Président du patronat congolais (FEC), Albert Yuma Mulimbi, 63 ans, est surtout connu comme l’homme qui porte, depuis juillet 2014, la double casquette de PCA (président du conseil d’administration) et de CEO (DG ou administrateur-délégué) de fait de la société d’Etat Gécamines. Il concentre entre ses mains non seulement le « contrôle » mais aussi la « gestion » de cet ex-fleuron de l’économie zaïro-congolaise. Proche parmi les proches de la fratrie « Kabila », Yuma est également connu comme l’ « homme d’affaires » de la « famille ». En marge de la 3ème édition de la conférence minière qui s’est tenue du 12 au 14 septembre à Kolwezi (Lualaba), il a accordé une interview à « Mining and Business » (M&B), dans laquelle il minimise son rôle à la tête de la Gécamines. Ce qui ne l’empêche pas d’évoquer des réformes qu’il entend mener.
Depuis 2010, Albert Yuma Mulimbi occupe les fonctions de président du conseil d’administration de la Gécamines. Après le limogeage de l’administrateur délégué général Ahmed Kalej Kand en juillet 2014, l’homme s’est vu confier les deux rôles réputés incompatibles.
Quatre années après avoir exercé un « pouvoir absolu », Yuma semble découvrir que le moment est venu de réformer la Gécamines. Une société minière qui ne produit plus rien. Elle vit des « ressources financières » que ses « partenaires » veulent bien lui verser.
Yuma dit avoir commandé un « audit organisationnel ». Le premier du genre remonte à 2015. En guise d’excuse, il explique: « les audits coûtent chers et l’argent a toujours été la faiblesse de l’Etat congolais ».
Cette « impécuniosité » de la Gécamines n’a pas empêché quelques dépenses jugées inutiles et somptuaires. C’est le cas notamment de la rénovation de l’immeuble « Sozacom » à Kinshasa, du moins le niveau où siège le conseil d’administration et la « modernisation » du siège de la Gécamines à Lubumbashi. Ici, les travaux ont été confiés aux Entreprises Forrest. Coût: 10 millions USD.
« RÉVEIL TARDIF »
Au cours de cet entretien, Yuma n’a cessé de donner l’impression de quelqu’un qui fait un « réveil tardif ». Un réveil qui intervient près de deux années après l’expiration du dernier mandat de « Joseph Kabila ». Mulimbi a tenté, par ailleurs, de minimiser le rôle qu’il joue dans cette entreprise publique. « Je suis d’abord le patron du secteur privé congolais. Je n’ai pas vocation à rester à la Gecamines », a-t-il plaidé. Sans conviction. Le locuteur s’est aussitôt contredit en affirmant qu’il est là « pour donner l’impulsion ». Ajoutant que « Joseph Kabila » l’aurait « appelé » à la Gécamines afin d’y instaurer « une gestion de type privée ».
Huit années après son arrivée à la Gécamines, le président de la FEC (Fédération des entreprises du Congo) ne présente aucun bilan. L’homme reste au point de départ en parlant des projets. Il clame sa volonté de « faire renaître » la société minière d’antan. « Moi, j’ambitionne de la remettre sur le devant de la scène ».
Les détracteurs de Yuma assurent que le bilan de celui-ci est désastreux. Des agents contactés par l’auteur de ces lignes reprochent au tout-puissant PCA de négliger la raison d’être de cette société d’Etat. A savoir, la production de minerais. Sans omettre la commercialisation. Le personnel accuserait 12 mois de salaires impayés. Yuma soutient le contraire: « les salaires sont payés chaque mois ». D’après lui, il n’y aurait plus que six mois d’arriérés.
150 MILLIONS USD… « DES PEANUTS »
Quid de la production? Pour l’année en cours, « Mulimbi » espère « rééquilibrer l’entreprise » en portant la production à 30.000 tonnes de cuivre. Pour les trois années à venir, il escompte atteindre 75.000 tonnes.
Pour réaliser ces objectifs, il estime qu’il faut « dégraisser » le personnel. Il compte le faire « sans casse ». Les effectifs devraient passer de 8.500 employés à 3.200.
Albert Yuma Mulimbi n’a pas démenti les informations faisant état de sa volonté de « liquider » certaines composantes du patrimoine immobilier de la Gécamines situées notamment en Belgique.
Il a reconnu que la Gécamines a pu récupérer la somme de 150 millions USD dans le cadre de son bras de fer avec Glencore. Il qualifie cette somme de dérisoire. « 150 millions, c’est des peanuts ».
Ne résistant pas à la tentation de débiter des contrevérités, Yuma qui gère les intérêts financiers de la fratrie « Kabila » – c’est le cas notamment de la société « Egal », spécialisée dans l’agro-alimentaire -, assure la main sur le cœur qu’il ne tire guère son aisance matérielle de ses fonctions à la Gécamines. « Mon père, qui a 86 ans, a été le premier homme d’affaires privé zaïrois à avoir une compagnie aérienne, et fut membre du Parlement. J’ai étudié en Europe aux frais de mes parents », conclut-il.
Baudouin Amba Wetshi