L’ex-parti présidentiel, le « PPRD » (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie), se trouve depuis samedi 8 août en séminaire à Kinshasa/Funa. Thème: « La communication politique au sein d’une formation politique ».
A plus ou moins trois années de la fin de la législature en cours, les « kabilistes » piaffent d’impatience. Aussi, affûtent-ils déjà leurs armes. Le premier pas de ce « long voyage » a commencé sous la forme d’un séminaire de formation de « communicateurs de masse ». Va-t-on assister à l’émergence d’une version péperdienne des « parlementaires débout » vulgarisés par l’Union pour la démocratie et le progrès social?
Trente militants venus des vingt-quatre communes de la capitale participent actuellement à ce colloque. Dix orateurs, sans doute triés sur le volet, sont chargés d’animer des thèmes spécifiques non révélés au grand public. Après Kinshasa, d’autres réunions de ce genre sont prévues dans les vingt-cinq autres provinces du pays.
Dans un tweet qu’il a posté le même samedi 8 sur son compte Twitter @kikayabinkarubi, l’ancien conseiller diplomatique de l’ex-président « Kabila » a écrit ces mots: « Week-end politique à la Funa, séminaire de formation des communicateurs de masse du parti pour une remontada certaine. Reconquérir le pouvoir et le conserver le plus longtemps possible, à la demande populaire. 2023 ne sera qu’une formalité. Deux ans de navigation à vue, ça suffit ». Kikaya devrait sonder « l’humeur du moment » de la population.
Le PPRD n’est pas une nouvelle formation politique. Elle n’est pas en quête de notoriété et d’adhésion populaire. Il s’agit d’une formation politique qui a été aux « affaires » de janvier 2001 à janvier 2019. Elle doit gommer les aspérités qui lui collent sur la peau. Et ce en dépit du fait qu’elle n’avait pas gouverné seul. Il reste que son « initiateur » était la « clé de voûte » des régimes successifs.
Une question turlupine les esprits: Quel est le « nouveau rêve » que ce parti kabiliste voudrait proposer aux Congolais après dix-huit années d’exercice d’un pouvoir où le despotisme cohabitait allègrement avec les inégalités sociales, l’arbitraire, la corruption et l’impunité.
Ce n’est pas la première fois que le PPRD organise ce genre de manifestation. Nommé secrétaire général du PPRD au mois de mai 2015, Henri Mova Sakanyi avait cru réinventer la roue en organisant un « déjeuner de presse » dans un hôtel kinois. Objectif: « rebooster le parti ». Trois mois après, une autre rencontre du genre se tiendra à la Fikin.
A l’issue de trois jours de « formation », les participants, baptisés « Génération Kabila », ont publié une déclaration mettant en garde « tous les ennemis de la République, tous ceux qui combattent la paix, la stabilité et la cohésion nationale, obtenues au prix fort ».
Par « ennemis de la République », les bonzes du PPRD désignaient les opposants. Et par extension, tous ceux exigeaient la tenue des élections dans le respect des délais constitutionnels étant donné que le second mandat du président de la République expirait le 19 décembre 2016. La suite est connue: répression de plusieurs manifestations pacifiques. On peut citer: le 15 septembre 2015 à la Place Ste Thérèse, les 19 et 20 septembre 2016, 31 décembre 2017, 21 janvier et 25 février 2018 dans la capitale. Le sang de Thérèse Kapangala, de Rossy Mukendi et tant d’autres continue à crier justice au ciel.
Impopulaire, le PPRD n’a aucune idéologie. Tout le reste n’est que slogans creux. C’est un parti fasciste qui n’a qu’un seul but: conquérir le pouvoir pour les avantages et les privilèges qui s’y rattachent. Peu importe par la ruse ou la violence.
En dehors du « pouvoir pour le pouvoir », le PPRD qui se réclame de la social-démocratie ne croit en aucune valeur. Lors du mini-congrès tenu le 14 avril 2014 à Mbandaka, Evariste Boshab, alors secrétaire général de ce parti, n’avait pas manqué de le rappeler: « Notre ambition politique est de conserver le pouvoir ». Pour quoi faire? Est-ce juste pour partager des maroquins?
« L’action est meilleure de communication », disait Napoléon. Quelles sont les réalisations que les « communicateurs de masse » en formation pourraient mettre à l’actif du PPRD? La réponse tient en un mot: rien! Ces derniers vont, comme à l’accoutumée, se répandre dans les médias à travers le pays juste pour « faire du bruit ». Bref, parasiter le vrai débat.
« Joseph Kabila » a accédé à la tête de l’Etat congolais le 26 janvier 2001 soit trois mois après le lancement des « Objectifs du Millénaire de Développement » (OMD) par l’Assemblée générale des Nations Unies. Réduire l’extrême pauvreté et la faim, assurer l’éducation primaire universelle, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le VIH/Sida, le paludisme et d’autres maladies font notamment partie de ces objectifs.
Attardons-nous uniquement sur « l’éducation primaire universelle ». En 2016, le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) a publié un communiqué selon lequel, le Congo-Kinshasa compte dix-huit millions d’adultes qui ne savent ni lire ni écrire.
Qu’en est-il des programmes lancés par « Kabila » en l’occurrence les « Cinq chantiers du chef de l’Etat » (novembre 2006) et la « Révolution de la modernité »?
Ce triple échec n’a pas empêché les zélateurs du « Kabilisme » de prétendre que leur « champion » a mis le pays sur le chemin de « l’émergence ». Une émergence sans industrialisation. Inutile de parler du Produit intérieur brut et de l’Indice de développement humain. L’eau, l’électricité, l’éducation, la santé, l’emploi et le logement sont restés hors de portée. Pour les kabilistes, « Joseph Kabila » a « ressuscité » et « réunifié » le pays; il a restauré l’autorité de l’Etat et la sécurité. Il a organisé trois scrutins électoraux.
Les « communicateurs de masse » du PPRD ne tarderont pas à réaliser sur le terrain que la « communication » ne consiste pas à « blablater ». La communication, la vraie, a pour but de faire savoir « ce que l’on a réalisé ». Bien faire et le faire savoir.
Vivement une cure d’opposition pour le PPRD en 2023. Une telle « traversée de la savane » ne ferait guère de mal à ce parti dominant qui ne compte à lui seul que 116 députés sur 500.
Baudouin Amba Wetshi