majorité politique ou parlementaire » ne donne nullement le droit de méconnaître « les principes fondamentaux de la République » contenus dans la Constitution. Comme pour rassurer ses partenaires du FCC, il leur tend la main en affirmant qu’il ne ménagera « aucun effort » pour s’assurer « via un dialogue interinstitutionnel régulier, qu’aucune crise inutile ne puisse perturber la stabilité du pays (…)« .
Le « nouveau Felix » est-il arrivé? L’avenir le dira. Lundi 29 juin, c’est un Felix décidé à arracher son « émancipation » qui s’est adressé à la nation. D’aucuns croient mordicus que l’homme ne tendra plus la joue gauche après avoir été frappé sur la joue droite…
B.A.W.