(Témoignage de Bondo Nsama)
Il est 9h00 ce 9 avril 1997 quand mon téléphone sonne. Quand je décroche, au bout du fil, le président Mobutu qui m’invite à le rejoindre de toute urgence au Camp Tshatshi. A 11h00, je me retrouve effectivement face au Maréchal Président. Pour une fois, je trouve le Grand Léopard les yeux couverts de larmes. Le maréchal Mobutu pleure. Immédiatement, je me pose des questions sur cette situation inhabituelle. Qu’est-ce qui peut conduire le maréchal Mobutu à cet état, lui qui passait pour « Maître » de courage aux yeux de tous? En tout cas, je sais que jusque-là le Président de la République a toujours su résister à des situations difficiles. D’ailleurs jusque-là, son parcours est auréolé des hauts faits d’armes, de victoires sur tous les fronts essentiels.
Alors que je baisse la tête, me perdant dans une interrogation infinie, le Maréchal Président me fixe sur la raison de son énorme anxiété: la chute de Kisangani intervenue le 15 mars 1997!
S’agit-il de l’effet d’une trahison ou d’une erreur tactique? Les interrogations fourmillent dans l’esprit du président Mobutu pour qui la chute de Kisangani ouvre un boulevard vers la fin de son règne. En vrai analyste de questions politiques, militaires, diplomatiques, le Maréchal Président sait établir le lien entre la détérioration de son état de santé et la rébellion qui progresse sur le territoire sous son règne. Il comprend que la facilité avec laquelle progresse la rébellion est l’effet d’une conspiration quelque part, d’une trahison.
Malgré cela, le Président refuse de capituler aussi facilement que ça. Pragmatique, le maréchal Mobutu plonge la main dans son tiroir. Il en sort un papier qu’il me tend. Une liste comprenant 12 noms de généraux parmi lesquels il voudrait choisir le Premier ministre, le contexte de guerre imposant. Puisque nous étions habitués à échanger en Lingala, le Maréchal me demande: « Bondo, na ba kombo wana nyoso, nani omoni akoki kozala Premier ministre? = Bondo, parmi ces noms-là, qui, pense-tu peut être nommé Premier ministre? »
Après avoir parcouru les 12 noms, mon choix porte sur le Général Norbert Likulia Bolongo. « Pour moi, lui expliquai-je, en plus d’être juriste, soldat, professeur d’université, le général Likulia est également spécialiste des renseignements. En acquiesçant de la tête, le Président dit: « Vous êtes toujours sur la même longueur d’onde que moi! Vas écrire dans ton journal SALONGO: Likulia, Premier ministre! ». Immédiatement, il téléphone son directeur de cabinet, Félix Vundwawe te Pemako, afin de lui apporter un projet d’ordonnance sans numéro!
Sur ces entrefaites, je quitte le maréchal Mobutu pour m’occuper de mont travail. Le même soir, l’Ordonnance est signée portant le général Likulia à la tête du gouvernement, dont l’équipe sera rendue publique le 11 avril 1997.
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Bondo Nsama/Journal Salongo