Le Congo-Kinshasa fait face à une crise de l’Etat dans trois domaines: la sécurité, l’économie et la justice. Une véritable mafia – dont les parrains sont tapis à Kinshasa – étend ses tentacules sur ces trois secteurs. Au Nord-Est, des bandes armées continuent répandre la terreur et la mort. L’économie nationale est privatisée par un « clan ». La justice, elle, est gangrenée par la corruption. Ici, des magistrats autoproclamés « intouchables » font régner leur loi. Ils « vendent » des décisions judiciaires. Ils sont protégés par des « mandarins » du FCC/PPRD. Deux noms sont cités: Célestin Tunda ya Kasende (ministre de la Justice) et Néhémie Mwilanya W’ilondja (ancien directeur de cabinet de « Joseph Kabila »).
Dans un régime républicain, le renforcement de l’efficacité et de l’indépendance de l’appareil judiciaire constitue la « mère » de toutes les priorités. Il s’agit de confronter le discours sur l’Etat de droit et les actes. Nouveau procureur général (PG) près la Cour de cassation, Victor Mumba Mukomo, a pris l’engagement de secouer le cocotier sous lequel s’abrite ce qui convient d’appeler la « mafia judiciaire ». C’est l’objet de ce « papier ».
Selon des sources, le procureur général près la Cour de cassation a transmis au procureur général (PG) près la Cour d’appel du Haut-Katanga, « copie certifiée conforme » d’une plainte à charge du président du Tribunal de paix de Lubumbashi/Kamalondo. Il s’agit du juge Hardy Betukumesu Kabelu.
Que reproche-t-on à ce magistrat assis?
« MONNAYAGE » DES DÉCISIONS JUDICIAIRES
Des justiciables non-autrement identifiés ont dénoncé et articulé des graves accusations à l’encontre de ce juge. A savoir: corruption, « vente » des décisions judiciaires et tant d’autres abus dans cette juridiction qui ressort de la Cour d’appel du Haut-Katanga.
Le PG près la Cour cassation a instruit le PG près la Cour d’appel de Lubumbashi d’entendre le juge Hardy Betukumesu. Un dossier pénal a même été ouvert sous le n° RMP 2124/PG 025/ILM. Une convocation a été envoyée à ce magistrat qui devait être auditionné le vendredi 24 avril.
Comme cela arrive très souvent dans ce « Congo démocratique » assimilé, à tort, à un bien personnel d’un clan dit des « intouchables », le juge Betukumesu a purement et simplement ignoré « l’invitation » lui adressée. Est-ce par oubli? Assurément pas! Est-ce par peur de devoir « trahir » ses « mentors » en révélant des « magouilles judiciaires » dénoncées par des tiers?
Selon certaines indiscrétions, des « puissants du moment », non autrement identifiées, auraient ordonné au procureur général près la Cour d’appel du Haut-Katanga de renvoyer ce dossier en cause à Kinshasa. Tous ces conciliabules ont eu lieu à l’insu de l’initiateur de la démarche en l’occurrence le procureur général près la Cour de cassation. « Il faut refuser de regarder pour ne pas voir que ce sont des caciques du parti kabiliste, le PPRD qui sont aux manettes », commente un membre du barreau lushois joint au téléphone. Qui sont ces caciques? Pour toute réponse, notre interlocuteur pousse un rire nerveux. Inutile d’insister.
ENTRAVE AU COURS DE LA JUSTICE
Dans un précédent article publié le 20 avril, Congo Indépendant a fait état d’un mémorandum adressé au président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par l’organisation non gouvernementale « Justicia Asbl », basée à Lubumbashi.
Le premier président de la Cour d’appel y est accusé de « monnayer » les décisions de justice rendues par les tribunaux de son ressort. Paulin Ilunga Ntanda – c’est son nom – a trouvé dans cette pratique digne du « grand banditisme » le moyen de se faire du fric pour « graisser la patte » à des « parrains politiques » qui résideraient à Kinshasa. En contrepartie, ceux-ci lui garantissent la « protection » dans le pur style de la mafia.
Qui sont ces « parrains »? C’est la question que nous posions dans le précédent « papier ». Une certitude cependant: il s’agit des caciques du PPRD. Lesquels?
En procédant par élimination, on peut gager qu’il ne s’agit pas du président de la Cour constitutionnelle. Celui-ci est également président en exercice du Conseil supérieur de la magistrature. Benoit Lwamba Bindu a quelque peu redoré son blason en rappelant, récemment, à l’actuel ministre de la Justice le principe sacro-saint de la séparation des Pouvoirs. Ledit ministre voulait « visiter » les Cours et tribunaux et « échanger sur les affaires judiciaires en cours ».
On peut gager également qu’il ne s’agit pas non plus du conseiller en charge du secteur juridique à la Présidence de la République ou à la Primature. De qui s’agit-il finalement?
Selon des « experts » ès « système Kabila », il ne reste, dès lors, que deux personnalités étiquetées FCC/PPRD. Deux individus, réputés « interventionnistes », qui ont fait et défait des carrière dans le magistrature. Osons les citer. Il s’agit de l’actuel ministre de la Justice Célestin Tunda ya Kasende et de l’ancien directeur de cabinet de « Kabila », Néhémie Mwilanya Wilondja. « C’est dans cette direction que le PG Victor Mumba Mukomo devrait rechercher ceux qui ont engagé le redoutable pari d’entraver le cours de la justice », conclut un expert.
B.A.W.