C’est une « mission impossible » que le président Felix Tshisekedi s’est assignée vendredi 27 décembre en invitant les membres du gouvernement, réunis en séminaire à Zongo, au Kongo Central, à « préserver la cohésion » gouvernementale en exécutant le « programme commun issu de sa vision ». L’objectif, selon lui, est d’améliorer la qualité de vie de la population. Cet avis est-il partagé par « l’autorité morale » du Front commun pour le Congo? On peut en douter, en dix-huit ans d’exercice du pouvoir d’Etat, l’homme a suffisamment démontré qu’il n’avait que faire du progrès économique et social du pays. Il faut refuser de regarder la réalité en face pour ne pas voir que le « Cabinet » dirigé par le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba ressemble à tout sauf à une équipe. Les intérêts paraissent antinomiques. La « résurrection » des uns dépend de la « crucifixion » des autres.
« Groupe de personnes travaillant à une même tâche ou dans le même but »; « Groupe de personnes collaborant à une même œuvre ». Telles sont les définitions les plus usuelles du mot « équipe ».
Onze mois après l’investiture de Felix Tshisekedi Tshilombo à la tête de l’Etat, on assiste, chaque jour, à une ambiance de crise de l’autorité. Le successeur de l’ex-président « Joseph Kabila » peine à commander et à se faire obéir. C’est particulièrement le cas chez les membres du gouvernement étiquetés « Fcc » (Front commun pour le Congo), la mouvance kabiliste.
Quatre raisons majeures peuvent servir de début d’explication à cette situation. Primo: Le Fcc fonctionne à l’image d’une « secte » où trône un « grand prêtre » (dixit Emmanuel Ramazani Shadary). L’allégeance et la loyauté à l’égard de ce dernier tient lieu de « socle idéologique ». Secundo: le « grand prêtre » ne fait plus mystère de son « rêve » de se lancer dans la course à l’horizon 2023. Pourquoi devrait-il aider son successeur à réussir là où il n’a laissé aucune réalisation impérissable? Tertio: l’immaturité du personnel politique. Un personnel qui peine à intégrer le fait que l’homme politique devenu membre du gouvernement ou parlementaire n’appartient plus à un parti ou un clan. Il est au service de la nation. Quarto: Face à l’indiscipline ambiante, « Fatshi » parait bien incapable d’exercer le pouvoir de décision et d’impulsion.
A Zongo, le chef de l’Etat dont des actes officiels ont été estampillés « non avenus » par la volonté de certains ministres Fcc – cas du ministre en charge du Portefeuille qui gèle depuis juin dernier les nominations à la SNCC et la Gécamines -, a commencé par cerner l’intérêt de ce séminaire. « L’objectif de ce séminaire est de rechercher l’efficacité de notre action, le renforcement de notre cohésion et la solidarité qui doivent caractériser nos tâches respectives (…)« .
En clair, quatre mois après l’entrée en fonction du gouvernement Ilunga, celui-ci est loin d’être « parti ». La machine est toujours au niveau des « réglages préliminaires ».
RESPECT DE LA LÉGALITÉ
Felix Tshisekedi s’est, par ailleurs, cru obligé de rappeler aux membres du « Cabinet » dirigé le « Premier » Ilunga que le fait pour chaque ministre d’être « chef de son département » n’exonère nullement ce dernier de respecter la légalité en conformant ses actes aux lois. Autorité politico-administrative, certaines « excellences » – n’ayant pas été préparées à assumer des hautes charges – ignorent que le pouvoir d’Etat ne leur confère pas le droit de faire n’importe quoi. Et que chaque décision doit avoir un fondement juridique.
Se référant sans doute à la polémique ayant opposé le ministre de la Justice, le Fcc Tunda ya Kasende, à son collègue en charge des Affaires foncières, l’Unc Aimé Molendo Sakombi, sur un dossier relevant de ce dernier ministère, Fatshi a exhorté les membres du gouvernement à promouvoir la « solidarité » et « la collaboration dans le traitement de différents dossiers ». Sera-t-il entendu?
Il importe d’ouvrir la parenthèse ici pour signaler la présence, à ce colloque, de l’ancien ministre des Finances, Freddy Matungulu Mbuyamu Ilankir. Représentant du Congo-Kinshasa à la Banque africaine de Développement (BAD), Matungulu a entretenu les participants sur la mise en œuvre du programme du gouvernement, la gestion axée sur les résultats et les contrats de performance des ministres.
On imagine que lors du débat qui s’en est suivi, les membres du gouvernement n’ont pas manqué de faire remarquer qu’il est illusoire d’escompter des résultats sans moyens. On rappelle que sous la présidence de « Joseph Kabila », les cabinets ministères ne recevaient qu’un montant dérisoire pour le fonctionnement. Rien pour l’investissement. On rappelle également que lors de la présentation du programme du gouvernement, Sylvestre Ilunga s’était limité à dresser un beau catalogue de bonnes intentions sans indiquer les moyens budgétaires prévus à cet effet. Fermons la parenthèse.
MISSION IMPOSSIBLE
Revenons à Felix Tshisekedi qui a émis le vœu de voir le gouvernement sortir « renforcé en termes de collaboration et de cohésion » à la clôture de ces travaux prévus samedi 28 décembre. Pour lui, ce cadre est une occasion privilégiée pour aplanir des « malentendus » survenus depuis septembre dernier à ce jour. Certains ministres Fcc n’ont pas manqué de murmurer: « Causes toujours! ».
Le président Fatshi fait preuve d’une surprenante ingénuité. Croit-il sérieusement que son prédécesseur et « partenaire » adhère à son ambition de sortir les Congolais de leurs « conditions infra-humaines »? Que restent-ils des « Cinq chantiers du chef de l’Etat » et de la « Révolution de la modernité » présentés respectivement en novembre 2006 et décembre 2011 comme « programmes politiques » par « Kabila »? Imagine-t-il franchement que l’ex-Président ne rêve qu’à l’aider à réussir son quinquennat?
Dans le discours sur l’état de la nation qu’il a prononcé le samedi 14 décembre dernier devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès, le chef de l’Etat avait décrété l’année 2020 comme étant « l’année de l’action ».
Pour que personne ne doute de son sérieux, il a promis aux participants des « sanctions » et autres « mesures disciplinaires » pour « garantir l’exemplarité ».
Cette posture de « gendarme » n’a pas empêché « Fatshi » de tempérer aussitôt son idéalisme en se souvenant que la coalition Fcc-Cach « est une expérience inédite dans notre pays qui mérite chaque jour notre attention et des précautions pour préserver la cohésion gouvernementale ».
On le voit, l’esprit d’équipe espérée par « Felix » relève d’une mission impossible. Et pour cause, les deux alliés, unis dans un « mariage contre-nature », sont loin de regarder dans la même direction. Leurs bases respectives ont démontré par des invectives que la cohésion apparente ne tient qu’à un fil…
Baudouin Amba Wetshi