On change une équipe qui perd. Le football moderne nous en donne l’exemple. L’obligation de résultat positif y est la seule religion : une succession de défaites entraîne inéluctablement la démission de l’entraîneur et le non renouvellement de contrats de plusieurs joueurs dont les performances auront été en dessous de la moyenne durant une saison sportive. Cette éthique de résultat n’est malheureusement pas cultivée en politique en RDC où l’on voit des individus – dont les traces de leurs prouesses gestionnaires sont inconnues, invisibles – être constamment dans la gestion du pays depuis des décennies. S’ils ne reçoivent pas un strapontin ministériel, on les retrouve, dans une sorte de jeu des chaises musicales, comme directeur général, président ou membre du conseil d’administration d’une entreprise publique. Pas étonnant quand, par la particratie qui régente le système politique, ce sont les mêmes « autorités morales », présidents de partis politiques, qui font nommer ou se font nommer. La rotation aux charges publiques reste ainsi intra-partis. Le premier mérite exigé aux aspirants à divers postes est la fidélité à ces derniers. La compétence venant en second comme critère de choix pour leur nomination.
Pourtant, c’est du savoir et du savoir-faire dont le pays a aujourd’hui grandement besoin, tout y allant mal, partout. Chacun le constate autour de lui, au quotidien. Le Congo est en régression dans quasi tous les domaines essentiels de la vie du pays. Les deux gouvernements qui se sont succédé sous l’ère Félix Tshisekedi auront perdu le contrôle de l’économie – l’inflation et l’état des routes en sont les tristes et visibles preuves – et la gestion de l’environnement sanitaire, particulièrement à Kinshasa. Ici, le boulevard du 30 juin en est le patent exemple, lui qui a été, de tous les temps, l’emblème de la beauté routière de la capitale, mais qui est devenu un long dépotoir d’immondices malodorantes. Impossible au président de la République, au Premier ministre et au gouverneur de la ville de le constater, de humer ces mauvaises senteurs, eux qui traversent toujours la ville en vitesse grand V, dans leurs 4×4 aux intérieurs climatisés et…parfumés, aux vitres remontées et teintées, oreilles et yeux collés à leurs portables. Ils n’ont donc pas à croiser les regards de leurs paumés concitoyens, ni de suffoquer aux températures caniculaires, effets du réchauffement climatique planétaire, ni ainsi de palper les réalités du pays.
La plupart des dirigeants du pays résident dans la commune de Gombe d’où ils ne sortent que rarement, sinon pour une importante et incontournable obligation, légale ou morale, à laquelle ils doivent répondre dans un autre quartier. Ils semblent ainsi ne pas connaître les réalités de ce que l’on appelait du temps de la colonisation « cité indigène ». Ils ne savent apparemment pas – sinon ils s’en préoccuperaient et se seraient activés à les arranger – que l’avenue Kabambare (qui relie les communes de Kinshasa et de Barumbu – voisines de Gombe -, partant du rond-point Huileries jusqu’à l’avenue Flambeau) n’est quasiment plus praticable. Que les avenues Kasaï, Croix-Rouge, Itaga, Kabinda, Nyangwe, Kalembelembe sont dans le même état de fort délabrement – les petites avenues secondaires aussi. Pareillement la majorité des rues et de principales artères des 24 communes de Kinshasa. La situation étant restée longtemps à l’état, les yeux et les nez des Kinois se sont accoutumés aux paysages laids de la capitale, à l’insalubrité, aux mauvaises odeurs.
À cet environnement pas attrayant s’ajoute l’insécurité qui « métastase », qui se généralise dans ce corps malade qu’est aujourd’hui le Congo. Incapable d’imposer l’autorité de l’État, le gouvernement – autrement dit Félix Tshisekedi – se résout à amadouer les chefs coutumiers, pourtant fauteurs de troubles à travers le pays, notamment au Mayi-Ndombe. Le pouvoir a ainsi étalé son impuissance à mettre au pas tous les délinquants, par la force de la loi.
La reprise en main de la totalité du territoire national et des institutions du pays – par une gestion rationnelle et efficiente de celles-ci – s’impose urgemment à Félix Tshisekedi. Il y va de la réussite de son second mandat, le premier n’ayant globalement pas donné des résultats significatifs. Ses différents programmes ont été une succession de fiascos, et le plus emblématique, celui dit de « Cent jours », une bérézina: sauts de mouton mal construits, maisons préfabriquées pour policiers et militaires introuvables, du moins inhabitées à ce jour, détournements – en millions de dollars – des fonds, etc. La précarité du quotidien des Congolais qui s’accentue et l’incapacité jusque-là de récupérer les parties du pays prises par les rebelles ont fini par assombrir le tableau des cinq premières années de « Fatshi ».
Le choix d’une femme comme Première ministre serait-il une volonté d’agir différemment, de donner un nouveau souffle à sa gouvernance? La composition du prochain gouvernement en donnera une indication. Félix Tshisekedi fera-t-il du neuf avec des « vieux » gestionnaires qui ont failli? Va-t-il reprendre les mêmes individus au nom de leur « popularité » personnelle, de leur mobilisation pour sa candidature en décembre dernier ou du nombre de députés qu’ils devront apporter en soutien parlementaire au gouvernement, et ce malgré leur inefficacité managériale passée ou leur image négative auprès de l’opinion? Il pourra sortir de ce carcan de son « Union sacrée » en se donnant du sang neuf à prendre dans la société civile, la vraie, où des compétences avérées sont légion. Il pourra par exemple y trouver une personnalité qui en connaît un rayon en finances publiques – et qui a de la poigne – à qui il pourra confier le ministère des Finances. Ce dernier, non encarté d’un parti politique, jouirait ainsi d’une indépendance vis-à-vis de diverses « autorités morales » de la nébuleuse Union sacrée et dès lors d’une marge de manœuvre dans la gestion de l’argent de l’État. Recommencer avec les mêmes ou se donner une nouvelle peau avec de nouveaux visages et compétences, tels sont les choix qui se présentent au fils d’Étienne Tshisekedi qui a rêvé, de son vivant et durant tout son combat d’opposant, d’un autre Congo, prospère et démocratique.
Wina Lokondo