Le Premier ministre congolais Sylvestre Ilunga Ilunkamba prend l’engagement de lutter contre la corruption et de faire poursuivre les personnes suspectées de détournements de l’argent public. Selon lui, « le mal est profond ». Un discours qui est loin d’être original. D’autres Premiers ministres disaient, à quelques mots près, la même chose. Sans poser des actes. Pourra-t-il matérialiser une telle ambition sans commencer par la restructuration de l’appareil judiciaire et de la force publique?
Trois mois après l’investiture de son gouvernement, « le Premier ministre congolais Sylvestre Ilunga Ilunkamba dirige l’exécutif national de main de maître selon le programme du chef de l’Etat ». C’est le président Felix Tshisekedi Tshilombo qui a fait cette déclaration lors de sa visite à Paris. On ne peut souhaiter meilleur compliment de la part d’un chef d’Etat à « son » Premier ministre. Notons que les deux hommes ne sont pas issus de la même famille politique.
Le « Premier » Ilunga s’est rendu, lundi 18 novembre, à l’Assemblée nationale où il a présenté le budget de l’Etat pour l’exercice 2020. Il a pris, à cette occasion, l’engagement de faire traduire en justice « tous ceux qui s’adonnent au détournement des deniers publics ». Du déjà entendu au sein d’une opinion congolaise blasée par les promesses non-tenues.
Sylvestre Ilunga se veut sérieux. « Pourquoi le coulage des recettes n’est toujours pas découragé dans notre pays? », s’est-il interrogé avant de promettre que « personne ne sera épargnée ». Pour la petite histoire, tous les organismes génératrices de recettes sont dirigés, pour l’instant, par des personnalités étiquetées Fcc/Pprd?
Le « Premier » osera-t-il toucher les « intouchables ». Aura-t-il les mains libres dans ce pays où le clientélisme politique le dispute avec une justice aux ordres?
Ilunga se dit décidé à lutter contre la corruption. Les « signes extérieurs de richesses » lui serviront de « Gps ». Selon lui, « le mal est profond ». Et rien ne pourra empêcher le gouvernement de faire diligenter des enquêtes « à partir des signes extérieurs d’enrichissement rapide et illicite ». Peu importe que l’on soit membre du gouvernement ou responsable d’un organisme public. L’opinion ne demande qu’à voir.
Lors de l’investiture de son gouvernement le 3 septembre dernier, Sylvestre Ilunga avait défini les « axes prioritaires » de son équipe. L’emploi, l’éducation, la santé, l’accès à l’eau et l’électricité venaient en tête.
REFORMER L’APPAREIL JUDICIAIRE
Force est de reconnaître qu’au cours de ces trois premiers mois, le tandem Tshisekedi-Ilunga semble évoluer sans « couacs » apparents. L’article 91 de la Constitution énonce que « le gouvernement conduit la politique de la nation ». Une politique élaborée, bien entendu, en concertation avec le Président de la République. Reste que c’est le gouvernement qui en assume la responsabilité devant la représentation nationale. Le chef de l’Etat est politiquement irresponsable.
En Afrique, il est rarement admis que le premier personnage de l’Etat ne soit pas le détenteur de la réalité du pouvoir. Osons espérer que « Felix » ne sera pas tenté, comme son prédécesseur, de mettre sur pied un « gouvernement parallèle » au niveau de son cabinet. La tentation semble irrépressible.
Le Premier ministre Ilunga a du pain sur la planche. La matérialisation de l’ambition qu’il a exprimée le 18 novembre appelle au préalable des réformes volontaristes au niveau de l’appareil judiciaire. Il s’agit d’améliorer les conditions de travail des magistrats tout en renforçant l’éthique et la discipline au sein de la magistrature.
Depuis bientôt 30 mois, la Haute cour militaire à Kananga donne une image pitoyable de la justice congolaise. Cette juridiction semble tenue en laisse par des « autorités supérieures ». Elle peine à faire éclater la vérité sur les circonstances exactes de l’assassinat des experts onusiens Zaida Catalan et Michaël Sharp. Les audiences de cette juridiction militaire n’ont plus rien à envier à un cirque.
Plus à raison qu’à tort, les observateurs ont acquis la conviction que ce qui se passe au chef-lieu du Kasaï Central n’est ni plus ni moins qu’une parodie de procès.
La réforme de l’appareil judiciaire doit s’étendre à la force publique. A savoir: l’armée, la police et les services de renseignements civils et militaires.
C’est le lieu d’encourager les gouvernants congolais à communiquer en exerçant le « ministère de l’action ». Celui-ci consiste à annoncer uniquement les réalisations et non les projets à réaliser. Ici, la communication doit servir à expliquer les difficultés rencontrées.
Une certitude: l’opinion jugera le tandem Tshisekedi-Ilunga non pas sur la rhétorique mais bien sur leur capacité à transformer l’économie et la société congolaise par des réformes.
B.A.W.