Dans une « communication » datée du mardi 23 mai 2017, le procureur général de la République (PGR), Flory Kabange Numbi, a annoncé l’ouverture d’une enquête à l’encontre du député national Clément Kanku Bukasa wa Tshibwabwa. Celui-ci est suspecté d’être de mèche avec la très nébuleuse « milice » dite « Kamwina Nsapu ».
C’est un article paru dans le quotidien New York Times (NYT) daté du 20 mai 2017 qui a incité le PGR à se saisir. Rien de plus normal. Le ministère public peut être avisé par des procédés très divers. C’est le cas notamment de la rumeur, des articles de presse, de dénonciation. Sans oublier une plainte déposée par la personne lésée ou un procès-verbal établi par la police judiciaire.
Cet article de NYT renseigne notamment que l’expert des Nations Unies Zaida Catalan détenait dans son ordinateur portable l’enregistrement audio d’une conversation téléphonique qui remonte au mois d’août 2016 entre Kanku et un présumé « milicien ».
Au Congo-Kinshasa, l’écoute téléphonique n’est pratiquée que par l’Agence nationale de renseignements (ANR). L’ANR aurait-elle transmis cet élément aux agents onusiens? A quand remonte cette « collaboration »?
Depuis le mois d’août 2016, des événements sanglants se déroulent dans l’ancienne province du Kasaï Occidental. « L’armée et la police traquent des terroristes », disent les officiels pour justifier la cruauté des policiers et militaires déployés sur le terrain.
Les corps sans vie et mutilés de la Suédoise « Zaida » et son collègue américain Michaël Sharp ont été retrouvés après leur disparition le 12 mars dernier dans la région de Tshimbulu. Une région qui était et se trouve encore sous le contrôle de l’armée congolaise.
Les deux experts étaient justement chargés par le Conseil de sécurité d’enquêter sur les atrocités commises dans cette région.
Des doigts accusateurs de la communauté internationale sont pointés sur « Joseph Kabila » et ses exécuteurs de basses œuvres. « Kabila » concentre tous les pouvoirs d’Etat entre ses mains. L’armée, la police et les services de renseignements relèvent de lui seul.
Les Congolais qui commençaient à désespérer de leur magistrature debout ne pourraient que saluer la « célérité » du PGR. L’article du NYT date du 20 mai. Flory Kabange Numbi a réagi 72 heures après soit le 23 mai. Un record. D’aucuns parlent déjà d’une promptitude inhabituelle voire suspecte.
Le PGR Flory Kabange Numbi n’a pas habitué ses concitoyens à répondre présent là où on l’attend. Dans une série de dossiers mettant en cause « Joseph Kabila » et sa fratrie, le magistrat a brillé par son inaction autant que son silence. Des faits parlent d’eux-mêmes.
Les fosses communes de Maluku. Trente-quatre familles avaient déposé plainte le 5 juin 2015 auprès du PGR. Ces familles n’ont plus revu leurs enfants et proches après l’« Opération Likofi » menée contre les « Kulunas. La plainte est restée sans suite à ce jour. Pour la petite histoire, l’ordre « de nettoyer » la capitale avait été donné par « Kabila ». En personne. L’information a été confirmée par le porte-parole de la police nationale, le colonel Pierrot Mwanamputu.
Les révélations de Panama Papers en avril 2016 n’ont guère ému le magistrat. Jaynet « Kabila » était pourtant épinglée d’avoir – depuis juin 2001 – de l’argent dans les paradis fiscaux sous le couvert d’une société-écran dénommée « Keratsu Holding Limited ». Elle aurait pour partenaire Kalume Nyembwe Feruzi.
Au cours du même mois d’avril, des organisations non gouvernementales avaient invité, en vain, le parquet général de la République à ouvrir une enquête à l’encontre de ces personnes pour fraude fiscale massive et blanchiment d’argent.
Que dire du silence embarrassé du PGR après les révélations faites en novembre 2016 par Jean-Jacques Lumumba au sujet par exemple de la somme de 42,999 millions de dollars que la Banque centrale du Congo a versé, en date du 29 novembre 2013, au crédit du compte ouvert au nom de la société privée « Egal » qui appartiendrait à la fratrie « Kabila »?
Que dire des informations divulguées par l’agence Bloomberg selon laquelle celle-ci posséderait des intérêts dans 77 sociétés dont la BGFI Bank?
Que dire enfin du dossier relatif au passeport biométrique divulgué en avril dernier par le journaliste David Lewis de l’Agence Reuters? Le contrat a été conclu de gré à gré au niveau de la Présidence de la République en violation des lois congolaises sur la passation des marchés publics. Il est question de surfacturation.
Le PGR Flory Kabange Numbi doit savoir que les Congolais ne sont pas dupes. Ils ont compris que « Joseph Kabila » est en quête de « fusibles » pour se dépêtrer du dossier relatif à l’assassinat des experts onusiens Catalan et Sharp. Ils ont compris également que le PGR est un magistrat sous influence. Un magistrat inféodé à la personne de « Kabila ».
C’est un secret de Polichinelle de dire ici que Zaida Catalan et Michaël Sharp en savaient trop sur la barbarie du régime et de ses soudards déployés au Kasaï. A qui profite le crime? Poser la question, c’est y répondre…
Baudouin Amba Wetshi